CFTC - Confédération française des travailleurs chrétiens

02/21/2023 | News release | Distributed by Public on 02/21/2023 05:56

« Ce n’est pas à la retraite que la pénibilité devrait être appréhendée

21 février 2023 | Social

Le lien entre la pénibilité et la retraite est établi. Les séniors sont souvent et simultanément confrontés aux difficultés attachées à ces thématiques (emploi, pénibilité, retraite). Si le Gouvernement prévoit une série de mesures poursuivant un objectif de prévention, la CFTC constate qu'elles ne vont pas dans le bon sens.

Le lancement du chantier de la réforme des retraites a été précédé de concertations qui se sont ouvertes sur le sujet de l'usure professionnelle et de l'emploi des séniors.

D'entrée, le lien entre la pénibilité - expression que nous préférons à celle de « l'usure professionnelle » - et la retraite est établi. Les séniors sont souvent et simultanément confrontés aux difficultés attachées à ces thématiques (emploi, pénibilité, retraite).

Dès lors, il peut en effet être tentant de saisir l'occasion d'une réforme des retraites pour pallier les carences connues du système. Pour autant, la CFTC considère que la démarche de lier la pénibilité à la retraite, à travers un renforcement déséquilibré de la réparation au détriment de la prévention comporte au moins un risque.

Celui de reléguer la démarche de prévention des risques professionnels au second plan, au profit d'une approche réparatrice en fin de carrière, qui reste évidemment indispensable mais qui ne ferait que prendre acte de l'état d'usure constaté aux portes de la retraite.

Ainsi, connecter pénibilité et retraite revient à commettre la même erreur que celle commise face au constat de la faiblesse des pensions des femmes par rapport à celle des hommes : on déplore une inégalité à la retraite alors qu'elle s'est construite et alimentée tout au long de la carrière, à travers des différences de salaires pas toujours explicables ni régulées.

Il en va donc de même pour la santé des travailleurs : ce n'est pas au moment de la retraite que la pénibilité devrait être appréhendée, mais tout au long de la carrière.

Face à une approche préventive insuffisamment appréhendée, une meilleure réparation (indemnisation, départs anticipés) en fin de carrière apparaît finalement comme une moindre compensation.

Pour contre balancer ses mesures d'âges, le Gouvernement ne pouvait pas faire l'économie d'un volet de propositions tendant à prévenir davantage les pénibilités. Mais il ne s'est pas questionné sur les moyens actuellement disponibles.

Or, les Services de Prévention et de Santé au Travail (SPST) au cœur du système de prévention et d'une récente réforme propose une offre de services qui reste encore très disparate sur le territoire. De surcroît, nous ne pouvons pas ignorer que la santé au travail est frappée de plein fouet par la pénurie de praticiens.

De nombreux médecins du travail déplorent l'impossibilité de mener des actions de prévention en milieu de travail car acculés de visites médicales où ils ne peuvent que constater l'usure des salariés.

Le volet prévention que nous attendions, n'est en réalité qu'une accumulation de mesures de dépistage et de compensation tentant d'atténuer les effets d'un report de l'âge sur les travailleurs, y compris les plus fragilisés.

En effet, l'article 9 du projet de loi en cours de discussion prévoit une série de mesures poursuivant un objectif de prévention : la création d'un fonds d'investissement dédié à la prévention de l'usure professionnelle, un suivi médical spécifique pour les métiers exposants aux contraintes physiques marquées (les facteurs dits « ergonomiques ») etc.

Néanmoins, il n'y a aucune mesure concrète et collective qui pourrait permettre à l'ensemble des salariés de travailler plus longtemps et en bonne santé physique et mentale. Aucune obligation d'agir sur le travail réel et sur les conditions de travail n'a été introduite.

Là encore, l'effort du Gouvernement s'est concentré sur la réparation individuelle : que ce soit par le déplafonnement du C2P, l'assouplissement du départ en retraite « anticipée » pour incapacité physique permanente ou l'ouverture de cette faculté aux situations d'inaptitude dans certains cas. Finalement, les mesures portant sur la prévention entrent dans le cadre de la prévention de la désinsertion professionnelle (prévention secondaire et tertiaire), qui a elle seule n'est pas suffisante.

La CFTC milite pour rendre le travail plus soutenable pour plusieurs raisons :

  • permettre aux personnes de demeurer en bonne santé, insérées et efficaces tout au long de leur carrière
  • permettre aux séniors de profiter pleinement de leur retraite.

De même, nous n'oublions pas les effets de déversement : prévenir les risques professionnels permet également, en plus de protéger les salariés, une gestion financière vertueuse de nos dispositifs d'assurance mutualisés.

En limitant les dépenses de protection sociale, les recettes qu'elles nécessitent sont réduites d'autant, ce qui permet une maîtrise des cotisations afférentes. Il serait erroné de nier certaines améliorations en matière de santé au travail dans cette réforme.

Toutefois, les progrès sont neutralisés par le report de l'âge de départ à la retraite d'une part. D'autre part, même si la réparation individuelle est présente, les séquelles du travail sont avérées et altèrent dans bien des cas la qualité de vie durant la retraite.

Quelque part, le déclenchement de la réparation individuelle acte de l'échec de la prévention. Il est heureux qu'elle intervienne, mais nous ne pouvons nous en contenter. Il nous paraît donc indispensable que des mesures de prévention ambitieuses soient mises en place, indépendamment de la retraite. Enfin, les carences liées au fonctionnement des SPST ne sont pas corrigées.