Ministry of Culture of the French Republic

01/17/2023 | Press release | Distributed by Public on 01/17/2023 10:28

Transcription du discours de la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, de présentation des vœux aux acteurs culturels - le 16 janvier 2023, à la...

Mesdames et Messieurs
Chers amis,

Merci cher Didier pour ton accueil. J'ai tenu à choisir la Villette pour cette cérémonie de vœux car ce site est emblématique de tout ce à quoi nous croyons et tout ce qui fait la force culturelle de la France : ici, la culture se vit en musique, en cirque, en théâtre, en cinéma, en danse, en expositions, en folies et en Micro-Folies. Ici, la culture se frotte à la science et à l'industrie, à la biodiversité, aux animaux dans la ferme pédagogique. Elle puise dans les trésors du patrimoine égyptien et l'audace des architectes contemporains. Ici, on marche, on court, on joue, on s'aime, on mange, on boit, on trouve son bonheur à la librairie ou simplement en contemplant le canal.

Ici, « l'art et la vie ne font qu'un ». Cette phrase, c'est celle d'une œuvre de l'artiste de street art Miss.Tic que j'ai choisi pour la carte de vœux du Ministère. C'est avec ces quelques mots d'une artiste résolument libre, qui a su poétiser les murs de nos villes, nous rappeler la consubstantialité de la culture à nos vies, que j'ai voulu nous faire entrer ensemble dans cette nouvelle année qui commence.

« L'art et la vie ne font qu'un » : Loin d'un vœu pieu, c'est pour moi un mantra à ne jamais oublier. Petite fille, face à la guerre et à l'exil, la culture a sauvé ma vie. Dans toutes les autres étapes de ma vie, elle a continué de l'enchanter. Dans la diversité de nos fonctions et de nos tâches, de nos origines et de nos quotidiens, la culture nous relie toutes et tous au cœur. Dans cette salle, nous avons tous vibré pour une musique, reçu comme un coup au cœur, la puissance d'une toile ou la force d'une idée, ri et pleuré dans la magie des salles obscures. Nous nous sommes réveillés avec des voix devenues familières à la radio et couchés avec nos émissions préférées à la télévision. Nous nous sommes blottis au creux d'un livre qu'on ne peut plus lâcher ou dans la majesté d'une cathédrale. Artistes, auteurs, artisans, architectes, journalistes… vous êtes au cœur de notre quotidien, et quand la vie se fait étroite, quand tout devient lourd et que l'angoisse monte, vos voix sont des phares pour nous guider dans la nuit.

N'oublions pas aussi la force du rire ! Le rire a le pouvoir de renouveler notre oxygène, fortifier notre système immunitaire, stimuler notre énergie. Le rire est encore plus contagieux que la Covid, mais il permet une réduction maximale de la distanciation sociale ! Oui, rire ensemble nous permet de nous sentir plus proches les uns des autres, de transcender les barrières. J'ai pu en faire l'expérience pendant les 6 premières années de ma vie professionnelle aux côtés des artistes de Clowns sans frontières, aux quatre coins de la planète. L'humour c'est aussi une arme, contre les hégémonies de toutes sortes, contre les intolérances, les obscurantismes. De Rabelais à Charlie Hebdo, en France, le rire a toujours été synonyme d'humanisme. L'humour, la dérision, l'impertinence, sont des gages de la vitalité de notre démocratie.

A peine nommée ministre de la Culture, quelques jours après ma nomination, j'ai été interpellée par Pierre Guillois et Olivier Martin Salvan aux Molières : sur leurs morceaux de carton s'affichait cette question : « En ces temps moroses, pourquoi ne pas considérer le rire comme une grande cause nationale ? » Et cette injonction : « Créez, s'il vous plaît, et de toute urgence, un théâtre national dédié à la comédie ! » Voilà un beau défi qui m'était posé! De consultations en consultations, un chemin se dessine pour y répondre. Ma réflexion avance…

Elle n'est pas tout à fait prête, mais en attendant d'aboutir, j'ai souhaité inviter Pierre Guillois et Olivier Martin Salvan à intervenir, en toute liberté, dans cette cérémonie de vœux, à mes risques et périls. Tout est improvisé. Merci à eux d'avoir accepté de « dynamiter » cet exercice !

Merci aussi aux fanfares qui sont venues vous accueillir et donner du souffle à cette cérémonie : Boula Matari de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris et l'ensemble de cuivres de l'interfédération des Hauts-de-France que j'ai rencontré à Avesnes-sur-Helpe et à Gommegnies lors d'un de mes déplacements.

En 2023, nous aurons besoin d'anticipation, de combativité, de plans d'action structurants, mais nous aurons aussi besoin de la poésie de l'imprévu, d'audace et de créativité. « La vie ce n'est pas d'attendre que les orages passent, c'est d'apprendre à danser sous la pluie ». Cette citation de Sénèque a toujours guidé mes engagements. Oui, les orages sont nombreux, le ciel s'assombrit, des vents mauvais soufflent sur notre démocratie. La guerre fait rage aux portes de l'Union européenne. Cette guerre est aussi une guerre culturelle et une guerre de l'information. Elle impacte directement nos vies, du prix du gaz et de l'électricité jusqu'aux valeurs européennes que nous défendons. Mais les tempêtes des années passées ont montré que nous avons tous une grande capacité de résilience.

Au pic de la pandémie, vous avez tenu bon, vous avez su imaginer de nouveaux liens avec le public, de nouvelles modalités de travail, de nouvelles solidarités. L'Etat a été pleinement à vos côtés, déployant les filets de sécurité les plus protecteurs possibles, vous soutenant dans l'urgence comme dans la relance.

Le plan de relance nous a montré - s'il en était besoin - la force de la solidarité européenne. Face à l'invasion russe de l'Ukraine, cette solidarité a redoublé d'effort - bientôt nous annoncerons un nouveau fonds de soutien au cinéma ukrainien, créé à notre impulsion avec huit pays européens. Au-delà des moments de crise, nous pensons de plus en plus la culture en Européens et cela donne lieu à de merveilleux projets : la Saison France-Portugal qui s'est achevée récemment ; le pass culture allemand, qui vient de démarrer en Allemagne en coopération avec la France ; l'Année Picasso que nous organisons avec l'Espagne et tant d'autres. Je pense tout particulièrement à l'enjeu de l'information, avec l'initiative à venir du European Media Freedom Act, qui vise à défendre la liberté de la presse et le droit des Européens d'accéder à une information fiable, vérifiée, professionnelle et indépendante. Des enjeux que nous retrouverons dans les Etats généraux du droit à l'information.

Si notre écosystème culturel reste fort aujourd'hui, ce n'est pas uniquement grâce au « quoi qu'il en coûte » et à cette solidarité européenne. C'est aussi grâce à votre force d'imagination, à votre agilité, à la foi que vous avez dans vos métiers. Au sein des contraintes de la crise sanitaire, il y a eu des douleurs profondes, des deuils, des colères, mais il y a eu aussi de magnifiques expériences qui sont des sources d'inspiration pour irriguer différemment la vie culturelle.

La crise est toujours un terrain d'innovation, de réinvention. Et vous l'avez prouvé à maintes reprises. Notre force commune est là. Nous avons tous les atouts pour faire face à la peur : l'écoute de l'autre, le tissage de projets au plus proche de l'humain, l'esprit de coopération et de partenariat, l'engagement d'équipes passionnées, l'ambition et le panache ! En 2023, je nous souhaite de redoubler ensemble d'audace pour que demain ne sacrifie pas hier, mais n'y ressemble pas pour autant.

Mon premier vœu pour cette nouvelle année c'est que nous puissions, collectivement, refonder le lien aux publics, des plus jeunes aux plus âgés. Les bons chiffres de fréquentation des musées, des monuments, des salles de spectacle, des festivals comme des cinémas au deuxième semestre 2022 sont encourageants. Les bonnes audiences de l'audiovisuel public aussi ! Certes, une partie du public d'avant Covid n'est pas revenue : entre 10 et 25% selon les cas. Mais les raisons de croire en l'avenir sont là. L'offre culturelle est riche en qualité et en diversité. Le public est probablement plus exigeant mais son appétit de culture est bien vivant ! Avec l'addiction collective aux écrans, la motivation pour sortir de chez soi est évidemment plus difficile à motiver, à titiller, à réveiller, mais l'envie de culture « en chair et en os », de vivre des émotions épaule contre épaule dans une salle, reste bien plus forte en France que chez nos voisins européens où la fréquentation a davantage baissé. Avec le développement du télétravail, l'organisation de la vie quotidienne a évolué. Et avec l'inflation, chaque foyer regarde de près ses dépenses et doit faire des arbitrages pour ses sorties. Vous le savez. Vous-mêmes, quel que soit votre poste, vous y êtes confrontés aussi. Et vous êtes nombreux à explorer de nouvelles tarifications ou à proposer de nouvelles expériences au public. J'étais à Nantes la semaine dernière et l'Orchestre national des Pays de la Loire m'expliquait par exemple le succès des concerts mensuels à 12h30 avec un tarif de 5 euros pour les étudiants. Archipleins ! Sans rien perdre de la qualité et de l'exigence artistique. Un exemple parmi tant d'autres. Continuons, ensemble, partout sur le territoire, à expérimenter pour toucher de nouveaux publics.

Et n'oublions pas les publics en situation de handicap. Je voulais saluer notamment tous les lieux qui organisent, à l'instar de l'Opéra-Comique, des séances « RELAX », inclusives, qui permettent aux personnes en situation de handicap mental d'assister aux spectacles dans les conditions les plus accueillantes possibles.

Ma priorité absolue, vous le savez, c'est la jeunesse. La dernière étude décennale sur les pratiques culturelles des Français montre que la fracture générationnelle se creuse entre les baby boomers et les plus jeunes, dont les usages numériques sont devenus majoritaires.

Notre principal levier d'action - mais il n'est pas le seul - c'est le pass Culture. Aujourd'hui, plus de 2,3 millions de jeunes sont inscrits, c'est colossal ! Ces jeunes ont dopé la fréquentation des librairies, des concerts et des cinémas. Grâce au pass Culture collectif que nous avons lancé il y a un an pour les 4ème/3ème au collège et pour les lycéens de la seconde à la terminale, les sorties scolaires se multiplient et viennent en premier soutenir le spectacle vivant. A partir de septembre 2023, ce pass collectif sera étendu aux 6ème et aux 5ème. La nouvelle formule du pass est devenue plus participative, plus éditorialisée, plus proche des jeunes et de leur envie d'engagement. Nous avons créé le réseau des « Ambassadeurs » du pass Culture et avec eux, des parcours sont organisés, des expériences sont testées, des modes différents de mobilisation se développent. Vous êtes aujourd'hui près de 20.000 acteurs culturels partenaires du pass. Je ne peux que vous inviter à vous saisir de toutes les potentialités de cet outil, conçu pour la jeunesse, avec la jeunesse, pour les inciter, pas seulement à cliquer et à choisir des sorties culturelles, mais aussi à pratiquer eux-mêmes la musique, le dessin ou toute autre passion artistique, à prendre la parole, à s'engager, à être de véritables protagonistes de notre vie culturelle.

Aux côtés du pass Culture, nous allons continuer à porter une ambition forte pour l'éducation artistique dès le plus jeune âge. Les crédits du ministère de la Culture pour l'EAC ont plus que doublé depuis 2017 et ils atteignent désormais 104 millions d'euros.

Sans compter les efforts déployés par le ministère de l'Education nationale, avec qui nous travaillons main dans la main, y compris sur de nouvelles expérimentations comme les écoles innovantes à Marseille, où 70% des projets déposés relèvent de l'éducation artistique. Vous êtes nombreux à porter des projets novateurs, que nous sommes fiers de soutenir, qu'il s'agisse de l'éducation au patrimoine ou à l'archéologie avec le projet « Un chantier, une école » piloté par nos DRACs, qu'il s'agisse de « Ma classe au cinéma », coordonné par le CNC, qui se décline de la maternelle à la terminale, des résidences d'auteurs dans les écoles avec le Centre national du livre, ou encore des nouvelles « Colos Chaillot » imaginées par Rachid Ouramdane qui réinventent les colonies de vacances. J'espère de tout cœur que nous arriverons aussi à généraliser le quart d'heure de lecture à l'école, une idée simple mais révolutionnaire imaginée par l'association Silence on lit puis déployée à plus grande échelle dans certains rectorats, comme en Bretagne. Ce temps de lecture quotidien, c'est le meilleur remède à l'addiction aux écrans. Un formidable moyen de favoriser la concentration, améliorer le vocabulaire, développer l'imagination. Pour la lecture comme pour l'Education Artistique au sens large, les collectivités s'engagent à nos côtés et j'aimerais saluer la première cohorte des villes labellisées 100% EAC, un label piloté par les DRACs et les rectorats. Nous sommes déjà à 79 territoires labellisés.

Puisque j'évoque les collectivités, je voudrais former un deuxième vœu pour 2023 : que cette année nous permette de consolider et de renouveler la relation de l'Etat avec les élus des territoires. La politique culturelle ne peut être ambitieuse que si elle reste une responsabilité partagée entre l'Etat et les collectivités. Je veux ici rendre hommage à tous les élus qui portent une vision culturelle forte pour leur ville, leur commune, leur communauté de communes, leur département ou leur région, qui maintiennent voire développent leurs budgets culturels, et qui facilitent l'émergence de nouveaux projets. De Marciac à Pau, de Montpellier au Havre, de Cannes à Saint-Dizier, d'Oloron-Sainte-Marie à Troyes, en passant par Reims, Lille, Nice et tant d'autres, j'ai rencontré ces derniers mois des élus de toutes sensibilités politiques qui sont pleinement engagés pour la culture. Quand d'autres réduisent les horaires d'accès aux musées ou aux bibliothèques ou coupent dans les subventions. Ces choix, même présentés sous l'angle des contraintes budgétaires, sont en fait toujours des choix politiques. De plus en plus, hélas, ces choix en viennent à réduire l'accès à la culture ou limiter la liberté de création.

C'est avec chacun et chacune d'entre vous que nous pourrons ensemble convaincre ces collectivités que la culture ne peut pas être une variable d'ajustement. Travaillons ensemble, avec nos DRACs, avec nos DACs en Outre-Mer qui sont nos relais territoriaux, pour leur proposer des projets de sens, mais aussi pour être à l'écoute de leurs attentes, de leurs préoccupations. Je pense aux Micro-Folies qui vont bientôt être 400 sur tout le territoire. Je pense à l'exposition Arts de l'islam déployée par le Louvre et la RMN-Grand Palais dans 18 villes en associant à chaque fois les collections locales des musées. Je pense aux spectacles des Tréteaux de France, notre seul Centre Dramatique National itinérant. Je pense au Loto du Patrimoine, dont le succès ne se dément pas. Déjà 745 sites en péril ont pu être sauvés ! Il m'importe de citer aussi un dispositif moins connu mais très important : le Fonds incitatif pour le patrimoine, partagé avec les Conseils régionaux, pour venir en soutien aux petites communes à faibles ressources et contribuer aux travaux de restauration des monuments historiques.

Je pense à « l'été culturel » qui nous a permis d'irriguer le territoire de projets au plus proche des habitants : une tournée à vélo de l'Ensemble correspondances en Normandie par exemple. Ou encore à l'Olympiade culturelle qui va faire vibrer sport et culture jusqu'à l'été 2024 et que nous avons démarrée en juin dernier.

Je pense à la commande Mondes Nouveaux qui a permis de déployer 264 projets partout en France, dans les monuments, dans les sites protégés par le Conservatoire du Littoral, dans des espaces publics, des universités ou encore des EHPAD. Cette commande inédite a été conçue pour donner toute liberté aux artistes de proposer des projets situés dans des lieux précis, en France métropolitaine comme en Outremer. Un Acte II de ces Mondes Nouveaux verra le jour à la rentrée 2023.

Pour aller plus loin dans l'implantation territoriale de projets culturels d'envergure, nous avons aussi un formidable levier, le plan France 2030. Il nous offre une ambition nouvelle, avec déjà 130 lauréats hors de Paris pour 37 millions d'euros. Bientôt nous allons aussi développer des infrastructures de tournage et de production et de postproduction, mais également des formations aux métiers du cinéma et de l'audiovisuel. Grâce à un nouvel appel à projets, nous allons aussi soutenir des pôles territoriaux des industries culturelles et créatives dans deux domaines prioritaires : les métiers d'art, le design et la mode d'une part, les technologies du son et de l'image d'autre part. Il en va de l'attractivité de nos territoires et il en va aussi de la souveraineté culturelle de la France.

Pour donner de nouvelles marges de manœuvre à nos partenariats avec les collectivités, nous venons également de créer un Fonds d'innovation territoriale. Il permettra d'expérimenter de nouvelles initiatives culturelles dans les territoires ruraux et les quartiers politiques de la ville, en lien systématique avec les élus locaux. Je voudrais en profiter pour saluer tous les parlementaires ici présents, et leur dire toute ma reconnaissance pour leur engagement au service de la culture et les échanges toujours pertinents que nous avons pour mieux adapter nos politiques à la réalité de chaque territoire.

J'aimerais tellement ne plus entendre que la politique du ministère de la Culture est concentrée à Paris ! A chacun de mes 60 déplacements à travers la France au fil de ces derniers mois, je n'ai cessé d'entendre ce reproche. Alors que c'est faux ! Vous le savez et vous en êtes les premiers témoins et acteurs.

Le ministère soutient un réseau exceptionnel de lieux du spectacle vivant comme des arts visuels, je pourrais lister tous les monuments gérés par le CMN, tous les musées soutenus en région, tous les chantiers financés par le ministère, il me faudrait des heures.

Certes nos grands établissements publics sont basés à Paris, mais ils déploient tous une politique territoriale. N'oublions pas les multiples tournées de la Comédie Française, par exemple, à travers le pays et sa web télé qui a touché plus d'1,5 millions de personnes, car le numérique aussi peut faire vivre de belles émotions. La BNF, autre exemple, gère la bibliothèque Jean Vilar à Avignon et va bientôt ouvrir un nouveau pôle à Amiens. Je veux aussi rappeler notre ambition de proximité pour l'audiovisuel public qui a permis à France 3 et France Bleu de s'allier pour créer un grand média numérique de la vie locale. Par ailleurs, nos aides à la presse permettent de soutenir le pluralisme des médias régionaux avec de nouvelles aides récemment renforcées pour la presse ultramarine.

Malheureusement, la perception d'une fracture culturelle entre la capitale et le reste du pays, entre les grandes métropoles et les petites communes, persiste pour beaucoup de nos concitoyens. C'est notre responsabilité collective de tout faire pour y remédier, dans les discours comme dans les actes. C'est un enjeu crucial pour l'avenir de notre démocratie car c'est sur ce sentiment d'abandon que l'extrême droite prospère.

Il y a un enjeu dont nous avons beaucoup parlé avec les élus, un enjeu qui vous tient tous à cœur - je le sais - c'est celui de la transition écologique. C'est mon troisième vœu pour 2023. Dès le premier jour de ma nomination, j'ai placé la décarbonation de la culture au cœur de mes priorités : priorité portée de manière transversale par la Première Ministre et déclinée dans la feuille de route transition écologique présentée par mes services en concertation avec vous. Il ne s'agit pas d'ajouter à ce que nous faisons déjà, une dimension développement durable pour « cocher la case », mais bien de repenser complètement nos manières de travailler, de produire et de construire. C'est intégrer en amont ces enjeux dans les opérations de travaux - comme l'OPPIC le fait déjà. C'est flécher nos dépenses d'investissement sur des chantiers qui vont améliorer la performance énergétique de vos bâtiments donc réduire, à terme, vos coûts de fonctionnement. On le voit actuellement. Vous êtes tous confrontés à des hausses du coût de l'énergie avec factures qui doublent. A court terme, nous avons des dispositifs transversaux du gouvernement dont vous pouvez bénéficier. Les dispositifs annoncés par le ministère de l'Economie, vous sont accessibles. N'hésitez pas à les actionner. Quel que soit votre statut, votre situation, on a vérifié, il y au moins un dispositif qui peut vous venir un aide. Mais à long terme, l'enjeu est d'engager des travaux qui vont permettre de réduire les coûts de fonctionnement et d'améliorer la performance énergétique. En 2023, ce sera notamment le cas pour le musée d'Orsay, pour le théâtre national de Chaillot, pour l'Ecole nationale supérieure d'art de Limoges ou l'Ecole d'architecture de Lille. C'est favoriser le développement des tournages verts avec le plan Action ! du CNC.

C'est intégrer la transition écologique à tous les cursus de formation, initiale et continue. J'ai notamment souhaité créer dans cet esprit un prix pour valoriser les projets de fin d'études des étudiants en architecture en faveur de l'écologie, de l'architecture verte. Ce prix, je le lancerai à la fin du mois en présence des communautés enseignantes et étudiantes. Et tous les lauréats se retrouveront à la Villa Médicis à Rome.

Je veux aussi insister, là encore, sur un levier très important que permet le plan France 2030 : l'appel à projets Alternatives vertes dont la première vague a eu lieu en 2022. J'ai souhaité amplifier cette ambition écologique avec une deuxième édition à hauteur de 25 millions d'euros. Cet appel à projets va bientôt sortir, n'hésitez pas à vous en saisir et à le relayer ! C'est ainsi que nous financerons mille et une solutions pour la décarbonation de la culture, sans rien sacrifier de la qualité des infrastructures et des créations bien sûr. Qu'il s'agisse de développer des jeux vidéo moins énergivores, repenser le système de chauffage des chapiteaux ou réutiliser systématiquement les décors d'opéra comme le font les Opéras de Lyon et de Paris, ces projets, que nous finançons à travers cet appel à projets, sont tous de belles inspirations pour le changement de modèle que nous devons engager.

Je veux aussi vous parler de notre grand projet phare pour 2023 : l'ouverture au public de la Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts. Ce chantier est un des principaux chantiers culturels en France après Notre-Dame de Paris. Il avance à vitesse grand V sous la houlette du Centre des monuments nationaux et j'en profite pour saluer l'extraordinaire travail mené à la tête du CMN par Philippe Bélaval depuis dix ans. Cher Philippe, j'aurai l'occasion, mercredi, de te dire toute notre gratitude et tout le bonheur de te savoir bientôt à cette fonction stratégique de conseiller culture à l'Elysée !

Chers amis, je vous donne tous rendez-vous en juin pour l'inauguration de cette Cité internationale de la langue française au sein du Château de François 1er : un nouveau modèle d'établissement culturel, qui a vocation à faire vivre la richesse et la diversité de notre langue, premier bien commun constitutif du pacte républicain, mais également langue de diversité, en partage avec plus de 300 millions de locuteurs dans le monde. Expositions, spectacles, films, débats, résidences d'artistes, de chercheurs ou d'entrepreneurs, sessions de formation ou encore laboratoire des technologies linguistiques : cette Cité sera tout ça à la fois. Un projet autant culturel qu'éducatif, économique et touristique.

Oui, avec Villers-Cotterêts, nous allons faire émerger un nouveau modèle de lieu culturel, un lieu dédié à la langue française en dialogue avec les langues régionales et les autres langues du monde. Un lieu ancré dans l'histoire et ouvert à la création d'aujourd'hui.

En ce moment de tiraillements identitaires dans notre société, ce projet à Villers-Cotterêts symbolise à mes yeux un universalisme ouvert à l'altérité, qui donne toute sa place à la diversité pour renforcer notre modèle républicain. « Un universalisme latéral » écrivait le philosophe Maurice Merleau-Ponty à la fin des années 50, qui ne serait pas « de surplomb », mais « en mouvement », se nourrissant de la diversité des expériences et des cultures de chacun.

J'en viens à mon 4ème vœu pour 2023 : le souhait que cette année nous permette d'agir, en France et au-delà, pour apaiser les mémoires, lutter contre les assignations identitaires et la culture de « l'annulation » autrement dit la « cancel culture ».

Chacune de vos structures est une chambre d'écho de la société. Ecoles d'art, conservatoires, musées, salles de spectacle, festivals, médias, entreprises culturelles… Vous êtes tous traversés par les débats qui agitent notre société. Notre époque est marquée par des contestations sociales et identitaires, parfois exprimées de manière radicale.

Vous vous trouvez régulièrement en prise directe avec l'actualité la plus brûlante. Tentative de vol d'œuvre par un activiste au musée du Quai Branly, actes de vandalisme de la part de militants écologistes radicaux, manifestations contre un spectacle, tribunes pour déprogrammer une exposition ou un film… Les débats ne cessent de se polariser, alors que nous avons, plus que jamais, besoin de dialogue et de beaucoup de nuance.

Oui, nous continuerons à lutter avec volontarisme contre les violences sexuelles et sexistes, par la formation, la prévention, des cellules d'écoute et le conditionnement des subventions, le ministère a été pionnier en la matière. Mais il n'est pas question de se substituer à la justice pour décider directement des condamnations qui doivent s'appliquer avant même qu'un procès ait lieu.

Oui, nous allons redoubler d'efforts pour mieux représenter la diversité de la société française sur les plateaux de théâtre, dans les films, derrière la caméra, à la télévision ; à la radio, mais il n'est pas question de restreindre la liberté d'écriture ou la liberté d'interpréter tel ou tel rôle. L'espace de la fiction doit rester un espace de liberté absolue, dans les limites prévues par la loi bien sûr.

C'est cet attachement viscéral à la liberté d'expression qui fait précisément la force de notre voix dans le monde, ce qui incite de nombreux créateurs menacés dans leurs pays à se tourner vers la France pour y trouver refuge.

Il nous faut défendre résolument ce modèle et poursuivre une politique ambitieuse d'accueil des artistes de pays en guerre ou censurés, ukrainiens, afghans, syriens, iraniens, dissidents russes également. Merci infiniment à vous tous et toutes, d'avoir su vous mobiliser et vous fédérer pour créer un réseau de solidarité extraordinaire pour l'accueil de ces artistes. C'est l'honneur de la France d'être aux côtés de celles et de ceux qui partagent nos valeurs, qui luttent pour préserver leur liberté de création. En leur ouvrant nos portes, en les accueillant sur notre sol, je suis convaincue que nous renforçons notre universalisme, nous l'enrichissons.

La société française reste minée par des conflits et des questions qui la crispent de l'intérieur. Les grands chantiers de la mémoire ouverts par le Président de la République permettent de regarder ces questions en face. Ce chemin n'est ni celui du déni, ni celui de la repentance mais bien le chemin de la reconnaissance. Il est de notre devoir de tout faire pour ne pas répéter ou reproduire les oppositions de nos aînés et les drames de l'Histoire. L'ouverture anticipée des archives, la restitution des biens spoliés pendant le nazisme ; la refonte des galeries permanentes du Musée national de l'histoire de l'immigration, la création d'un Institut de la France et de l'Algérie à la suite des recommandations du rapport Stora, d'une Maison des mondes africains ; le Mémorial en hommage aux victimes de l'esclavage ; la future Maison du dessin de presse ; ou encore le Musée mémorial du terrorisme vont être autant de projets reliant culture et mémoire, passé, présent et avenir. Et vous serez amenés à être associés, dans les mois et les années qui viennent, à l'ensemble de ces nouvelles initiatives.

J'aimerais particulièrement insister sur notre relation à l'Afrique. Vous avez tous et toutes un rôle à jouer dans la construction de cette nouvelle coopération avec les pays du continent africain. Un grand nombre d'entre vous a pris part à la saison Africa2020, malgré les reports en raison de la pandémie, ou au Nouveau sommet Afrique France à Montpellier. Cette « nouvelle éthique relationnelle » pour reprendre le sous-titre du rapport de Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, c'est vous qui pouvez en être les bâtisseurs. Rien ne peut se décider d'en haut. Le sens de ce nouveau chapitre de notre histoire avec l'Afrique s'écrira à partir des relations humaines que vous allez tisser, des rencontres que nous pourrons faciliter. 2023 sera, je l'espère, une année d'avancées décisives pour les restitutions, mais aussi pour la circulation des œuvres et les nouvelles coopérations culturelles.

Je pense par exemple à l'exposition que j'ai pu voir à Cotonou l'été dernier, faisant dialoguer les 26 œuvres du trésor d'Abomey restituées par la France avec des œuvres de créateurs contemporains, exposition qui est maintenant à Rabat avant d'être accueillie en Martinique par la Fondation Clément. Je pense aussi au travail approfondi engagé par le Musée du Quai Branly avec le Musée des civilisations noires de Dakar sur la mission ethnographique Dakar-Djibouti. Ou encore à l'accueil par le Musée d'Angoulême de collègues venus du Mozambique, du Cameroun et du Gabon pour des périodes d'immersion dans le musée. C'est là que se plantent les graines qui feront pousser de nouvelles amitiés, des partenariats d'égal à égal.

Avant de conclure, il y a un dernier vœu que je veux partager avec vous pour 2023. Il tient en un mot : la relève. Je vous regarde, je connais votre engagement pour la culture, pour ce secteur. Je vous sais passionnés dans vos fonctions et je sais tout ce que la France vous doit. Mais je m'inquiète d'une certaine crise des vocations. Ces métiers que vous incarnez avec enthousiasme semblent perdre en attractivité. C'est ce qui me remonte dans tous mes déplacements. Vous me parlez tous des tensions sur les métiers techniques, de la crainte de perdre certains savoir-faire ancestraux ou des difficultés de recrutement à certains postes, y compris des postes de direction.

C'est pourquoi le développement de la formation et des compétences est une grande priorité du plan France 2030. Je reviens du conservatoire à La Villette qui vient d'être lauréat d'un appel à projets pour France 2030 de 5 millions d'euros pour développer un conservatoire augmenté à la pointe des nouvelles technologies, du son de l'image et des expériences immersives. Voilà un magnifique exemple.

C'est pourquoi je veux mettre en œuvre un plan ambitieux pour les métiers d'art et du patrimoine. C'est aussi pourquoi je suis si attentive à la situation de nos établissements supérieurs d'enseignement artistique. Ou au développement du FONPEPS, pour soutenir activement l'emploi pérenne dans le spectacle vivant et enregistré.

Je souhaite également associer un grand nombre d'entre vous à un nouveau projet de mentorat que je souhaite justement appeler « la Relève ». Il s'agit de repérer, dans tous les départements de France, des jeunes professionnels représentant toute la diversité sociale et géographique de notre pays, désireux de s'engager dans un parcours culturel. Pendant 4 ou 5 ans, nous allons les accompagner, les coacher, les faire « mentorer » par de grandes figures du monde culturel. Ils passeront du temps en immersion dans différentes structures, les vôtres, d'autres, vont vivre des stages à l'étranger. J'espère qu'ils pourront aussi être soutenus par certains des mécènes les plus engagés pour la culture et l'égalité des chances. Ces 100 jeunes vont être les 100 visages de la France culturelle de demain. Ils iront peut-être à la direction d'un théâtre, d'un centre d'art, d'un Etablissement public. Et peut-être que l'un d'entre eux ou l'une d'entre elle, sera le prochain ministre de la Culture ! Aidez-nous à les sélectionner et à les faire grandir. Faisons-leur confiance et commençons dès maintenant à les préparer à reprendre le flambeau, votre flambeau.

Il est temps pour moi de descendre de cette estrade pour trinquer avec vous à cette nouvelle année, à nos combats et nos espoirs.

Je vais terminer avec un poème, vous connaissez mes obsessions poétiques. Voici donc les derniers mots de ce poème de Robert Desnos :

Bien que demain matin
La mort soit plus proche qu'aujourd'hui
Je serai demain matin
Plus vivant

plus vivant qu'aujourd'hui
Restons vivants ! et vivement demain !