Banque de France

16/04/2024 | Press release | Distributed by Public on 16/04/2024 14:13

Résilience en Europe, et un cercle vertueux pour Paris en tant que place financière

Paris Europlace - New York, 16 avril 2024

Discours de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France

Mesdames, Messieurs,

C'est un grand plaisir pour moi d'être ici à New York pour cette rencontre Paris Europlace. Aujourd'hui, je voudrais saisir cette occasion pour vous présenter tout d'abord une actualisation des perspectives économiques de l'autre côté de l'Atlantique : l'Europe reste résiliente, et l'Eurosystème a lui aussi réussi à maîtriser l'inflation (I). J'aborderai ensuite la place financière de Paris, où un cercle vertueux a créé un nouvel élan (II).

I. L'Europe reste résiliente, et l'Eurosystème réussit à maîtriser l'inflation

Permettez-moi de commencer par une actualisation des situations économiques de l'Europe et de la France. L'année dernière, j'avais indiqué que la probabilité d'une récession en 2023 était très lointaine. Bien que modérée, la croissance est en effet restée positive l'année dernière - à 0,5 % dans la zone euro et 0,9 % en France. Notre prévision de croissance pour la zone euro s'établit à 0,6% en 2024, avec une reprise progressive de la consommation grâce à un rebond des salaires réels et à un niveau élevé d'emploi. La croissance pourrait ensuite s'accélérer significativement pour atteindre 1,5 % en 2025 et 1,6 % en 2026, avec une reprise plus marquée de l'investissement à compter de 2025.

Ces chiffres sont à l'évidence inférieurs à la croissance de 2,5% aux États-Unis en 2023, et qui devrait s'établir à 2,7 % cette année et à 1,9 % en 2025. Toutefois, la résilience de l'Europe reste encourageante, alors que la guerre fait rage sur son sol depuis plus de deux ans, avec de fortes répercussions économiques. Entretemps - et c'est une excellente nouvelle pour les banques centrales comme pour l'économie dans son ensemble - la vague inflationniste a reflué, revenant en zone euro d'un pic de 10,6 % en octobre 2022 à seulement 2,4 % le mois dernier.

J'ai analysé ces évolutions lors d'un récent discours intitulé « Anatomie d'une chute d'inflation ». Bien sûr, l'inflation a été initialement alimentée par des chocs d'offre, et donc la désinflation aussi lorsque ces chocs se sont retournés. Toutefois, l'inflation sous-jacente - certes moins spectaculaire, mais qui représente environ 70 % du panier de consommation moyen - était plus menaçante, car elle risquait d'être plus persistante et autoentretenue. L'Eurosystème a donc répondu avec la plus ample remontée des taux d'intérêt jamais réalisée, à une allure très soutenue. L'inflation sous-jacente, après avoir culminé à 5,7 % dans la zone euro en février 2023, a diminué de moitié à 2,9 % le mois dernier.

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Monetary tightening, and the decrease in core inflation

La politique monétaire est à l'œuvre, et fonctionne. Nous considérons, dans notre dernière déclaration de politique monétaire du 11 avril, que les taux d'intérêt directeurs de la BCE se situent à des « niveaux qui contribuent fortement au processus de désinflation en cours».

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Monetary policy's contribution to lower inflation

Qu'est-ce que cela signifie pour nos futures mesures de politique monétaire ? Sauf chocs et surprises majeurs-, nous devrions décider d'une première baisse de taux début juin, suivie par d'autres baisses dans le cadre d'un gradualisme pragmatique et agile - et nous surveillerons évidemment les possibles conséquences des développements au Moyen-Orient.

Un mot sur les finances publiques françaises : le déficit a augmenté de façon inattendue pour atteindre 5,5 % en 2023, en raison de mauvaises surprises sur les recettes fiscales. Bien que moins important que de ce côté-ci de l'Atlantique, le déficit français est évidemment trop élevé. Le gouvernement français a donc eu raison de présenter la semaine dernière un nouveau Programme de stabilité, prévoyant une réduction des déficits à 5,1 % cette année et à moins de 3 % en 2027. L'essentiel sera désormais d'en préciser le contenu, et de le mettre en œuvre de manière crédible.

II. Le cercle vertueux de Paris en tant que place financière

L'année dernière, j'ai souligné la dynamique de Paris en tant que place financière après le Brexit, notamment parce qu'elle offre un large éventail d'activités financières - de loin le plus important de l'UE, allant de la gestion mondiale d'actifs à l'assurance et aux activités bancaires. Paris a, en particulier, continué de se développer comme pôle central d'activités pour les activités de marché, la plupart des banques internationales ayant désormais leurs salles des marchés et leurs bureaux de négociation établis et / ou fortement étoffés dans la capitale française.

Cette dynamique parisienne reste puissamment à l'œuvre et dépasse même nos attentes : le succès appelle le succès ! Permettez-moi de citer quelques exemples marquants de ces derniers mois, qui prolongent une série d'évolutions similaires. Morgan Stanley a fait part de son intention de porter ses effectifs parisiens dans les activités de marché à 500 personnes, contre environ 150 en 2021. Barclays envisage de déménager son siège dans l'UE de Dublin à Paris afin de se rapprocher d'une partie importante de ses activités, et a donc entamé un dialogue avec les superviseurs et d'autres parties prenantes. JP Morgan, dont les effectifs à Paris sont actuellement de 900 personnes, y a récemment transféré 13 milliards d'euros d'actifs supplémentaires.

Dans l'ensemble, ce décollage a un impact économique significatif et positif : les exportations françaises de services financiers ont atteint 13 milliards d'euros en 2023, une hausse de près de 50 % par rapport à 2020. La capitalisation boursière totale de Paris demeure supérieure à celle de Londres depuis janvier 2023. L'attractivité de Paris est confirmée par le nouveau classement OFEX, lancé conjointement par l'Institut Louis Bachelier en France et le Center for Financial Studies en Allemagne. Dans cet indice Paris est classée cinquième place financière au monde, au coude à coude avec Tokyo classée quatrième, et devant tous les autres centres financiers de l'UE. De plus, Moody's a récemment attribué à Paris la meilleure note possible pour une collectivité locale.

Nous avons largement renforcé notre attractivité depuis 2016, en particulier grâce aux réformes du droit du travail et du droit fiscal français, que personne n'a remises en cause depuis en raison de leurs bénéfices évidents : toutes les autorités publiques - qu'elles soient centrales, régionales ou locales - ont été cohérentes et coopératives au cours des huit dernières années, et soyez certains que cela se poursuivra à l'avenir. Une proposition de loi du député Alexandre Holroyd devrait encore renforcer notre compétitivité. Le processus législatif est en bonne voie, et nous espérons une adoption de la loi d'ici fin mai. Si le texte est adopté dans sa rédaction actuelle, il devrait apporter plusieurs améliorations, notamment pour ce qui concerne les nouvelles introductions en bourse et les fonds d'investissement. Et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) reste pleinement engagée afin de poursuivre un dialogue ouvert et de faciliter la mise en œuvre de projets à Paris.

Ces initiatives françaises présentent également un grand intérêt pour l'Europe dans son ensemble. En février, j'ai appelé de mes vœux la mise en œuvre d'une Union pour le financement de manière à renforcer l'Union des marchés de capitaux actuelle avec un objectif supérieur - la transformation écologique et numérique, que l'Europe poursuit résolument. Cet objectif supérieur nécessite des instruments innovants et plus ambitieux, y compris pour le financement par fonds propres. De plus, Enrico Letta, ancien Premier ministre italien, publiera cette semaine un rapport sur le marché unique avec des recommandations qui, si elles sont suivies, stimuleront la croissance en Europe. Comme vous le savez, nous ne sommes qu'à quelques semaines des élections européennes. Quel que soit leur résultat précis, ces élections ne mettront pas en péril la construction européenne. Le pivot central actuel devrait rester inchangé, garantissant continuité et stabilité.

Je conclurai avec Joséphine Baker, célèbre danseuse, chanteuse et actrice née aux États-Unis, qui s'est installée en France en 1925. Elle a participé activement à la Résistance pendant la Seconde guerre mondiale, usant de sa célébrité comme couverture. Elle s'est éteinte à Paris en 1975, et est entrée au Panthéon en 2021 avec les honneurs. Aujourd'hui, je voudrais citer sa chanson la plus célèbre: « J'ai deux amours, mon pays et Paris ». J'espère que ce sentiment continuera de se diffuser dans le secteur financier au cours de ce 21e siècle, et je peux à nouveau vous assurer que vous serez accueillis à bras ouverts dans notre Ville Lumière. Je vous remercie de votre attention.