United Nations General Assembly

09/21/2021 | Press release | Distributed by Public on 09/21/2021 10:34

Ouverture du débat général de l'Assemblée générale

(Le résumé complet du communiqué sera disponible plus tard dans la journée.)

Déclarations d'ouverture

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l'ONU, a déclaré être venu pour « tirer la sonnette d'alarme » car « le monde doit se réveiller ». « Nous sommes au bord du précipice -et nous continuons de nous en approcher. Jamais notre monde n'a été aussi menacé. M. Guterres a cité non seulement la pandémie de COVID-19, qui a « amplifié des inégalités déjà flagrantes », la crise climatique, mais aussi les bouleversements qui, de l'Afghanistan à l'Éthiopie en passant par le Yémen, viennent menacer la paix. Il y a ajouté « l'embrasement de méfiance et de désinformation » qui polarise les gens et paralyse les sociétés; les menaces pesant partout sur les droits de l'homme; et les attaques contre la science.

Face à cette situation, l'aide économique destinée aux plus vulnérables, à supposer qu'elle leur parvienne, est insuffisante et arrive trop tard, a poursuivi le Secrétaire général, pour qui la solidarité fait défaut au moment où elle est le plus nécessaire. Le Secrétaire général l'a illustré par l'image de vaccins contre la COVID-19 jetés à la poubelle dans certaines parties du monde alors que plus de 90% des Africains attendent toujours leur première dose. Il a opposé les succès de la science, capable de mettre au point ces vaccins en un temps record, au manque tragique de volonté politique, égoïsme et méfiance, estimant que « Nous sommes moralement coupables de l'état du monde dans lequel nous vivons. »

M. Guterres est ensuite revenu sur la crise climatique, rappelant le « code rouge pour l'humanité » que le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) représente. Températures torrides, perte de biodiversité choquante, pollution de l'air, des eaux et des espaces naturels, les signes avant-coureurs de la catastrophe sont visibles sur chaque continent, a-t-il poursuivi, rappelant que même New York, la capitale financière du monde, n'est pas à l'abri. M. Guterres a rappelé que, s'il est encore possible de tenir l'objectif de 1,5 degré fixé lors de l'Accord de Paris sur le climat, « la fenêtre pour le faire se ferme rapidement » et qu'au rythme des engagements nationaux actuels, la planète serait condamnée à « une situation infernale » d'augmentations de température d'au moins 2,7 degrés au-dessus des niveaux préindustriels. Nous sommes à quelques semaines de la Conférence des Nations Unies sur le climat de Glasgow, mais apparemment à des années-lumière d'atteindre nos objectifs, a-t-il ajouté, appelant les dirigeants à s'y mettre sérieusement et à agir vite.

Pour M. Guterres, la COVID-19 et la crise climatique ont mis en lumière les « profondes fragilités » des sociétés et de la planète. Aussi a-t-il dénoncé l'orgueil qui prévaut sur l'humilité nécessaire face à ces « défis formidables », l'absence de solidarité et le « fléau de la méfiance » qui se répand, face aux promesses non tenues, la corruption ou les inégalités, illustrées par les promenades dans l'espace de milliardaires pendant que des millions de personnes ont faim sur terre. Les personnes que nous servons et représentons risquent de perdre confiance non seulement dans leurs gouvernements et leurs institutions mais aussi dans les valeurs de paix, de droits humains et de dignité qui animent le travail des Nations Unies depuis plus de 75 ans, a averti le Secrétaire général, qui a mis en garde contre la « rupture des valeurs » à laquelle peut mener la rupture de confiance. « À quoi bon des promesses si les gens ne voient pas de résultats dans leur vie quotidienne. »

Pour le Secrétaire général, « l'heure de vérité a sonné » et le moment est venu de rétablir la confiance et de redonner de l'espoir. « Et de l'espoir, j'en ai! », a-t-il ajouté, car « les problèmes que nous avons créés sont des problèmes que nous pouvons résoudre ». Toutefois, a ajouté M. Guterres, le système multilatéral actuel a ses limites dans ses instruments et ses capacités, par rapport à ce qui est nécessaire et trop « axé sur le court terme » pour gérer efficacement les biens publics mondiaux. Le Secrétaire général a donc demandé un renforcement de la gouvernance mondiale et le renouvellement du contrat social, en se concentrant sur l'avenir.

M. Guterres a rappelé que son dernier rapport, « Notre programme commun », fournit une analyse à 360 degrés de l'état de notre monde et présente 90 recommandations spécifiques pour relever les défis d'aujourd'hui et renforcer le multilatéralisme de demain. Ce programme, a-t-il insisté, s'appuie sur la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Programme de développement durable à l'horizon 2030 et l'Accord de Paris sur le climat, étant également conforme au mandat confié au Secrétaire général par la Déclaration de l'ONU75.

Pour parvenir à ce monde meilleur, il faudra combler six grands fossés, a expliqué M. Guterres, qui les a ensuite présentés successivement.

Il a d'abord cité le fossé de la paix, dressant un panorama des instabilités, des coups de force, de l'impunité, ou encore les deux approches géostratégiques divergentes qui font naître le spectre d'un monde beaucoup plus instable et plus dangereux que celui de la guerre froide. « Pour redonner confiance et raviver l'espoir, nous avons besoin de coopération. Nous avons besoin de dialogue. Nous devons nous entendre. »

Il a ensuite cité le fossé climatique entrer Nord et Sud et demandé davantage d'ambition dans les trois domaines clefs de l'atténuation, du financement et de l'adaptation aux changements climatiques. « N'attendez pas que les autres fassent le premier pas, faites votre part », a-t-il lancé à l'adresse de chacun des États Membres, en rappelant qu'il s'agit d'une « urgence planétaire ». Il a notamment souhaité que 50% de tous les financements climatiques fournis par les pays développés et les banques multilatérales de développement soient consacrés à l'adaptation, rappelant que la Banque africaine de développement avait montré la voie en 2019.

Le Secrétaire général a ensuite appelé à réduire le fossé entre riches et pauvres, y compris dans le cadre de la pandémie par l'adoption d'un plan de vaccination permettant d'au moins doubler la production de vaccins et de protéger ainsi 70% de la population mondiale avant la fin du premier semestre 2022. Suggérant la constitution et la composition d'une équipe spéciale d'urgence pour exécuter le plan de vaccination mondial, il a aussi suggéré aux économies avancées de réaffecter l'excédent de leurs DTS (droits de tirage spéciaux) aux pays qui en ont vraiment besoin. Mais, « les DTS ne sont pas la panacée », a-t-il reconnu. M. Guterres a également demandé la poursuite de la suspension de la dette jusqu'en 2022 et la réforme des système fiscaux. Il a plaidé pour la mise en place d'un nouveau contrat social, avec une couverture sociale universelle notamment.

S'exprimant en français, M. Guterres a aussi appelé à combler le fossé entre les genres, en rappelant notamment les effets disproportionnés de la pandémie sur les femmes et les filles. « L'égalité des femmes est essentiellement une question de pouvoir », a-t-il dit en appelant à changer l'équilibre du pouvoir. Il a ainsi recommandé de veiller à ce que les femmes soient pleinement représentées et puissent apporter la pleine contribution partout. Il a exhorté les gouvernements, les entreprises et les autres organisations à prendre des mesures audacieuses, y compris des critères de référence et des quotas, pour établir la parité hommes-femmes à tous les niveaux de la hiérarchie, offrant l'exemple de ce que l'ONU est parvenue à réaliser au sein de l'équipe dirigeante et parmi les responsables de bureaux de pays. Il a aussi plaidé pour que soit adopté un plan d'urgence pour lutter contre la violence de genre dans chaque pays.

Pour « redonner confiance et raviver l'espoir », le Secrétaire général a appelé à réduire la fracture numérique, vu que la moitié de l'humanité n'a pas accès à Internet. Souhaitant que tout le monde soit connecté d'ici à 2030, il a rappelé la vision de son Plan d'action de coopération numérique. Il s'est inquiété de l'usage fait des données collectées par les plateformes numériques ou les États, parlant de « vaste bibliothèque d'informations » en train d'être constituée sur chacun d'entre nous, et de « contrat à terme » sur nos comportements et habitudes qui deviennent des produits. « Ce n'est pas de la science-fiction. C'est notre réalité. Et cela exige un débat sérieux. » Quels cadres juridiques nous permettraient de faire face à une cyberattaque massive, a-t-il lancé, regrettant le manque de consensus sur la façon de réglementer ces technologies. Nous devons placer les droits humains au centre des efforts visant à un avenir numérique sûr, ouvert et équitable, a-t-il aussi insisté.

Enfin, M. Guterres s'est exprimé en espagnol sur le sujet du fossé entre les générations, qu'il a appelé à réduire, en rappelant que ce sont les jeunes d'aujourd'hui qui hériteront des décisions prises par leurs ainés. « Il faut les laisser s'asseoir à la table des négociations. » C'est pourquoi il a annoncé la création d'un Bureau des Nations Unies pour la jeunesse et la nomination prochaine d'un Envoyé spécial pour les générations futures. Il a aussi rappelé que son rapport propose la tenue, l'an prochain, d'un sommet sur la transformation de l'éducation.

Avec un engagement réel, nous pouvons tenir la promesse d'un monde meilleur et plus pacifique, a conclu le Secrétaire général, pour qui la meilleure façon pour un État de promouvoir les intérêts de ses ressortissants est de faire avancer les intérêts de notre avenir commun. « L'interdépendance est la logique du XXIe siècle » et « c'est l'idée qui guide l'Organisation des Nations Unies », a-t-il lancé en appelant en à relancer le multilatéralisme, rétablir la confiance et inspirer l'espoir, en commençant dès maintenant.

M. ABDULLA SHAHID, Président de la soixante-seizième session de l'Assemblée générale, s'est dit honoré d'accueillir les délégations alors que débute la Semaine de haut niveau. Il n'a pas caché sa joie de voir cette session se tenir à nouveau en personne, après une année et demie où « nous avons souffert en silence et dans l'angoisse ». Il a ensuite exprimé sa profonde gratitude à son prédécesseur, M. Volkan Bozkir, avant de remercier le Secrétaire général pour son leadership et sa sagesse. Il a également su gré au Président Ibrahim Mohamed Solih et au peuple des Maldives de lui avoir accordé leur confiance. « Je suis vraiment touché et profondément fier de me tenir en tant que petit insulaire à cette grande tribune au nom de notre peuple », a-t-il confié.

Avant d'aborder les nombreux défis auxquels la communauté mondiale doit faire face, M. Shahid a souhaité célébrer les accomplissements des deux dernières années. En un « temps record », l'humanité a développé plusieurs vaccins viables contre la COVID-19, a-t-il relevé, saluant les scientifiques et les chercheurs qui ont collaboré à cet « exploit remarquable d'ingéniosité humaine ». Et si le plus grand déploiement de vaccins de l'histoire de l'humanité, actuellement en cours, n'est pas sans défauts, « il est monumental dans son entreprise », a souligné le Président de l'Assemblée générale, selon lequel « rien que pour ces réalisations, nous devrions être fiers ».

Où voulons-nous être à cette époque l'année prochaine? Qu'est-ce que nous, en tant que peuple, avons l'intention d'accomplir au cours des 12 prochains mois? Selon M. Shahid, la réponse à ces questions est claire: « le monde veut la tranquillité d'esprit ». Pourtant, les défis ne manquent pas, a-t-il admis, évoquant « la fragilité, les conflits, la COVID-19 et les changements climatiques ». Ces problèmes et bien d'autres « alimentent une anxiété collective et la peur que les choses empirent progressivement ». Les gens craignent que nous n'en fassions pas assez pour résoudre les problèmes auxquels notre monde est confronté, et « ils n'ont pas tort ». De fait, a assuré le Président de l'Assemblée générale, « nous pouvons faire plus ». Pour la COVID-19 comme pour les changements climatiques, il ne nous manque que « que le soutien politique et les financements associés ». S'agissant des conflits et de l'instabilité, « nous avons un désir quasi universel de désarmement et de non-prolifération nucléaires, mais nous hésitons à l'approche de la ligne d'arrivée, laissant les traités non ratifiés ». Quant à la question humanitaire, « nous avons suffisamment de nourriture et d'eau pour subvenir aux besoins de la planète plusieurs fois, mais il existe une véritable crainte de voir le retour de la famine et les effets de la sécheresse ». Résultat: des centaines de millions de personnes auront besoin d'une aide humanitaire d'ici à la fin de l'année.

Pour le Président de l'Assemblée générale, ce moment est un « tournant » de l'histoire. « Nous pouvons choisir une voie d'isolationnisme, de destruction mutuelle, de lent recul de l'expérience humaine, ou nous pouvons forger ensemble une nouvelle voie, une voie durable et résiliente qui change l'avenir de notre planète ». Si la COVID-19 a été une « tragédie de la plus grande ampleur », elle nous a aussi averti des dangers auxquels nous sommes confrontés si nous continuons à « traîner les pieds », a-t-il observé, affirmant croire sincèrement au « pouvoir de l'humanité » pour surmonter ces défis. « Vous ne pouvez pas vivre aux Maldives et faire face à la menace existentielle de l'élévation du niveau de la mer sans espoir », a insisté M. Shahid avant d'énumérer les « cinq lueurs d'espoir » sur lesquelles il entend s'appuyer pour orienter les travaux de l'Assemblée générale cette année.

Tout d'abord, il a dit vouloir soutenir fermement la nécessité d'assurer l'équité vaccinale et de « vacciner le monde ». Il entend ainsi accueillir une réunion de haut niveau sur cette seule question et aborder les obstacles pratiques qui sont apparus autour de l'approvisionnement, du stockage et de la distribution. Pour ce qui concerne la reprise à plus long terme, il prévoit d'appuyer une reconstruction en mieux, « plus forte, plus verte et plus bleue ». En suivant les voies tracées par le Programme 2030, « nous pouvons nous éloigner des pratiques destructrices et embrasser un avenir meilleur », a-t-il soutenu.

Troisièmement, nous devons porter notre attention sur la crise climatique, « qui a pris le pas sur la COVID-19 », a-t-il souligné. Estimant que le rapport du GIEC et d'autres « parlent d'eux-mêmes », il a averti que « nous sommes au bord d'une falaise ». Pour répondre à cette urgence, il a annoncé qu'il organiserait une série d'événements sur l'action climatique. Le premier, dans la perspective de la COP26, « contribuera à renforcer l'ambition et à garantir que l'action figure bien à l'ordre du jour ». Il s'agit de réunir les capacités nécessaires pour réellement tenir nos promesses climatiques, a-t-il expliqué, souhaitant que tout pays ou toute communauté puisse « absorber » les technologies renouvelables innovantes. Plus tard, un deuxième événement rendra hommage aux autres efforts environnementaux majeurs en cours sur l'océan, la désertification et la biodiversité, avec pour objectif d'aborder ces questions imbriquées lors d'une « supersession sur l'environnement ».

M. Shahid a indiqué que sa quatrième « lueur d'espoir » porte sur les droits humains. Nous devons respecter les principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en particulier en période de conflit, tout en nous efforçant de toujours responsabiliser et soutenir les personnes les plus vulnérables, a-t-il plaidé, en se disant déterminé à adopter une « approche transversale du genre » durant sa présidence. Enfin, il a appelé de ses vœux la poursuite de la réforme et de la revitalisation de l'ONU. À ses yeux, ce n'est pas une question d'équilibre des pouvoirs mais une « question d'efficacité ». À cet égard, il a dit vouloir donner la priorité à l'écoute. En nous engageant mieux avec les organisations de la société civile et en attirant plus de jeunes, nous saurons ce qui compte pour les gens et découvrirons de nouvelles façons de faire la différence, a-t-il avancé.

Avant de conclure, M. Shahid a souhaité rappeler que, pour les sept milliards de personnes dans le monde, l'ONU représente des dirigeants qui débattent non pas pour savoir s'il faut aider mais comment aider. « Ne les laissons pas tomber ». Nous n'avons jamais été aussi connectés, nous n'avons jamais eu la richesse, les ressources ou le savoir-faire que nous avons maintenant. Il n'y a rien sur notre chemin pour nous arrêter si ce n'est nous-mêmes, a-t-il dit. « Soyons l'ONU que les gens veulent que nous soyons » et « donnons-leur de l'espoir maintenant. »

à suivre...