Amnesty International France

04/29/2024 | Press release | Distributed by Public on 04/29/2024 08:47

Togo : Des élections sur fond de musellement des voix dissidentes

Les autorités togolaises doivent mettre fin à la répression toujours plus grande qu'elles exercent contre les droits humains, notamment les droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique, dans un contexte de tensions politiques liées à la modification de la Constitution, alors que les Togolais votent aujourd'hui pour les élections législatives et régionales, a déclaré Amnesty International.

Les autorités ont interdit les manifestations prévues par des partis politiques et organisations de la société civile les 11, 12 et 13 avril pour protester contre les modifications de la Constitution qui selon eux pourraient permettre au Président Gnassingbé, au pouvoir depuis 19 ans, de s'y maintenir. Citant des « informations concordantes dignes de foi », le gouvernement a accusé les organisateurs des manifestations d'avoir des intentions violentes pour justifier les interdictions.

Au Togo, il a été difficile, voire impossible, de contribuer librement au débat sur la nouvelle Constitution.

Samira Daoud, Directrice du bureau régional d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre.

Le 23 avril, le Ministère de l'Administration territoriale a envoyé une lettre à deux représentants de la coalition d'opposition Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK) interdisant un sit-in pacifique prévu pour le 25 avril devant la Cour constitutionnelle, au prétexte que la demande avait été « signée par deux personnes au lieu de trois ».

« Au Togo, les voix dissidentes ne peuvent plus jouir de leurs droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique. Il a été difficile, voire impossible, de contribuer librement au débat sur la nouvelle Constitution sans craindre des représailles, y compris la détention arbitraire, malgré les engagements répétés des autorités à garantir le respect des droits humains", a déclaré Samira Daoud, Directrice du bureau régional d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre.

« La manière dont les autorités togolaises ont piétiné les droits des opposants au changement constitutionnel est consternante. La répression des droits humains doit cesser. »

Arrestations et détentions arbitraires

Le 3 avril, neuf membres de la DMK ont été arrêtés arbitrairement pour « troubles graves à l'ordre public ». Quatre d'entre eux s'apprêtaient à mener une action de sensibilisation pour dénoncer le changement constitutionnel. Les cinq autres se trouvaient au domicile d'une militante de la DMK, où se tenait une réunion politique. Tous ont été libérés le 9 avril par un tribunal de Lomé. Le procureur a annoncé son intention de faire appel.

Le 27 mars, au moins trois conférences de presse et réunions rassemblant des partis politiques et/ou des organisations de la société civile souhaitant exprimer leur désaccord sur le changement constitutionnel ont été interdites à Lomé et à Tsévié et dispersées par les forces de sécurité.

Les autorités doivent respecter, protéger, promouvoir et mettre en œuvre les droits humains de tous dans le pays, y compris de ceux qui ne sont pas
d'accord avec elles.

Samira Daoud, Directrice du bureau régional d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre.

Le droit à la liberté d'expression et la liberté de la presse ont également été largement violés ces dernières semaines. Le 15 avril, la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication a annoncé qu'elle suspendait temporairement les accréditations des journalistes, invoquant des « problèmes » liés à l'arrivée d'un journaliste français, et des « manquements graves dans la couverture de l'actualité politique sur le Togo par [les médias français] RFI et France 24 ». Le journaliste a été arrêté le 15 avril et expulsé le lendemain, après avoir été condamné à six mois de prison avec sursis pour « entrée illégale sur le territoire ».

Apollinaire Mewenemesse, rédacteur en chef du journal La Dépêche, a été détenu du 26 mars au 9 avril après la publication d'un article soulevant des questions sur l'assassinat d'un officier de l'armée en 2020. Placé sous surveillance judiciaire, il est poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles, atteinte à l'honneur du Président de la République, outrage envers les cours et tribunaux, et faux et usage de faux, a indiqué son avocat à Amnesty International.

« Le harcèlement et l'intimidation continus des voix dissidentes, notamment à travers des arrestations arbitraires et l'interdiction de rassemblements publics et de manifestations, constituent un affront aux droits à la liberté d'expression, à la liberté d'association et à la liberté de réunion pacifique. Les autorités doivent respecter, protéger, promouvoir et mettre en œuvre les droits humains de tous dans le pays, y compris de ceux qui ne sont pas d'accord avec elles », a déclaré Samira Daoud.

Contexte

Une nouvelle Constitution a été adoptée le 19 avril, en deuxième lecture, par une Assemblée nationale composée uniquement de représentants du parti au pouvoir. Selon cette nouvelle Constitution, les Togolais n'éliront plus le Président de la République au suffrage universel direct. Il sera élu par l'Assemblée nationale et le Sénat pour un mandat de quatre ans. Ce changement très controversé est survenu dans un contexte de violations croissantes des droits humains, notamment du droit de réunion pacifique, qui n'existe plus que sur papier pour les opposants au régime et la société civile.

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