11/12/2024 | Press release | Distributed by Public on 11/12/2024 09:42
Culture |Avesnois
12 novembre 2024
Il s'en est passé des choses en deux siècles ! De la fabrication de bouteilles champenoises à la conversion en musée, l'histoire de la verrerie de Trélon est riche en anecdotes et en témoignages poignants à découvrir lors de votre visite à l'Écomusée de l'Avesnois.
Avis aux amateurs de belles bouteilles ! Ruinart, Veuve Cliquot, Kurg, Moët & Chandon ou encore Pommery, elles ont toutes été fabriquées ici dans cette verrerie de l'Avesnois.
Créée le 28 juillet 1824 sur la propriété de Rigobert Pailla, elle se compose d'une halle aux fours installée dans la grange de la ferme et d'un magasin de stockage aménagé dans les écuries. Après le décès du propriétaire en 1835, son associé Herman Eugène Collignon reprend les rennes de l'entreprise. Avec une idée en tête : se spécialiser dans la fabrication de la bouteille champenoise.
L'entreprise ne tarde pas à prospérer car, sous le Second Empire, la consommation de champagne augmente. En 1840, les 65 ouvriers produisent 1 200 000 bouteilles par an, soit 33,34 % des champenoises produites dans le Nord. En moyenne, la bouteille est manipulée entre 100 et 200 fois : tirage, bouchage, stockage, lavage, dosage, étiquetage... De quoi augmenter le risque de chocs et de rayures !
En 1853, la verrerie se modernise avec une machine à vapeur actionnant les meules à broyer les matières premières. Deux nouvelles halles aux fours sont construites en 1854 et en 1869. La qualité de la production est reconnue par une médaille d'argent à l'exposition universelle de 1878.
Ces installations sont complétées par un four Boëtius installé en 1894, une avancée pour l'époque. Ce four à pots à double combustion (charbon et gaz) permet une économie de combustible de 30%. Ainsi, en 1900, la production atteint 7 millions de bouteilles par an … et le taux de casse dégringole à 8 %.
En 1914, les verreries sont réquisitionnées et deviennent des entrepôts de munitions, des écuries, des prisons ou encore des hôpitaux. Quand les Allemands quittent les lieux en 1918, ils font sauter ces dépôts et les verreries sont endommagées.
Après le conflit, le marché change. La production de bouteilles devient de plus en plus concurrentielle avec l'automatisation et se concentre sur quelques sites. À Trélon, l'équipement n'est plus fonctionnel. L'entreprise ferme ses portes en 1921 et devient une société anonyme en 1923. C'est la fin de la verrerie noire.
Pourtant, certains n'abandonnent pas. George Parant perçoit le potentiel du site. En 1925, il rachète l'ancienne verrerie noire et l'oriente vers le secteur du flaconnage. Il ouvre son magasin "Le Lion Rouge" à Paris spécialisé en services de table, de porcelaine et de cristaux en février de la même année. Il connait bien ce domaine ayant été formé comme maître de verrerie dans une des usines de son beau-père.
Les époux Parant ont racheté le site verrier pour se spécialiser la production de flacons.Avec le développement de l'industrie pharmaceutique, la production bat son plein. Les commandes sont très différentes : matériel de laboratoire, droguerie, cosmétiques, accessoires divers... Mais la verrerie blanche crée aussi pour de grandes marques de la parfumerie comme Chanel, Guerlain ou encore Lancôme. Les stylistes vont même commencer à influer sur la création de modèles et des articles de luxe.
Les équipes et les machines sont adaptées en conséquence pour travailler dans la verrerie blanche. À Trélon, le soufflage est réalisé à la bouche jusqu'en 1926. Un four Stein chauffé au gaz est ensuite construit. L'arrivée des machines semi-automatiques en 1928 améliore le rendement. En 1936, la verrerie emploie 155 personnes.
Avant de sortir de l'entreprise, chaque pièce est vérifiée, triée et stockée. Les flacons ratés sont mentionnés sur une feuille et déduits des salaires. Ce sont souvent les femmes qui effectuent ce travail. Les enfants, moins payés que les adultes, sont en charge des tâches ingrates. Du matin au soir, certains trient et nettoient le verre, d'autres portent les pièces à l'arche, s'occupent de la taillerie, du coupage et de l'emballage.
Cet élan est interrompu par le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. L'usine ferme le 15 mai 1940, après la mobilisation du propriétaire dans l'armée de l'air en 1939, puis comme résistant en juin 1944. La réouverture en octobre 1945 marque le début des installations au fuel. La verrerie se remet d'aplomb et voit son avenir se dessiner.
Le décès accidentel de George Parant en 1956 secoue l'entreprise. La gestion est confiée à son épouse Renée Tissier-Parant, secondée par son neveu et le nouveau directeur Abel Delasseau.
Au même moment, l'arrivée de nouveaux produits et matériaux perturbe l'activité. Les clients demandent des contenants plus légers en plastique mais la gérante refuse. L'équipement vieillissant ne fait pas le poids face à la production automatisée de ses concurrents.
C'est donc le carnet plein de commandes que l'entreprise se reconvertit en Société Anonyme Verrerie Parant avant de fermer définitivement ses portes en 1977.
C'est à cette période que Pierre Camusat, alors directeur du Centre de Formation Textile de Fourmies, crée ce qu'on appelle maintenant l'Ecomusée de l'Avesnois pour sauver de la destruction les machines construites entre 1880 et 1930.
Suivant la nouvelle tendance, il place l'Homme au cœur de l'exposition en réunissant des témoignages, des archives, des objets, des iconographies... Son but est de plonger le visiteur dans le quotidien de ces ouvriers. Il offre un voyage au cœur des activités humaines dans leur contexte social, géographique et culturel.
Cinq ans après la fermeture du site, des industriels verriers à la retraite soucieux de préserver le patrimoine du site de Trélon se rapprochent de Pierre Camusat à la demande de la Ministre de la Culture. L'atelier-musée du verre ouvre donc ses portes en 1982. Il conserve la mémoire de toute la chaine de production de l'approvisionnement en matières premières jusqu'à l'expédition en passant par l'alimentation en énergie, la fabrication des outils, la production, le décor, le stockage et l'emballage.
Des industriels verriers à la retraite collaborent pour préserver la verrerie.Aujourd'hui, le site est toujours accessible. Si vous voulez découvrir les anciens processus de fabrication de bouteilles et de flacons, vous êtes au bon endroit. Sur place, des artisans verriers vous montreront leur savoir-faire en réalisant des objets uniques.
En quelques chiffres, le musée c'est : 4 000 m2 de surface visitable, 500 champenoises, 3 618 flacons de parfum, médicaux, cosmétiques, spiritueux et d'épicerie fine, 400 pièces de verrerie de table, 11 postes semi-automatiques Wincler, 1 four Boetius et 1 four Stein.
Aujourd'hui, l'atelier-musée du verre de Trélon est un exemple unique en Europe et s'inscrit comme monument majeur du patrimoine industriel, tout comme son voisin le MusVerre, lieu incontournable de la création verrière internationale.
Cette année, la verrerie célèbre ses 200 ans. Pour l'occasion, ce monument se réinvente et innove. À travers des conférences, des démonstrations d'artisans verriers, des vidéos projetées sur l'architecture, la programmation Eclat(s) vous réserve bien des surprises. Les 21 et 22 novembre se tiendront des conférences et des échanges avec des professionnels. Pour cet anniversaire, les artisans ont conçu deux modèles de sceaux à champagne et deux modèles de vases soliflores, en référence au passé industriel du site. Rendez-vous au 12 rue Clavon Collignon à Trélon.
Crédits photo : Ecomusée de l'Avesnois - Verrerie de Trélon