UNOG - United Nations Office at Geneva

04/26/2022 | News release | Distributed by Public on 04/26/2022 23:05

Craintes accrues en matière de sûreté à l'occasion du 36e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl

Alors que l'on marque le 36e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl en Ukraine, le monde s'inquiète à nouveau de la sûreté des centrales nucléaires, dans le contexte de l'invasion russe en cours, qui a donné lieu à des bombardements sur Tchernobyl et d'autres sites nucléaires du pays.

La défunte centrale nucléaire de Tchernobyl et la ville de Slavutich - dont les habitants entretiennent le site, qui doit faire l'objet d'une surveillance constante pour éviter les fuites de matières radioactives - ont été occupées par les troupes russes pendant plus d'un mois.

Bogdan Serdyuk, président du syndicat qui représente les travailleurs de la centrale, se souvient de la bataille près du site, qui a marqué le début de l'invasion russe, le 24 février.

« Le personnel de la centrale a entendu le vrombissement des équipements militaires, et bientôt le site a été encerclé par les chars russes. Les chenilles ont projeté de la poussière contaminée, qui a immédiatement augmenté le rayonnement de fond.

La centrale dispose d'unités de sécurité, spécialisées dans la lutte antiterroriste, mais elles n'ont pas fait le poids face aux forces russes et, de toute façon, il existe des règles qui interdisent les opérations de combat sur le territoire d'une centrale nucléaire ».

© Unsplash/Mick de Paola
Le réacteur 3 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine.

Le principal problème, selon le personnel, est qu'à la suite des bombardements, les lignes électriques ont été endommagées et que Slavutych et la centrale elle-même ont été privées d'électricité.

« La centrale compte quatre unités, dont celle qui a été détruite lors de l'accident de 1986. Tout le combustible nucléaire des trois unités qui fonctionnaient encore après l'explosion a été retiré et placé dans un dépôt de déchets nucléaires », explique M. Serdyuk.

« Les barres de combustible sont stockées dans de l'eau que l'on fait circuler pour les garder au frais. Dès que le courant a été coupé, tout le monde s'est inquiété de savoir si l'eau allait commencer à chauffer. Les experts estiment que, si l'eau ne circule pas, elle pourrait bouillir et le combustible usé commencer à fondre, avec des conséquences imprévisibles ».

Une autre source d'inquiétude concernait la sécurité du sarcophage de protection qui contient le réacteur détruit de la quatrième unité de puissance et les restes de déchets nucléaires. Les dommages subis par le sarcophage pourraient entraîner la fuite de poussières radioactives.

© Unsplash/Michał Lis
Un panneau avertit du danger de radiation à Tchernobyl, en Ukraine.

Une préoccupation pour le monde entier

Le travail à Tchernobyl est effectué par quelque 2.700 personnes. La plupart vivent à Slavutych, une ville satellite construite immédiatement après l'accident de 1986, à environ 50 kilomètres de l'épicentre de la catastrophe.

Les travailleurs de la centrale nucléaire et leurs familles, ainsi que les habitants de la ville évacuée de Pripyat et de toute la zone de 30 kilomètres autour de la centrale touchée par la contamination radioactive, y ont été relogés.

En temps de paix, les employés de la centrale à Slavutych se rendaient au travail en train, ce qui prenait environ 45 minutes. Toutefois, lorsque les lignes de chemin de fer ont été détruites, le trajet depuis Slavutych prend huit heures, et le personnel effectue désormais des rotations, passant des quarts de travail d'une semaine à la centrale, qui n'a pas été conçue pour accueillir des personnes vivant sur place.

« Les centrales nucléaires sont conçues pour résister à un impact d'une force comparable à celle d'un avion. Mais ce n'est pas la même chose que le bombardement qui a eu lieu à la centrale nucléaire de Zaporizhzhya », prévient M. Slavutych, en référence à une autre centrale ukrainienne, toujours en activité.

« La saisie de la centrale nucléaire de Tchernobyl et le bombardement de la centrale nucléaire de Zaporizhzhya soulèvent la question de la sécurité nucléaire, et pas seulement pour l'Ukraine. Les centrales nucléaires ne devraient pas devenir des cibles pour les militaires, car une destruction même partielle peut avoir des conséquences catastrophiques pour le monde entier ».

Avec la permission de Vladimir Udovichenko
Une photo récente de la ville de Slavutich, en Ukraine.

« Nous ne pouvons pas permettre qu'une telle tragédie se reproduise »

« Nous avons une tradition à Slavutych. Chaque année, du 25 au 26 avril, aux mêmes minutes où s'est produit l'accident de Tchernobyl, nous nous rassemblons en hommage aux victimes de Tchernobyl », explique Vladimir Udovichenko, maire de la ville.

« Nous honorons en silence la mémoire de ceux qui ont protégé l'Ukraine et le monde entier des terribles conséquences de l'accident. Et aujourd'hui, nous ne briserons pas cette tradition. Nous ne pouvons pas permettre qu'une telle tragédie se reproduise ».

« Ce qui s'est passé à Tchernobyl [après l'invasion russe] et se poursuit aujourd'hui à Enerhodar [la ville où se trouve la centrale de Zaporizhzhya] est inacceptable. Il faut y mettre fin et nous devons maintenant réfléchir à ce qui peut être fait pour renforcer la sécurité des centrales nucléaires. Nous comptons sur les experts de l'AIEA pour travailler avec nous ».

AEIA
Le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Mariano Grossi (au centre), s'est adressé aux journalistes mardi après son arrivée à la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine.

Une équipe de l'AIEA arrive en Ukraine

.@IAEAorg is here in #Chornobyl Nuclear Power Plant to deliver equipment, conduct radiological assessments and restore safeguards monitoring systems. #Ukraine updated the IAEA on the current nuclear and radiation safety, and security situation of nuclear installations. pic.twitter.com/Z54I0YhjRF

- Rafael MarianoGrossi (@rafaelmgrossi) April 26, 2022

Une équipe de l'AIEA, dirigée par le Directeur général Rafael Mariano Grossi, s'est rendu à Tchernobyl pour livrer des équipements et procéder à des évaluations radiologiques et autres dans l'installation. Des équipements de protection individuelle seront également livrés.

En outre, les spécialistes de l'AIEA répareront les systèmes de contrôle des données à distance installés dans la centrale, que les forces d'occupation ont désactivés, ce qui a empêché le personnel de l'AIEA au siège de l'Agence à Vienne de recevoir les données en ligne de Tchernobyl.

Depuis le début de la guerre, l'AIEA a exprimé de sérieuses inquiétudes quant à la sûreté et à la sécurité des installations nucléaires ukrainiennes. Selon M. Grossi, l'intégrité physique des centrales nucléaires, la capacité du personnel à travailler sans pression excessive et l'accès aux sources d'énergie externes doivent être garantis.

Ces règles ont été gravement violées au cours des deux derniers mois. En mars, la communication avec la centrale nucléaire de Tchernobyl a été perdue. La centrale s'est retrouvée sans alimentation électrique externe, et pendant plusieurs jours, il a fallu utiliser des générateurs diesel de secours.

« La présence de l'AIEA à Tchernobyl sera d'une importance capitale pour nos activités de soutien à l'Ukraine, qui cherche à rétablir le contrôle réglementaire de la centrale nucléaire et à assurer son fonctionnement en toute sécurité », a déclaré M. Grossi. « Elle sera suivie d'autres missions de l'AIEA dans cette centrale et dans d'autres installations nucléaires en Ukraine ».