UNESCO - United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization

01/18/2022 | Press release | Distributed by Public on 01/18/2022 10:42

Un Forum d’échanges avec des journalistes et managers de médias pour une narrative diversifiée et dé-stéréotypée sur les migrations au Sénégal

Plus d'une trentaine de journalistes et managers sénégalais ont participé les 12 et 13 janvier 2022 à un Forum d'échanges sur l'information et les migrations, organisé par l'UNESCO et Article 19, dans la perspective de mieux prendre en compte tous les aspects de la migration au Sénégal et renforcer l'accès des populations locales à une information de qualité sur la thématique migratoire.

Près d'une cinquantaine de participants, dont des professionnels de l'information issus d'une vingtaine de médias sénégalais, des experts, des représentants du Ministère de la Culture et de la Communication, de l'Agence italienne pour la coopération au développement (AICS), des agences des Nations-Unies (UNHCR et OIM) et de la société civile, ont pris part à cet événement. Le Forum visait à renforcer le dialogue avec les professionnels des médias pour favoriser la production et la diffusion de contenus éditoriaux diversifiés sur la migration au Sénégal, en prenant en compte le point de vue des migrants et des candidats à l'émigration, hommes et femmes, et de leur entourage.

Aujourd'hui comme hier, des hommes et des femmes quittent leur terre, partout dans le monde, en quête de nouvelles opportunités et de nouveaux défis. L'Afrique, berceau de l'humanité, est aujourd'hui au centre de l'attention, à travers les images et les témoignages de jeunes africains prêts à tout pour atteindre le soi-disant 'eldorado européen', parfois au péril de leur vie. Mais contrairement aux idées reçues, et c'est le cas en Afrique de l'Ouest, la majorité des citoyens et citoyennes africains migrent davantage dans la sous-région ou en Afrique, que vers d'autres continents comme l'Europe.

M. Dimitri SANGA, Directeur du Bureau de l'UNESCO pour l'Afrique de l'Ouest (Sahel)

Le Sénégal a lancé, depuis quelques années, sur l'ensemble du territoire national, divers programmes de développement et mis en place une variété de mécanismes publics de financements et d'accompagnement pour la promotion de l'emploi décent, comme alternative à la migration irrégulière. L'intérêt de ce forum est d'outiller davantage les professionnels de l'information pour mieux aborder ce sujet spécifique et complexe.

M. Habib Léon NDIAYE, Secrétaire Général du Ministère de la Culture et de la Communication

La question de la mobilité humaine - terme que je préfère à celui de migration - est très complexe et au centre du débat national et international tout au long de ces dernières années. Ce qu'il faut prendre en compte, c'est précisément l'importance d'un nouveau récit, plus pragmatique et réel, loin des récits stéréotypés. Un changement de paradigme qui puisse tenir compte de la dimension éthique et déontologique, des sources et données fiables et de l'utilisation d'une terminologie appropriée. Un modèle de journalisme citoyen participatif qui puisse créer une réflexion inclusive, légitime, non partisane et fonctionnelle.

M. Marco FALCONE, Directeur du Siège de l'AICS à Dakar

La question de la migration constitue de plus en plus un enjeu de gouvernance mondiale. Les grandes conférences régionales et internationales en vue de la « réguler » justifient une préoccupation qui touche à des acteurs différents que sont les Etats, les organisations internationales, les ONG, les organisations de la société civile (OSC) et les migrants. Pour les pays africains en général et pour l'Afrique de l'Ouest en particulier, la migration reste un important pourvoyeur de circulation des biens, des personnes et des services conformément au Protocole de la CEDEAO.

Mme Fatou SENGHORE, Directrice du Bureau Afrique de l'Ouest d'Article 19

Suite à la cérémonie d'ouverture, le forum s'est poursuivi avec des partages d'expériences et de bonnes pratiques entre journalistes, experts en médias, migrations et santé publique, représentants des agences des Nations-Unies et de la société civile, sur les enjeux qui lient l'information et les migrations, et favoriser la production régulière de contenus éditoriaux objectifs sur les thématiques migratoires dans leurs médias. Selon le Prof. Magueye GUEYE, expert en santé, « la fermeture des aéroports internationaux, des frontières terrestres et ferroviaires, la suspension des transports en commun entre différentes villes, la fermeture des marchés, a fortement impacté sur les flux migratoires internes et externes du Sénégal, et sur la vie des migrants, dont certains ont été victimes de discrimination ». De son côté, M. Ibrahima KANE, expert reconnu en matière de migrations, en charge du Programme de plaidoyer pour l'Union africaine du Bureau régional pour l'Afrique d'Open Society Initiative for West Africa (OSIWA), a démontré, chiffres à la clé, toute la diversité du panorama migratoire au Sénégal. « Depuis quelques années, la narrative des médias africains a été fortement influencée par celle de leurs confrères européens, en raison des flux migratoires irrégulier vers l'Europe. Cependant, il existe d'autres formes de migration, qu'elle soit légale, intrarégionale ou issue de la diaspora, qui sont autant de défis et d'opportunités pour le Sénégal, et qui méritent d'être traitées dans les médias sénégalais ».

Mais de quelle manière ces médias abordent-ils la thématique migratoire ? De l'avis de M. Ibrahima BAKHOUM, journaliste réputé et chevronné, « la question migratoire est victime de ce qui en fit un thème médiatiquement intéressant. A force d'être évoquée et traité sous les angles relevant plus du sensationnalisme que de l'informatif, les morts en mer et les portés disparus ne méritent presque plus la UNE des tabloïds ». Voilà pour la migration irrégulière. « La pandémie a pendant ce temps, éclipsé quasi toute information ne relevant pas de scandales de chez nous ou de tragédies survenues ailleurs. La question migratoire a été fortement impacté, quant à sa place dans les contenus médiatiques ». Pour y remédier, M. Bakhoum invite journalistes et managers des médias sénégalais « à aller au-delà du sensationnalisme et des contenus éditoriaux superficiels, à travers un vrai travail de recherche journalistique. Les sources sont multiples et nombre d'entre elles facilement accessibles, que ce soit les statistiques ou les acteurs de la migration ».

Pour sa part, M. Samba Dialimpa BADJI, le rédacteur-en-chef d'Africa Check, une plateforme d'information régionale spécialisée dans la vérification des faits, a cerné « trois défis majeurs pour les journalistes sénégalais, qui existaient avant la crise de COVID-19, mais qui se sont accrus durant la pandémie : la difficulté d'accomplir leur travail sur le terrain, la surabondance d'informations et les fausses informations qui perturbent un écosystème informationnel déjà perturbé ». La thématique migratoire n'échappe pas au discours de haine ou à la manipulation de l'information à des fins politiques, comme ce fut le cas en Afrique du Sud, lorsque les médias ont relayé une fausse information concernant la présence des migrants dans le marché informel sudafricain, ou bien que Facebook, sous pression de la société civile, a été contraint de fermer des dizaines de pages anti-migrants comptabilisant 6 millions d'abonnés.

La journée d'échanges avec les journalistes s'est conclue avec une présentation de l'initiative menée par l'Association des Journalistes pour la Sécurité et les Migrations (AJSEM), avec l'appui de l'UNESCO. Une initiative en cours de mise en œuvre au Niger, présentée par le Président de l'AJSEM, M. Razak IDRISSA, et qui a permis la mise en place des « Desk Migrations » dans 06 rédactions nigériennes (02 TV, 02 radios et 02 médias de la presse écrite), pour la production de contenus éditoriaux sur divers aspects de la migration. A cela se sont ajoutées les témoignages de migrants, dont les profils variés illustrent la diversité de la migration au Sénégal : M. Oumar NGOM, migrant de retour d'Italie, désormais chef cuisinier d'un prestigieux restaurant dakarois ; Mme Mariama BADJI, expatriée en Espagne, et aujourd'hui Présidente de l'association Africa Feliz Senegal et chargée de communication du Réseau Ndaari, spécialisée dans la réinsertion économique des migrants de retour sénégalais ; Mme Khadidiatou MAREGA, membre de la diaspora malienne au Sénégal ; Mme Mame Ana SANE, chargée de missions humanitaires à Médecins Sans Frontières Italie, en poste à Rome.

Le 13 janvier ce fut au tour des managers de médias de participer au Forum. Au cours d'un déjeuner de travail, ils ont été sensibilisés au rôle crucial que peuvent jouer les médias sénégalais dans la couverture de l'information sur divers aspects de la migration au Sénégal. Pour favoriser cette approche, l'UNESCO et Article 19 ont présenté le projet d'appui à des médias du pays pour la production et la diffusion de près de 200 contenus éditoriaux sur les migrations. Au terme du Forum, les médias ont été invité à soumettre des plans stratégiques qui seront évaluer par un Comité d'experts mis en place par Article 19. Dix médias seront retenus, de tout support, pour produire des reportages, des débats radiophoniques, des interviews, des articles d'analyses, etc. sur les migrations au Sénégal. Les médias sélectionnés pourront, sur base volontaire, mettre en place un « Desk Migrations » au sein de leur rédaction.

Cette initiative fait partie du projet « Autonomiser les jeunes en Afrique à travers les médias et la communication », mis en œuvre par l'UNESCO dans 08 pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre (dont le Sénégal), avec le soutien financier de l'AICS, à travers le « Fondo Africa » du Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale (MAECI).