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United Nations General Assembly

10/18/2021 | Press release | Distributed by Public on 10/18/2021 13:34

Troisième Commission: Promotion et protection des droits humains

(Le résumé complet sera disponible plus tard dans la journée.)

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS

Exposé

« À l'ère du numérique, Internet est devenu le nouveau champ de bataille dans la lutte pour les droits des femmes », a déclaré Mme IRENE KHAN, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, après avoir salué l'attribution conjointe du prix Nobel de la paix aux journalistes Maria Ressa et Dimitri Muratov, y voyant « un message puissant » en faveur du droit des femmes à la liberté d'expression.

Elle a alerté que la censure sexiste est omniprésente, en ligne et hors ligne, les voix des femmes étant supprimées, contrôlées ou punies, que ce soit de manière explicite par des lois, des politiques et des pratiques discriminatoires ou implicite en raison de normes socioculturelles. En outre, les normes patriarcales du monde réel sont reproduites dans les médias sociaux, prenant notamment pour cible les jeunes femmes et les filles, les personnes non conformes au genre et celles qui ont des identités marginalisées croisées. Dans un certain nombre de pays, les contenus liés à l'identité de genre et aux expressions sexuelles continuent d'être étroitement surveillées et criminalisées, sous prétexte de protéger la « morale publique ».

« C'est au mieux paternaliste, au pire misogyne », a regretté Mme Khan. Elle a également évoqué le rôle prépondérant des mouvements fondamentalistes dans la censure sexiste sur les plateformes de médias sociaux ainsi que l'existence de préjugés sexistes dans les algorithmes des sociétés. Dénonçant toute tentative de « refroidir ou tuer » l'expression des femmes, elle a indiqué que dans de nombreux cas, les menaces en ligne dégénèrent en violence physique, voire en meurtre. Les femmes journalistes, les politiciennes, les défenseuses des droits humains et les militantes féministes sont notamment la cible d'attaques en ligne « vicieuses et coordonnées » dans le but de les intimider, les réduire au silence et les chasser des plateformes et de la vie publique.

La Rapporteuse spéciale a également relevé que malgré la promesse de ne laisser personne de côté, près de la moitié des femmes dans le monde n'a pas accès à Internet, et que dans certains pays, l'État et des acteurs privés rétrogrades bloquent délibérément l'accès des femmes aux informations liées au genre, notamment celles relatives aux droits et à la santé reproductive et sexuelle. Il n'y a pas qu'une seule fracture, mais de multiples fractures à surmonter pour que les femmes parviennent à l'égalité en matière de liberté d'expression, a-t-elle souligné, décriant une situation « profondément préoccupante », compte tenu notamment des revers subis par l'égalité des sexes à la suite de la pandémie de coronavirus.

Mme Khan a ensuite exhorté à rendre les espaces numériques sûrs pour les femmes, notamment en adoptant une législation permettant d'interdire, d'enquêter et de poursuivre la violence sexiste en ligne. Notant que les meurtres et les agressions dont sont victimes les femmes journalistes violent le droit de la société à être informée par des médias diversifiés, elle a également engagé les États à adopter des mesures pour prévenir, protéger et surveiller la sécurité en ligne et hors ligne de ces dernières.

Cependant, les efforts visant à éradiquer la violence sexiste en ligne, les discours de haine sexiste et la désinformation ne doivent pas être utilisés comme prétexte par les États pour restreindre la liberté d'expression au-delà de ce qui est autorisé par le droit international, a-t-elle souligné. Elle a également mis en garde contre toute instrumentalisation des lois sur la moralité publique dans le but d'entraver l'expression culturelle, de genre et sexuelle des femmes ou pour restreindre le discours féministe. Dans la même veine, elle a décrié les lois prétendument adoptées pour limiter la désinformation, ou « fake news », et qui sont souvent utilisées pour faire taire les critiques. À ses yeux, la meilleure façon de répondre au problème de la désinformation sexospécifique est de promouvoir des médias divers et indépendants, la vérification des faits, l'éducation numérique et médiatique et des programmes de sensibilisation communautaires.

Mme Khan a aussi estimé que la misogynie devrait être interdite si elle atteint le seuil fixé pour l'interdiction du discours de haine en vertu du droit international. Elle a également jugé nécessaire de clairement définir la violence et la haine fondées sur le genre en ligne afin d'éviter de restreindre tout discours légitime. La Rapporteuse spéciale a par ailleurs relevé que l'augmentation de la toxicité et de la violence en ligne indique que les entreprises de médias sociaux ne s'attaquent pas à ce problème avec suffisamment de sérieux. Elle a appelé à adopter une approche multipartite coordonnée pour rendre ces plateformes sûres et non sexistes, conformément aux normes internationales des droits humains.

Dialogue interactif

Donnant le coup d'envoi à cet échange, le Mexique a voulu connaître les meilleures pratiques pour créer des espaces numériques sûrs et exempts de violence à l'égard des femmes. De même, comment faire en sorte que les signalements publics d'actes de violence sexuelle et sexiste fassent l'objet d'enquêtes appropriées?

Les Pays-Bas se sont intéressés aux mesures permettant aux États de lutter contre les stéréotypes sexistes négatifs en ligne et hors ligne, tout en respectant la liberté des médias et d'expression. Pour sa part la Pologne, s'est penchée sur la contribution des organes de la société civile à la protection des journalistes, notamment dans les pays où ils sont en danger. Quelle serait la manière la plus efficace d'assurer la coordination des plateformes numériques visant à rendre les espaces numériques sûrs et inclusifs pour les femmes, s'est enquise l'Irlande.

La question de la protection des femmes journalistes a également préoccupé le Royaume-Uni et le Bangladesh, de même que la Lituanie qui, au nom des États nordiques et baltes, s'est enquise sur les mesures que devrait prendre l'ONU pour inverser la tendance à l'augmentation de la violence et du harcèlement, en ligne et hors ligne, à leur encontre.

De son côté l'Union européenne a voulu en savoir plus sur les moyens de prévenir et de combattre les discours haineux et la désinformation fondés sur le sexe aux niveaux national et international. Et quelles mesures peuvent être prises par les entreprises de médias sociaux pour atténuer les risques qui affectent de manière disproportionnée les femmes et les filles, a interrogé la République tchèque.

L'Autriche s'est intéressée à la lutte contre les discours de haine liés à la COVID-19. La dimension de genre est-elle suffisamment abordée dans les travaux des nombreuses entités, agences et organisations affiliées de l'ONU qui s'occupent des questions de discours de haine et de désinformation en ligne? Comment les États Membres peuvent-ils soutenir l'introduction de la dimension de genre dans ce domaine de travail?

Après le Pakistan qui a attiré l'attention sur la privation de la liberté d'expression dans les pays sous occupation, la Chine a exhorté les États-Unis à prendre des mesures concrètes contre les discours de haine, à mettre un terme à la désinformation et à arrêter de politiser la pandémie de COVID-19, accusant notamment ce pays de réprimer ceux qui protestent contre la brutalité policière et le racisme et de diffuser des mensonges qui causent des souffrances parmi les populations asiatiques.

L'Ukraine a appelé la Rapporteuse spéciale à accorder une attention particulière à la restriction de la liberté d'expression sur Internet dans les territoires temporairement occupés par la Fédération de Russie. À son tour la parole, l'Inde a rejeté « les arguments politisés et les mensonges du Pakistan », réitérant son engagement à défendre et protéger les droits à la liberté d'expression et d'opinion. À son tour, le Maroc a rappelé qu'en 2021, la Journée internationale de la lutte contre les discours de haine a été proclamée le 18 juin suite à son initiative.

Préoccupés par le harcèlement sexiste en ligne, les États-Unis ont souhaité savoir comment faire entendre les voix des femmes et des filles au sein des Nations Unies et d'autres instances multilatérales. Comment les États peuvent-ils créer des synergies entre les lois relatives à la lutte contre la violence à l'encontre des femmes et les lois sur la formation et la communication sachant qu'il est important de sensibiliser tous les travailleurs des médias afin qu'ils s'abstiennent de discours de haine à l'encontre des femmes, a demandé à son tour l'Algérie.

Dans ses réponses aux observations et questions des États Membres, la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinionet d'expression a estimé qu'en matière de sureté de l'espace numérique, les gouvernements et les entreprises ont tous deux une responsabilité à endosser. Elle a insisté sur l'importance de définir clairement ce qu'est la violence en ligne, pour éviter de saper la légitimité des mesures adoptées, notant en outre que celles-ci doivent être spécifiques car la violence en ligne est différente de la violence physique. En outre, les lois doivent accorder un appui social aux victimes.

Elle a appelé les entreprises à redoubler d'efforts pour assurer la sécurité des femmes en ligne. Certaines plateformes ont d'ores et déjà mis en place de telles garanties, mais cela doit s'appliquer à l'ensemble du secteur qui, a-t-elle ajouté, doit privilégier les approches fondées sur les droits humains, la transparence, la responsabilisation et la mise à disposition de recours. Elle a également invité à s'inspirer des mesures prises par les plateformes des réseaux sociaux pour assurer la protection des enfants.

Pour finir, la Rapporteuse spéciale a proposé de tenir des consultations multipartites, jugeant très important que tout un chacun soit impliqué, exhortant ensuite les États Membres à élaborer et adopter des mesures intégrées pour prévenir les risques de sécurité en ligne et hors ligne qu'encourent les femmes journalistes. De même, les États Membres doivent condamner toute attaque contre ces dernières et s'abstenir de toute déclaration pouvant mettre en danger les femmes.

Exposé

« Il est tragique que la pratique des disparitions forcées se poursuive au XXIe siècle », a déploré Mme CARMEN ROSA VILLA QUINTANA, Présidente du Comité sur les disparitions forcées, dès l'entame de sa présentation. Depuis l'entrée en vigueur de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, voilà presque 11 ans, le Comité a produit une vaste jurisprudence afin que les États parties prennent des mesures pour lutter contre l'impunité et promeuvent des politiques centrées sur les victimes, a-t-elle affirmé, avant de faire le point sur les travaux de son organe au cours de l'année écoulée. Elle a notamment indiqué que malgré la crise liée à la pandémie de COVID-19, le Comité a été le premier organe conventionnel à tenir une séance en ligne, et le premier à mener, lors de sa dix-neuvième session, un dialogue virtuel avec un État partie, l'Iraq. Et lors de la vingtième session, nous avons été les premiers à effectuer l'examen en ligne de trois rapports, ceux de la Mongolie, de la Suisse et de la Colombie, s'est-elle enorgueillie.

La Présidente du Comité a aussi fait état de réunions avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, la Commission interaméricaine des droits de l'homme et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Ces efforts sont en revanche ternis par le faible niveau de ratification de la Convention, a-t-elle déploré, précisant qu'au 12 avril dernier, ce traité comptait 63 États parties et 98 États signataires. Depuis lors, le Soudan l'a ratifié à son tour, mais cela reste insuffisant. Sans ratification, a-t-elle noté, le Comité ne peut pas faire grand-chose, même lorsqu'il est informé de situations nécessitant son intervention urgente. Sans ratification, les victimes et les sociétés dans leur ensemble n'ont pas accès aux mécanismes que les États ont créés pour les soutenir et les États ne peuvent bénéficier du soutien et des conseils du Comité. La Convention s'applique pourtant « à tous les États », a martelé la Présidente du Comité, appelant à la mise en œuvre de ce traité au niveau mondial pour formaliser l'engagement de la communauté internationale contre les disparitions forcées.

Mme Villa Quintana a ensuite attiré l'attention de la Troisième Commission sur les conditions de travail de son Comité, qui manque de temps et de personnel pour accomplir son mandat. À l'heure actuelle, il compte déjà plus de 20 rapports d'États en attente d'examen. À la date de livraison de son rapport annuel, il avait enregistré 1 413 actions urgentes, et ce chiffre est passé depuis à 1 421, ce qui atteste, selon elle, de la « dynamique » des disparitions forcées. « Cette situation n'est pas durable », a-t-elle averti, après avoir évoqué le travail effectué en dehors des semaines de session et les heures supplémentaires accumulées. Regrettant que le budget ordinaire approuvé par l'Assemblée générale pour 2021 n'ait pas corrigé ce déficit de ressources, elle a formé le vœu que le budget d'ici 2022 compensera cette lacune. « C'est un besoin urgent », a conclu la Présidente du Comité, selon laquelle les prochaines étapes du processus d'examen des organes de traité seront déterminantes.

Exposé

M. LUCIANO HAZAN, Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, a regretté que malgré les engagements pris par les États au fil des ans, cette pratique horrible continue d'exister et d'évoluer. Pire, a-t-il alerté, des tendances nouvelles et alarmantes sont apparues et nous placent devant des défis considérables. Dans son dernier rapport annuel, présenté au Conseil des droits de l'homme à Genève le mois dernier, le Groupe de travail a notamment signalé la transmission de 651 nouveaux cas de disparitions forcées à 30 États, dont 86 qui ont été transmis dans le cadre de la procédure d'action urgente à 19 États. Bien qu'élevés, ces chiffres ne sont pas représentatifs de l'ampleur du phénomène dans le monde aujourd'hui, mais seulement d'une infime partie, a alerté M. Hazan.

Le Président du Groupe de travail a attiré l'attention sur les « disparitions forcées dans le contexte des transferts transnationaux, » indiquant que le rapport documente des cas où des États ont eu recours à des transferts extraterritoriaux conduisant à des disparitions forcées avec la participation, le soutien ou l'assentiment d'autres États. Leur but, a-t-il indiqué, est de capturer leurs propres ressortissants ou des ressortissants de pays tiers, souvent dans le cadre d'opérations antiterroristes présumées. Certaines de ces disparitions forcées ont lieu dans le cadre de procédures d'expulsion régulières ou parallèlement, et d'autres se sont déroulées dans le contexte d'opérations extraterritoriales secrètes, notamment des « restitutions ». Dans la plupart des cas, a-t-il ajouté, les circonstances documentées font état d'une violation des obligations de non-refoulement de l'État d'accueil.

Afin de faciliter ces opérations, a-t-il poursuivi, un certain nombre d'États ont signé des accords bilatéraux de coopération en matière de sécurité, qui contiennent souvent des références vagues à la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale. Ces accords semblent être formulés de manière ambiguë pour faciliter l'expulsion ou l'enlèvement de toute personne considérée comme un « risque pour la sécurité » des pays parties aux accords. En outre, l'opacité et la non-divulgation du contenu précis de ces accords facilitent les abus et sape l'État de droit ainsi que la confiance générale dans les autorités.

M. Hazan a ensuite indiqué que le Groupe de travail prépare pour 2022 un nouveau rapport thématique axé sur la relation entre les nouvelles technologies et les disparitions forcées, ainsi qu'une étude de bilan 30 ans après l'adoption de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Il a fait savoir que le Groupe de travail n'a malheureusement pas pu effectuer de visites de pays durant la période à l'examen, principalement en raison de la pandémie de COVID-19. Il a dit espérer pouvoir reprendre bientôt cette « activité essentielle, » saisissant cette occasion pour appeler les États qui ont reçu une demande de visite à y répondre favorablement. Il a également appelé à garder à l'esprit que la notion de « victime » d'une disparition forcée va au-delà de la personne disparue elle-même et englobe sa famille, ainsi que toute personne ayant subi un préjudice en conséquence directe de ce crime. Cette complexité unique et la multiplicité des victimes appellent une réponse globale, caractérisée par la même multiplicité d'acteurs et d'efforts concertés, a souligné M. Hazan. Et dans cette lutte quotidienne, la coopération des États est essentielle pour prévenir, combattre et éradiquer les disparitions forcées.

à suivre...