10/04/2023 | Press release | Distributed by Public on 10/04/2023 04:04
Intensification agroécologique en Afrique et climat : des résultats prometteurs au Zimbabwe
Les approches agroécologiques fondées par exemple sur l'utilisation de légumineuses et de fumier peuvent-elles, à elles seules, augmenter durablement la productivité des cultures annuelles en Afrique subsaharienne (ASS), sans nécessiter davantage d'engrais minéraux ?
La réponse est non, selon une équipe d'agronomes, qui publie une analyse approfondie de 150 articles et ouvrages scientifiques portant sur les cultures annuelles (maïs, sorgho, mil, riz, manioc…) et les légumineuses tropicales annuelles (niébé, arachide) ou pérennes (acacia, sesbania) en milieu tropical.
Ces publications regroupent 50 ans de connaissances sur les bilans nutritionnels en Afrique subsaharienne, la fixation biologique de l'azote atmosphérique par les légumineuses tropicales, la valorisation du fumier dans les systèmes de production agricole familiaux, ainsi que l'impact environnemental des engrais minéraux.
« Lorsqu'on regarde des conditions de climat et de contraintes physiques des sols comparables, les rendements du maïs - principale source de calories pour les populations - en Afrique subsaharienne sont trois à quatre fois plus faibles qu'ailleurs dans le monde. Cela est lié en grande partie à l'apport d'engrais minéral - azote, potassium - qui y est en moyenne quatre fois plus faible », précise Gatien Falconnier, chercheur au Cirad basé au Zimbabwe, premier auteur de l'article. « En moyenne, 13 kg d'azote par hectare et par an sont utilisés en Afrique subsaharienne, toutes cultures confondues, sachant que les agriculteurs les plus pauvres n'ont pas accès aux engrais azotés et ne les utilisent donc pas. Ce sont surtout les agro-industriels et les producteurs maraîchers qui accèdent à l'engrais », ajoute François Affholder, agronome au Cirad basé au Mozambique et co-auteur de l'article.
« Notre objectif n'est pas de produire comme en Europe ou Amérique du Nord, mais de produire plus et plus régulièrement selon les saisons et années, et donc d'accroître la durabilité économique de notre agriculture. Pour cela, il faut assurer un minimum de nutrition des plantes qui ont besoin d'éléments minéraux essentiels, pour que la photosynthèse, et donc leur croissance, soit efficace. Les sols sont généralement déficients en éléments minéraux en Afrique subsaharienne et les apports organiques largement insuffisants conduisant à des carences nutritionnelles des plantes. Cela constitue le principal facteur limitant de la production végétale, hors situation de sécheresse », explique Pauline Chivenge de l'Institut Africain pour la nutrition des plantes (APNI). « Les travaux de Christian Pieri ont démontré dès 1989 qu'il est possible de restaurer une fertilité élevée des sols africains grâce à une approche raisonnée des apports organiques et minéraux de nutriments », complète François Affholder.
L'article met en évidence cinq raisons pour lesquelles davantage d'engrais minéraux sont nécessaires en Afrique subsaharienne :
« Si on prend en compte les facteurs de production d'ordre biophysique comme le climat et le sol, les pénuries de terres et de main-d'œuvre agricole, il est impossible d'atteindre un niveau de production satisfaisant, en fertilisant uniquement les sols avec du fumier et le recours aux légumineuses », conclut Leonard Rusinamhodzi, chercheur agronome à l'Institut international d'agriculture tropicale au Ghana.
Néanmoins, « les principes agroécologiques liés directement à l'amélioration de la fertilité des sols, comme le recyclage des éléments minéraux et organiques, l'efficience et la diversité des cultures, avec par exemple les pratiques d'agroforesterie et d'associations entre céréales et légumineuses, demeurent essentiels pour améliorer la santé des sols. La fertilité des sols repose sur sa richesse en matière organique, apportée par la croissance des végétaux qui détermine la biomasse qui revient au sol sous forme de racines et de résidus végétaux. L'utilisation efficiente des engrais minéraux permet d'enclencher un cercle vertueux. Ces nutriments sont cruciaux pour la durabilité de la productivité agricole », souligne Gatien Falconnier.
Les chercheurs plaident donc en faveur d'une position nuancée qui reconnaît le besoin d'augmenter l'usage des engrais minéraux en Afrique subsaharienne, de façon modérée et basée sur des pratiques efficaces, en combinaison avec l'utilisation de pratiques agroécologiques et un soutien politique adéquat. Cette approche équilibrée vise à assurer une sécurité alimentaire durable tout en préservant les écosystèmes et en luttant contre la dégradation des sols.
Falconnier, G. N., Cardinael, R., Corbeels, M., Baudron, F., Chivenge, P., Couëdel, A., Ripoche, A., Affholder, F., Naudin, K., Benaillon, E., Rusinamhodzi, L., Leroux, L., Vanlauwe, B., & Giller, K. E. (2023). The input reduction principle of agroecology is wrong when it comes to mineral fertilizer use in sub-Saharan Africa. Outlook on Agriculture, 0(0). https://doi.org/10.1177/00307270231199795
* Cirad, Centre international d'amélioration du maïs et du blé (CIMMYT), Institut international d'agriculture tropicale (IITA), Université de Wageningen et Institut africain pour la nutrition des plantes (APNI)