09/17/2024 | News release | Distributed by Public on 09/17/2024 11:27
Ces dernières années, le gouvernement Macron a lancé de nombreuses démarches, tant au niveau national qu'européen, visant faciliter et accélérer le renouvellement du parc nucléaire et la construction de plusieurs EPR(réacteurs pressurisés européens) de 2e génération. En 2024, la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) a été saisie afin d'organiser les débats publics pour les futurs EPR2 ceci alors même que la programmation énergétique de la France ne le prévoit pas. Explications.
En février 2022, alors que la France s'était engagée à plafonner sa puissance nucléaire et à réduire sa part de 50% dans le mix énergétique d'ici 2035 (objectifs inscrits dans la LTECV), Emmanuel Macron a annoncé à Belfort un vaste plan de relance du nucléaire civil en France avec la construction de six nouveaux réacteurs EPR.
Le premier de ces nouveaux équipements devrait être mis en service en 2035, bien que de nombreux experts en doutent (ce serait au plus tôt vers 2040 au vu de la complexité du chantier et du retour d'expérience de Flamanville). Ce chantier devrait coûter près de 52 milliards d'euros d'après l'estimation EDFde 2022 alors que l'EPRde Flamanville a fait exploser ses couts et que le design de l'EPR2 n'est pas finalisé. Le président a également indiqué que huit réacteurs supplémentaires - soit quatorze au total - étaient également envisagés d'ici à 2050.
Ces annonces n'ont pas fait à ce jour l'objet d'une transcription dans la loi. En revanche une loi facilitant l'accélération des procédures et prévoyant de nombreuses exceptions au droit de l'environnement et à la participation du public a été votée en 2023.
La CNDPest l'autorité indépendante garante du droit à l'information et à la participation du public sur l'élaboration des projets et des politiques publiques ayant un impact sur l'environnement. Créée en 1995 par Michel Barnier alors Ministre de l'environnement dans la loi éponyme, la CNDPa pour mission "d'organiser la participation du public le plus en amont possible afin de débattre des objectifs et caractéristiques principales des projets, à un moment où il est encore possible de revenir dessus et de substantiellement les modifier".
Vu l'ampleur des projets d'EPRet leurs impacts sur l'environnement, la CNDPest chargée d'organiser le débat public pour chaque paire d'EPR.
L'implantation de ces six nouveaux EPRest déjà connue et tout semble quasiment décidé sans que les alternatives n'aient été débattues. Ils seraient implantés sur des sites déjà nucléarisés et ayant des facilités pour le refroidissement des réacteurs. Les deux premiers verraient le jour à la centrale de Penly (Seine-Maritime). Les deux suivants seraient implantés à Gravelines (Nord) et la troisième paire près de celle du Bugey (Ain).
Site | Région / département | Puissance actuelle du site | Puissance future du site | Date estimée de mise en service |
Penly | Normandie/Seine Maritime | 2 600 MW | 5 940 MW | 2035 |
Gravelines | HDF/ Nord | 5 400 MW | 6 940 MW | 2038 |
Bugey | AURA/ Ain | 3 600 MW | 5 140 MW | 2042 |
En 2022, la Commission nationale du débat public (CNDP) a été saisie pour organiser un débat public sur un programme proposé par EDFde 6 réacteurs nucléaires de type «EPR2», dont les deux premiers seraient situés à Penly, en Normandie. Le débat s'est tenu du 27 octobre 2022 au 27 février 2023. Ce débat portait à la fois sur le programme national d'EDFet sur la paire d'EPR2qui serait installée à Penly.
Lors de ce débat les questions principales sur l'opportunité du programme sont restées sans réponse de la part d'EDFet de l'État (place dans la politique énergétique et dans le mix futur, coût de l'électricité produite, gestion des combustibles et des déchets, risques climatiques et géostratégiques).
À ce jour, les travaux préparatoires au projet d'EPRà Penly ont été autorisés.
En janvier 2024, la CNDP, saisie par EDFet RTE, a décidé d'organiser un débat public pour la paire d'EPRsituée à Gravelines. Ce débat va durer 4 mois, du 17 septembre 2024 au 17 janvier 2025.
Caractéristiques principales : implantation en site très industrialisé (avec de nombreux sites Seveso), fonctionnement au MOX3, 4 nouvelles lignes THT, coût de 16,9 Mds.
La CNDPa également été saisie conjointement par EDFet RTEdu projet de construction de deux EPR2à proximité du site de Bugey. Pas de date connue pour l'instant.
Caractéristiques principales : 6 tours aéroréfrigérantes, 2 nouvelles lignes THTaériennes + 2 lignes THTsouterraines, fonctionnement au MOX3, cout de 15,3 Mds.
Dans un avis rendu le 4 septembre 2024, la CNDPrappelle quelques fondamentaux à l'État et aux maitres d'ouvrage EDFet RTE:
La CNDPrappelle aussi que "dans le cadre ainsi défini, les décisions à prendre en matière de « nouveau nucléaire » relèvent conjointement de l'État et des maîtres d'ouvrage." Rappel utile car la CNDPa été saisie par EDFet RTEalors que la relance du nucléaire est bien une ambition du gouvernement actuel et que les travaux préparatoires aux EPRde Penly ont été autorisés en dehors de tout cadre légal. L'État, actionnaire unique d'EDF, doit assumer son rôle de maitre d'ouvrage et respecter le cadre légal.
Participer aux consultations publiques
Opposée depuis sa création à l'énergie nucléaire, FNEcontinue d'en dénoncer les dangers et l'inutilité du point de vue de la transition énergétique et en demande une sortie programmée.
L'énergie nucléaire est une énergie trop risquée, trop chère, inadaptée aux effets du réchauffement climatique et de nombreux scénarios de transition énergétique ne prévoient pas sa relance, voire envisage une sortie programmée.
En savoir plus sur :
La loi Énergie-Climat de 2019 (cf. Article L 100-1 A du code de l'énergie) prévoit de fixer par une « loi de programmation sur l'énergie et le climat » révisée tous les cinq ans, les objectifs retenus en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de consommation énergétique, d'actions concernant les divers modes de production d'énergie électrique.
C'est donc cette loi de programmation qui doit valider le principe des investissements majeurs à engager pour la production d'électricité d'origine nucléaire, et en particulier la relance du programme nucléaire. Cette relance n'a été actée jusqu'ici par aucune décision légale, le discours de Belfort ne constituant pas un acte engageant légalement la France. Pourtant, cette loi n'a toujours pas vu le jour alors qu'elle conditionne plusieurs documents stratégiques : programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), stratégie nationale bas carbone (SNBC) et plan national d'adaptation (PNACC). Pire, le gouvernement a annoncé au printemps 2024 vouloir passer outre la loi et adopter les textes de PPE, SNBCuniquement par décret, sans passer par le Parlement.
Les débats publics sur les nouveaux EPRne reposent donc sur aucune vision énergétique validée par le Parlement comme cela devrait être le cas.
FNE a dénoncé ce passage en force.
Malgré plusieurs consultations menées ces deux dernières années soit par le gouvernement, soit sous l'égide de la CNDP, il n'y a jamais eu de débat ouvert et argumenté sur le mix énergétique et sa traduction dans la PPEconforme aux obligations du code de l'environnement : présentation des propositions du gouvernement, de leurs impacts, des scénarios alternatifs et des raisons pour lesquelles ils ont été écartés. La concertation sur l'avenir énergétique de la France qui s'est déroulée en 2022-2023 ne comportait aucune proposition du gouvernement, et n'a donc débouché que sur des banalités.
Par ailleurs, les différents scénarios (RTE, Ademe, entre autres) n'ont jamais été mis en débat ailleurs que dans des groupes d'experts. Le choix implicite du gouvernement d'un scénario peu sobre, très industrialisé et nécessitant une forte production d'électricité (donc des EPR) n'a pas été mis en débat alors même que des scénarios réalistes et argumentés ne nécessitant pas une relance du nucléaire existent.
Lors du débat public sur le nouveau programme nucléaire et la paire d'EPRà Penly, de nombreuses questions (une trentaine) ont été versées au compte rendu du débat (chap.4) et n'ont pas à ce jour reçu de réponses de l'État et d'EDF. Ces questions sont fondamentales pour valider l'opportunité de la relance du nucléaire et doivent obtenir des réponses avant la tenue des débats publics sur les paires d'EPR.
Ces questions portent notamment sur :
Ce que rappelle la CNDPdans son avis du 4 septembre 2024.
Il n'existe actuellement aucune solution satisfaisante de gestion des déchets radioactifs dont certains sont dangereux pendant des centaines de milliers d'années. La faisabilité du projet de centre d'enfouissement CIGÉOn'est toujours pas démontrée et la demande de création de ce centre ne porte pas sur les déchets générés par ces nouveaux EPR.
Toutefois, si ces déchets devaient y être enfouis, l'IRSNestime qu'il est nécessaire que des études évaluent l'impact de cette extension sur la sûreté du CIGÉOet observe qu'au stade actuel de développement et au vu des connaissances relatives au site, la capacité de stockage de cette installation ne paraît pas pouvoir être développée de manière illimitée. Actuellement, il n'y a donc aucune certitude d'une solution pour ces déchets.
L'ensemble de ces questions ne sont en rien anodines et conditionnent la poursuite ou non du programme nucléaire.
EDFa chiffré à 51,7 milliards d'euros le coût des 6 EPR2 (en coût dit «overnight», c'est à dire sans les frais financiers dus aux emprunts), dans le dossier du maître d'ouvrage du débat public de Penly en 2022.
En comparaison, le coût hors frais financier de l'EPRde Flamanville est évalué par la Cour des Comptes à 13 milliards d'euros, et le coût avec frais financiers compris à plus de 19 milliards d'euros, donc une hausse de près de 40%.
Ce chiffrage est déjà revu à la hausse : ce serait désormais 67,4 Mds€, toujours hors frais financiers, soit une hausse de 30% alors que le design des EPR2n'est pas encore détaillé et donc que des dépassements sont très probables.
À 11,2 milliards d'euros par réacteur, hors frais financier et avant tout dépassement en cours de chantier, on est déjà pas loin du coût de l'EPRde Flamanville.
Nous vous invitons à participer à ces débats publics en posant vos questions sur l'opportunité de la relance du nucléaire et sur les impacts environnementaux des EPR sur les Centres Nucléaires de Production d'Électricité (CNPE) de Gravelines et du Bugey.
Voici quelques arguments que vous pourrez utiliser :