Ministry of Culture of the French Republic

07/05/2023 | News release | Distributed by Public on 07/05/2023 09:49

Festival d’Avignon : une édition placée sous le signe de l'ouverture

Le Festival d'Avignon, vitrine d'une création artistique largement diffusée dans les réseaux de la décentralisation théâtrale, entre dans un nouveau cycle de son histoire. Le point sur ses nouvelles ambitions alors qu'il s'ouvre mercredi 5 juillet.

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« Marguerite : le feu », un spectacle de la metteuse en scène canadienne Emilie Monnet, au théâtre Benoît XII du 7 au 11 juillet ©Scott Benesiinaabandan

Le festival d'Avignon ? On sait tout ou presque sur le premier rendez-vous mondial de spectacle vivant. Fondé par Jean Vilar en 1947, cet événement présente pendant quinze jours le meilleur de la création internationale devant un public fervent où se mêlent amateurs et néophytes. Un tel événement ne serait pas possible sans un énorme travail de fond assuré par toute une équipe (au total plus de 1500 personnes à chaque édition, permanents et saisonniers qui se partagent entre artistes, techniciens et équipes d'organisation).

Le festival d'Avignon, c'est aussi, pour son nouveau directeur Tiago Rodrigues, premier artiste étranger nommé à ce poste prestigieux, comme « une célébration de mariages improbables, mais très heureux. » Lors de la conférence de presse où il a présenté sa programmation, Tiago Rodrigues a mis l'accent sur ces joyeuses contradictions qui l'ont séduit et qu'il entend nourrir et développer : marier l'international et le local, marier l'art et la fête civique (cet improbable-là, faut-il le rappeler, a conduit les Grecs à inventer le théâtre), marier, enfin, « la vulnérabilité humaine » et la puissance de l'imagination.

« Pendant vingt et un jours et vingt et une nuits, nous nous rejoignons autour de la possibilité de célébrer la pensée, de célébrer le doute, de sourire sans être d'accord, de danser la citoyenneté, de chanter le risque ou encore d'applaudir la liberté artistique. » Retour sur trois de ces « mariages improbables », points saillants de cette 77e édition.

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« A Noiva e o Boa Noite Cinderela » (La Mariée et Bonne nuit Cendrillon), un spectacle mise en scène par l'artiste brésilienne Carolina Bianchi, au gymnase du lycée Aubanel du 6 au 10 juillet ©

Marier le local et l'international

Le Festival d'Avignon, c'est d'abord « un travail permanent de service public vers une plus grande démocratisation de l'accès à la création artistique. On a besoin de complexité, surtout en art, assure Tiago Rodrigues. Populismes démagogiques et antidémocratiques doivent être combattus par la créativité, l'imagination et, pourquoi pas, oui, une joyeuse complexité. »

D'où le mot d'ordre que le nouveau directeur reprend aux précédentes éditions : « Tout au long de l'année, le festival d'Avignon doit réunir. » Et en effet, les actions auprès des publics, à la FabricA notamment, ne manquent pas. Une offre foisonnante et plus de 7000 personnes touchées chaque année ! Ce grand travail sera encore complété par un tout nouveau projet : « Première fois » (Voir notre entretien).

Avec aussi « des séries plus longues et plus de jauge disponible » : en clair, des spectacles programmés plus longtemps, ce qui ipso facto les ouvre à plus de monde (le festival 2023 compte 12 000 places de plus que son édition 2022).

« Le festival d'Avignon appartient au monde en juillet ; il appartient à son territoire toute l'année. »

Et comme point d'orgue à ce travail d'ouverture quotidien du territoire vers les horizons les plus divers, le festival d'Avignon viendra donner un grand appel d'air en invitant, chaque année, ni plus ni moins qu'une « langue ». « Depuis le festival d'Avignon, souligne Tiago Rodrigues, nous ne regardons pas le monde divisé en nationalités ou en frontières mais organisé en langues qui relient les peuples. »

Cette année, l'anglais sera à l'honneur. L'idée est de faire redécouvrir la richesse et la vie de cette langue trop souvent étouffée par sa forme appauvrie : le « globish ». Plusieurs spectacles anglophones ou traduits de l'anglais sont ainsi programmés (notamment de Tim Crouch, de John Collins et Greig Sargeant, de Tim Etchells, du Royal Court Theatre…). Une très belle occasion de faire de grandes découvertes esthétiques.

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« Extinction », un spectacle de Julien Gosselin, dans la cour du lycée Saint-Joseph, du 7 au 12 juillet ©Simon Gosselin

Marier l'art et la fête civique

« Le festival d'Avignon est une fête civique où la joie, propre aux arts vivants, s'associe aux valeurs démocratiques, pour en faire un lieu de rencontre et d'échanges », affirmeTiago Rodrigues.

A cet égard, c'est le Café des idées, « cœur battant de chaque journée du festival », point de rencontre quotidien situé dans la cour du cloître Saint-Louis, qui s'avère incontournable. Une programmation tout à fait éclectique de nombreux débats qui vont des questions professionnelles (Le théâtre à l'âge du métavers, Forum « Travailler dans le spectacle ! », Quel spectacle vivant en 2050 ?, La danse, une histoire de transmission ?, etc.) aux questions de notre temps (Violences sexuelles : récits de femmes engagées, Penser l'émancipation, Foi et Culture : les traces d'un « beau monde », Produire mieux : urgence écologique et urgence sociale, Penser le projet européen face à la guerre, …), en passant par des « matinales » quotidiennes passionnantes où les artistes programmés au festival viennent à tour de rôle dialoguer avec le public au sujet de leurs créations (Tim Crouch, Philippe Quesne, Julie Deliquet, David Geselson, Julien Gosselin, Emilie Monnet, John Collins, Pauline Bayle, Carolina Bianchi, Patrick Corillon, Michikazu Matsune, Bintou Dembélé, Suzanne Kennedy, Maud Blandel… et tous les autres !)

« Débattre pour ne pas se battre »

Pourquoi toute cette effervescence ? Il s'agit de relever « les débats que les spectacles vont susciter, précise Tiago Rodrigues, accompagner les urgences et les désirs citoyens des artistes. »

C'est aussi l'impératif de s'engager concrètement : « 55% des projets sont portés ou co-portés par des femmes ». Quant au sujet de la diversité des origines des artistes et techniciens : « Elle correspond sur scène à la diversité que nous cherchons aussi dans notre public. » Le théâtre en effet, est un « lieu fait pour regarder l'autre ». Il convient, c'est l'évidence, de l'ouvrir à tous, en commençant par en ouvrir la scène à tous.

« Il y a aussi un grand engagement écologique du festival d'Avignon. » L'effort se poursuit pour diminuer l'impact carbone du festival (mobilité des artistes et des équipes, tri des déchets, aménagement énergétique des lieux). Un engagement qui ne recule pas devant le symbole : « nous avons ouvert une nouvelle ligne de travail : nourrir d'imaginaire notre engagement écologique », en programmant des spectacles dans des espaces naturels (on salue à ce titre le retour de la carrière de Boulbon où Philippe Quesne donnera son Jardin des délices).

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« Carte noire nommée désir », un spectacle de Rébecca Chaillon, au gymnase du lycée Aubanel du 20 au 25 juillet ©Vincent Zobler

Marier la « vulnérabilité humaine » et la puissance de l'imagination créatrice

« Si je pouvais tracer un fil rouge pour cette édition 2023, affirme Tiago Rodrigues, ce serait l'hypersensibilité que nous montrent les artistes à la vulnérabilité humaine, qu'elle soit individuelle ou collective, et leur capacité de nourrir l'imaginaire avec les observations qu'ils en font. »

Ici l'on pénètre dans le cœur du réacteur. La programmation du festival représente la fine fleur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant millésime 2023, sur le plan national et international. Comme un salon de l'auto qui ne présenterait que des prototypes, elle délivre mille et une créations (en réalité trente-trois), qui vont être largement diffusées, notamment, dans le réseau des Centres dramatiques nationaux (CDN) et Scènes nationales (SN) qui les ont très souvent co-produites, et, pour certaines, sur les scènes prestigieuses de l'Europe et du monde entier.

« Des propositions qui sont encore des mystères pour nous »

Comme l'affirme Tiago Rodrigues, le Festival d'Avignon est un festival de promesses. En effet, les créations, par définition, sont des œuvres encore à venir, trente-trois paris dont on ne connaîtra le succès que lorsque le rideau se lèvera sur ces nouveautés. De quoi avoir le trac ! « On vous promet des choses qui sont encore des mystères aussi pour nous, » dit avec humour Tiago Rodrigues. Nul doute qu'elles vont faire entrer en effervescence et le public et la critique en ce mois de juillet, et qu'elles feront circuler, pendant la saison 2023-24, cette veine créatrice renouvelée dans tous les territoires, grâce au maillage unique de la décentralisation théâtrale.

Tiago Rodrigues, un artiste européen

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Tiago Rodrigues ©Christophe Raynaud de Lage

Après le Théâtre national de Lisbonne, le voici à la direction du festival d'Avignon, véritable vitrine, salon et fête du théâtre public, dont il lance cette année la 77e édition. Metteur en scène portugais, Tiago Rodrigues est le premier artiste étranger nommé à ce poste prestigieux (un club très fermé, puisqu'il n'en est que le 8ème membre depuis 1947 !).

Révélé au public français en 2014 avec son spectacle By Heart (repris cette année dans la Cour d'honneur le 25 juillet), il présente ensuite plusieurs spectacles qui font date au théâtre de la Bastille (notamment Bovary, 2016, The way she dies, 2019, d'après Anna Karénine) et au festival d'Avignon (Antoine et Cléopâtre, 2015, Sopro, 2018, La Cerisaie, 2021, dans la Cour d'honneur).

Des spectacles d'une invention et d'une sensibilité rares, d'un artiste formé, et ce n'est pas un hasard, dès l'âge de 20 ans (1997), par le Tg Stan, un collectif de comédiens passionnants, basé à Anvers.