01/03/2022 | Press release | Archived content
Dans l'univers digital, les interfaces spécifiquement créées pour piéger les utilisateurs sont nommées les Dark Patterns - que nous pouvons traduire par « sombres interfaces » en français. Leurs concepteurs les réalisent dans le but d'amener les utilisateurs à déclencher des actions involontaires, afin de servir les seuls intérêts de la structure propriétaire. Abonnement forcé à une newsletter, souscription non désirée à des services payants, ajout d'articles en douce dans un panier e-commerce… les exemples sont nombreux.
Les expériences online positives passent par des interactions aisées, plaisantes et sans couture. Elles sont conçues pour satisfaire à la fois les utilisateurs et le business, sans que l'un prenne le pas sur l'autre. Les designers s'appuient sur une bonne connaissance des comportements humains et des sciences cognitives. Mais ce savoir peut également être utilisé pour manipuler les utilisateurs via les Dark Patterns.
Cette technique a pour but d'accélérer la transformation d'un panier en achat, en faisant croire à l'acheteur qu'il doit se presser pour ne pas rater une bonne affaire. Cela peut prendre plusieurs formes :
Ce Dark Pattern - que l'on peut traduire par « appât déclencheur » - concerne le détournement d'une action de l'interface, dont le résultat n'est pas celui initialement désiré : une validation plutôt qu'une annulation, une confirmation de commande à la place d'une simple vérification de panier, etc.
L'idée est d'utiliser un conditionnement psychologique via une habitude visuelle, comme une couleur particulière ou un emplacement spécifique. On trouve des exemples de ce Dark Pattern dans certains jeux mobiles gratuits.
Après lancement du jeu, un gros bouton permet de démarrer une partie. Une fois la partie perdue, il est possible d'utiliser un crédit pour rejouer (plusieurs sont offerts chaque jour), en cliquant sur ce même bouton. Une fois les crédits épuisés, le joueur doit en acheter de nouveaux.
À cet instant, les concepteurs de l'interface ont simplement modifié le label « Rejouer » initial du bouton en « Acheter », afin d'amener le joueur directement sur la boutique via un clic réflexe. L'utilisateur devient conditionné à cette action et à son résultat. Il suffit alors de changer le résultat au moment opportun en modifiant le label de l'action.
Cette pratique consiste à ajouter des connotations négatives dans les libellés des actions que le concepteur ne veut pas voir déclenchées (désabonnement, abandon de panier, etc.). Les tournures de ces libellés de confirmation sont culpabilisantes, bien au-delà de « Confirmer » ou « Valider ».
Un des exemples les plus connus reste Amazon, qui propose à de nombreuses reprises un passage à Amazon Prime. Les intitulés de refus ne sont pas de simples « non merci », mais plutôt « non merci, je ne veux pas de livraisons illimitées en une journée ».
Autres exemples de libellés « confirmshaming » rencontrés sur le web :
Dans ce cas de Dark Pattern, l'action en elle-même n'est pas détournée : seuls les libellés sont pensés pour provoquer une réaction chez l'utilisateur.
Pour tout savoir sur les Dark Patterns, rendez-vous sur https://www.darkpatterns.org/
Ces sombres interfaces peuvent affecter tout le monde, mais elles sont particulièrement efficaces sur les individus souffrant de détresse psychologique. La meilleure défense reste de bien les identifier pour mieux les contourner.
Voici les points faibles sur lesquels s'appuient les Dark Patterns :
Il est possible d'employer les mêmes principes pour inciter un engagement positif de l'utilisateur, via un usage éthique des techniques de persuasion, là où les Dark Patterns détournent les sciences cognitives dans le seul but d'achever coûte que coûte un objectif commercial.
Le modèle comportemental créé par le professeur Fogg de l'université de Stanford affirme qu'un comportement se déclenche si l'utilisateur dispose d'un niveau suffisant de motivation et de capacité. En bref, il lui fait avoir l'envie (motivation) et la connaissance pratique (capacité) pour réaliser l'action.
L'UX est une disciple évolutive qui se nourrit des utilisateurs. Elle peut être pratiquée du côté obscur, en jouant sur les peurs et faiblesses à des fins purement commerciales, ou du côté lumineux, en respectant les attentes et envies des utilisateurs de manière positive. Les concepteurs de dispositifs numériques ont un grand pouvoir, et donc une grande responsabilité. À eux de choisir leur voie.
Paru sur Zdnet
Publié le 03 Jan 2022 par
Sebastien Viozat
Editorial & UX consultant