BCGE - Banque Cantonale de Genève

11/19/2021 | Press release | Distributed by Public on 11/19/2021 07:24

Interview de Manuel Leuthold

Propos recueillis en exclusivité pour Point de Mire par Daniel Stanislaus Martel

La Banque cantonale de Genève (BCGE) est bien connue des lecteurs de « Point de mire». Lors de l'entrée en vigueur de la LSFin en 2020, le#78, paru en janvier 2020, a publié, à la une, la vision de Blaise Goetschin, CEO de la vénérableinstitution, sur la façon dont la gestion advisory allait évoluer vers la gestion discrétionnaire. Deux ans plus tard, la BCGE évolue dans un monde doublement transformé ; d'une part, avec une place financière suisse marquée par la LSFin et l'adoption de la gestion discrétionnaire et, d'autre part, la banque fait partie d'une économie planétaire « pandémisée ». Dans ces circonstances, comment Manuel Leuthold entend-il piloter la banque ? Parmi les nombreuses compétences acquises au fil d'une riche carrière, lesquelles lui seront le plus utiles ? Et à l'occasion des cinquante ans du droit de vote des femmes en Suisse, quel rôle pour elles dans la finance ?

La BCGE, la LSFin et la transition vers la gestion discrétionnaire

Point de mire: Tout d'abord, la césure imposée par la LSFIn en 2020. Les scénarios de votre CEO Blaise Goetschin de la gestion discrétionnaire comme future base des relations clients se sont-ils matérialisés ?

Manuel Leuthold: La politique de la BCGE, qui met l'emphase sur la nécessité d'un conseil de qualité couvrant à la fois les options d'investissement, mais également une évaluation de la situation patrimoniale globale du client, a effectivement été confortée par la LSFIn. Nous avions anticipé cette situation depuis un certain temps et sommes toujours d'avis que cette clarification s'opère dans l'intérêt du client. Aussi avons-nous entrepris de contacter tous nos clients pour les informer de l'évolution réglementaire et leur expliquer les différentes options qui s'offrent à eux. La majorité de nos clients a opté pour le mandat de gestion.

PdM: à l'époque, la BCGE s'attendait sans doute à des réactions de ses clients. Comment ont-ils effectivement réagi ?

M.L.: L'entrée en force de la LSFIn s'est produite au plus fort de la crise sanitaire, donc une période marquée par de grandes incertitudes entourant les marchés financiers. L'expertise de la banque en matière de gestion (nos mandats « Best of » célèbrent cette année leurs 20 ans d'existence) est reconnue par nos clients. Face à l'incertitude, la gestion a en quelque sorte été plébiscitée et finalement peu de nos clients ont opté pour l'Execution only.

PdM: Et vos clients arrivés après la crise, que pouvez-vous nous dire à leur sujet ?

M.L.: Lors de la présentation de nos résultats du premier semestre 2021, nous avons indiqué que les actifs gérés et administrés de la banque avaient affiché une progression réjouissante de près de 9 %, franchissant le seuil significatif des CHF 33 milliards. Cette croissance remarquable s'est opérée en majeure partie grâce à la signature de plus de 1'000 nouveaux mandats de gestion, mais également par une augmentation de quelques 12 % de la masse des fonds de placement Synchrony funds. De notre point de vue, les causes de cette évolution tiennent à la fois aux conséquences de la crise sanitaire avec notamment un surplus d'épargne dégagé par les mesures de confinement, mais également au développement de la gamme de nos produits, amorcé avant la pandémie. Par exemple, le mandat Best of Genesis, disponible dès CHF 50'000, qui facilite l'accès à la gestion discrétionnaire, a rencontré un franc succès depuis son lancement en 2019. De même, la gamme des fonds Synchrony avec l'ajout de nouveaux fonds ESG convainc un public de plus en plus large.

La BCGE et le monde post-covid

PdM: L'entrée en vigueur de la LSFin coïncide avec la pandémie. D'abord, en général, comment la pandémie a-t-elle transformée la BCGE ?

M.L.: D'un point de vue opérationnel, l'impact des mesures liées à la crise sanitaire a été considérablement limité. À l'image d'autres entreprises, la banque a dû mettre en place des mesures spécifiques de protection de ses collaborateurs et de ses clients qui ont engendré des dépenses substantielles. Elle a notamment procédé au déploiement des équipes sur une multitude de sites et renforcé ses capacités de télétravail. La continuité opérationnelle de la banque a été assurée. Même au plus fort du confinement, la BCGE a maintenu ouvert son réseau d'agences et l'accueil des clients, dans le respect très strict des recommandations de l'OFSP

La BCGE et la place financière genevoise et suisse

PdM: Quelles sont les trois tendances qui façonneront la place financière genevoise et suisse ?

M.L.: Les enjeux liés à la sécurité et de plus en plus à la cybersécurité seront toujours plus présents. Le digital banking au sens large représentera aussi un défi important. La BCGE a une carte à jouer dans ce domaine, en parallèle au développement technologique de ses plateformes, en maintenant un contact humain personnalisé au travers de son réseau d'agences et de sa présence dans la ville. La devise de la maison « Je connais mon banquier » ne sera pas remplacée par « Je connais mon algorithme ». Enfin, l'ESG sous ses différentes déclinaisons se développera en fonction des choix et des préférences de nos clients.

PdM: Comment voyez-vous la BCGE d'ici à cinq ans ?

M.L.: Une banque résolument technologique et humaine, à la fois ouverte au monde et ancrée dans sa région, forte de son rôle de référence et proposant un conseil et une expertise de pointe.

La BCGE et votre vision

PdM: Vous assumez plusieurs responsabilités dont la Présidence de compenswiss Fonds de compensation AVS/AI/APG qui gère les avoirs du 1er pilier de nos assurances sociales, soit environ CHF 40 milliards et la Présidence de Varia US Properties AG qui développe et gère un portefeuille immobilier résidentiel de plus de USD 1 milliard aux Etats-Unis. Comment vos différentes expériences façonnent-elles votre vision de la BCGE ?

M.L.: Ces expériences me semblent indispensables au bon exercice de ma fonction. Elles me rappellent de rester modeste face aux caprices des marchés financiers, de bien évaluer les risques en essayant d'anticiper celui que l'on n'a pas encore vu, et de bien mesurer les conséquences de nos décisions. L'importance d'une bonne gouvernance est également cruciale. Je vois la BCGE comme une banque universelle avec de très belles capacités techniques, une volonté prononcée de bien servir notre clientèle, une direction soudée et une gouvernance solide. Je constate un bel équilibre entre la volonté de développer nos affaires en accompagnant nos clients, d'une part, et une saine conscience des risques et de nos limites, d'autre part. Le Conseil d'administration de notre banque est très engagé à travers un nombre important de séances, y compris au sein des Comités du Conseil, il dispose de compétences élevées et complémentaires, avec une diversité bienvenue qui enrichit nos débats.

PdM: Il y a cinquante ans, les femmes ont obtenu le droit de vote en Suisse. Quels sont, d'après vous, leurs atouts spécifiques dans le monde de la finance ?

M.L.: Le monde de la finance par sa nature, mélange d'une science et d'un art, offre de très belles opportunités de développement et les femmes y ont depuis longtemps pris la place qui leur revient. Elles ont de solides connaissances techniques et souvent une belle intuition à la fois pour anticiper les besoins de la clientèle et pour prévoir les secousses des marchés ! La BCGE accorde une grande importance à la mixité et au développement de carrières féminines au sein de la banque.

Faisons le point !

PdM: Pour finir, une question plus personnelle. Quels sont les trois conseils que vous donneriez à une femme dans la finance qui souhaiterait se réaliser ?

M.L.: Tout d'abord, de ne pas avoir peur de montrer de l'ambition pour se frayer un chemin dans un secteur très exigeant et compétitif. Ensuite, de rester modeste et consciente des risques car crises et scandales nous ramènent régulièrement, parfois brutalement, à la raison. Et enfin, de toujours garder du bon sens. Comme le disait un humoriste français trop tôt disparu : « Il n'y a pas de petits ou de grands, la bonne taille, c'est quand les pieds touchent par terre. »