02/22/2024 | Press release | Distributed by Public on 02/22/2024 04:09
22 février 2024
Communiqué de presse
Monsieur le Ministre,
Le 14 février dernier, un patient concerné par un trouble bipolaire a mis fin à ses jours aux urgences psychiatriques de l'hôpital Purpan à Toulouse, après être resté 10 jours sur un brancard de consultation, faute de places pour une hospitalisation.
Ce drame, qui aurait pu, qui aurait dû être évité, reflète les graves manquements de notre système de santé en psychiatrie. Quotidiennement, des situations critiques nous sont partagées par nos adhérents, et plus globalement par les familles ou les proches de personnes concernées par un trouble ou une maladie psychique.
Monsieur le Ministre, vous venez de vous voir confier la grande responsabilité qu'est le Ministère de la Santé et de la Prévention. Si je m'adresse à vous aujourd'hui, c'est pour vous alerter sur l'état d'extrême urgence dans laquelle se trouve la psychiatrie en France.
Aujourd'hui, les pathologies psychiatriques concernent plus de 13 millions de Français. Parmi eux, plus de 3 millions souffrent de pathologie sévère comme un trouble schizophrénique, un trouble bipolaire, une dépression résistante ou un trouble borderline. 13% des enfants seraient concernés par un trouble de la santé mentale. Ces troubles sont la première cause d'années de vie vécues avec un handicap et d'années de vie perdues en bonne santé. C'est la première cause de mortalité chez les 10-24 ans. Le coût économique et social de ces troubles psychiques pour le pays a récemment été évalué à 109 milliards d'euros par an.
Ces chiffres démontrent que la santé mentale, et particulièrement la psychiatrie, sont des enjeux de santé publique.
Si le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale, a indiqué que la santé mentale des jeunes serait une priorité gouvernementale, nous ne pouvons que constater que la prise en charge des troubles psychiatriques pâtit d'un manque cruel de moyens et de considération. Les cris d'alerte des patients, des soignants, des familles qui retentissent depuis de trop nombreuses années restent sans réponse.
Il est temps de passer à l'action : l'Unafam, aux côtés de nombreuses autres associations, demande à ce que la Santé Mentale soit une véritable grande cause nationale pour 2025, afin de déployer les moyens nécessaires, humains et financiers, pour faire face à cette situation désastreuse.
En effet, sur le terrain, l'accès aux soins est remis en question. Les centres d'hospitalisation de jour ferment leurs portes, tout comme des dispositifs de scolarisation de lycéens touchés par des problématiques psychiatriques. Les postes de psychiatres et de pédopsychiatres restent vacants et, quand ils ne le sont pas, sont occupés par des soignants épuisés, à bout de souffle. L'exemple de la situation dans le département de la Sarthe en est une illustration : les médecins ont récemment tiré la sonnette d'alarme à la suite de la fermeture de 42 lits au sein de l'établissement public de santé mentale, entraînant un effet domino sur les autres services de soins, et notamment les urgences du centre hospitalier du Mans.
Les patients, partout en France, en paient le prix fort : délais d'accès aux soins non adaptés, ruptures dans les parcours, recours aux pratiques coercitives et d'isolement massif, manque d'accompagnements médico-sociaux et sociaux, non inclusion sociale, scolaire ou professionnelle …
Aujourd'hui, nous déplorons que les droits des personnes concernées par un trouble psychique ne soient pas respectés.
Alors, le temps des déclarations et des seules ambitions doit être derrière nous pour laisser place à une réelle transformation de la prise en charge des troubles psychiques. Nous ne voulons plus que nos proches meurent dans un coin des urgences faute de soins, pas plus que seuls entre quatre murs faute d'accompagnement ou dans la rue faute de logements adaptés.
Monsieur le Ministre, des solutions existent. Des solutions existent pour permettre une prise en charge précoce des troubles psychiques. Pour améliorer le parcours de soins des personnes concernées. Pour faire en sorte que les urgences psychiatriques ne soient plus la seule porte d'entrée vers les soins.
Des dispositifs comme les Centres Experts, dédiés au soin et à la recherche pour les maladies psychiques, permettent la mise en place du traitement le plus adapté afin de limiter les comorbidités induites par les psychotropes. D'autres exemples comme les centres de réhabilitation psychosociale montrent qu'il est possible de refondre l'organisation des soins et de mettre en place un accompagnement global et personnalisé dans un objectif de promotion du rétablissement du patient. Sans oublier l'aide aux aidants, facteur d'une réduction du risque de rechute et de réhospitalisation de 20 à 40% des personnes vivant avec des troubles psychiques sévères, d'amélioration de la santé de leurs aidants et in fine, d'une augmentation de la performance globale du système de soins en psychiatrie dans un contexte financier contraint.
Nous ne pouvons que regretter que ces dispositifs ne soient pas accessibles sur tous les territoires. Les pertes de chances qui en découlent sont inacceptables.
Monsieur le Ministre, il est aujourd'hui nécessaire de réveiller l'espoir pour nos proches, pour les familles et pour toutes celles et ceux concernés et impactés par un trouble ou une maladie psychique. Pour cela, l'Unafam se tient prête à échanger avec vous afin de travailler à ces évolutions urgentes.
Marie-Jeanne Richard,
Présidente de l'Unafam