Les Républicains

05/05/2024 | News release | Distributed by Public on 05/05/2024 08:45

Éric Ciotti : « Sans retour de l’autorité, la France est foutue »

Éric Ciotti : « Sans retour de l'autorité, la France est foutue »

5 mai 2024

Le JDD publie les principales mesures pour « garantir la sécurité », soumises au chef de l'État par les Républicains, prêts à travailler avec le gouvernement. « Si des lignes rouges sont franchies », le patron des LR n'exclut pas de voter une motion de censure, même déposée par le RN.

Pourquoi adresser un courrier au président de la République sur la lutte contre la délinquance ?

Les meurtres de Shemseddine, de Matisse ou de Thomas révèlent un véritable ensauvagement de notre pays. Au-delà de ces actes tragiques, les chiffres de la violence explosent. Chaque jour en France, mille personnes sont victimes de coups et blessures volontaires. Soit un quasi-doublement depuis 2012. Il en est de même pour les homicides qui ont atteint l'année dernière un niveau particulièrement élevé. Enfin, des quartiers entiers sont devenus des zones de non-droit livrées aux narcotrafiquants. Ce qui s'est passé à Marseille l'année dernière, avec près de cinquante narco-homicides, illustre ce à quoi pourrait ressembler la France si nous n'agissons pas enfin avec fermeté. Le temps des mesures placebos doit être révolu. C'est pourquoi je propose aujourd'hui une véritable révolution en matière de sécurité.

Le Premier ministre a présenté une série de mesures pour lutter contre la violence des mineurs, parmi lesquelles on retrouve la responsabilisation des parents. Cela va dans le bon sens ?

Oui, mais l'arsenal présenté est loin d'être à la mesure du fléau qui frappe la société. Le chantier de la délinquance des mineurs est prioritaire. Il faut en finir avec l'angélisme. Commençons par abaisser la majorité pénale à 16 ans pour que les petits caïds qui terrorisent les quartiers ne restent pas impunis. J'avais été l'auteur d'une loi en 2011 qui permettait de supprimer les allocations familiales aux parents qui manquent à leur devoir d'éducation. Le gouvernement actuel s'y refuse toujours. Il faut pouvoir sanctionner les parents des mineurs délinquants au travers des allocations familiales et des prestations sociales, mais aussi en les expulsant des logements sociaux lorsqu'ils sont complices et qu'ils ne participent pas à un plan de redressement que devra leur imposer la justice. Il faut aussi mettre en place dans chaque département un internat de réinsertion scolaire et rétablir la loi qui permettait de placer des mineurs délinquants dans des centres avec un encadrement de type militaire. Madame Taubira avait mis à terre ce dispositif qui avait été adopté sous la présidence de Nicolas Sarkozy sur ma proposition. Alors que nos quartiers s'embrasent, le gouvernement se contente aujourd'hui d'éteindre l'incendie avec un pistolet à eau.

Sur la base des propositions que vous adressez à Emmanuel Macron, les Républicains seraient-ils prêts à travailler avec le gouvernement ?

Ces mesures, qui relèvent du bon sens, devraient rassembler une majorité très large à l'exception de l'extrême gauche. J'alerte aussi sur la montée rapide du communautarisme islamiste qui installe sa terreur en infusant ses idées chez certains mouvements politiques et en asservissant la femme. Sur tous ces sujets, on ne peut plus attendre.

On ne peut pas dire que le gouvernement soit resté passif : vous évoquiez les narcotrafiquants. L'opération « place nette XXL » a permis la saisie de quatre tonnes de drogue, de 20 millions d'euros, et aussi 600 arrestations…

Là encore, on est dans l'agitation de la communication. La drogue pourrit tout : notre jeunesse, nos quartiers, elle atteint nos villages, elle nourrit les réseaux de criminalité. Les mesures que nous proposons dans notre plan de lutte contre les trafics de drogue permettront de traquer efficacement à la fois le trafiquant et le consommateur, en renforçant considérablement les sanctions pénales qui pèsent sur l'un et sur l'autre. D'abord, en portant l'amende forfaitaire délictuelle à 1 000 euros pour les consommateurs. Ensuite, en publiant les noms des consommateurs mis en cause. S'agissant de la lutte contre les trafiquants, l'opération « place nette » se résume essentiellement à des forces mobiles qui font « un petit tour et puis s'en vont ». Nous proposons la création d'une véritable force spéciale de lutte contre la drogue pour la reconquête des quartiers soumis à ces trafics. Il y en a plusieurs centaines en France, répartis autour de 4 000 à 5 000 points de deal. Cette force spéciale comprendrait naturellement à sa tête des services de police judiciaire, des douaniers, des policiers du Raid ou des gendarmes du GIGN et des militaires dans une nouvelle forme d'opération sentinelle. Cette force spéciale devra être présente partout, 24 heures sur 24 dans les quartiers, et installer ses propres points de contrôle pour inverser la logique de la peur. Aujourd'hui, ce sont les dealers qui ont mis en place des checkpoints pour rentrer dans les quartiers. Demain, il faut que ce soit les policiers. Je souhaite que chaque quartier soit verrouillé jour et nuit par les forces de l'ordre. Nous effraierons ainsi les consommateurs et assécherons les trafiquants. Cette action devra aussi s'appuyer sur des saisies massives des avoirs criminels. Il faut frapper les trafiquants au portefeuille et expulser tous ceux qui, auteurs ou complices d'un trafic de drogue, habitent dans les cités. C'est une priorité nationale.

Le garde des Sceaux propose de créer un parquet dédié à la criminalité organisée, cela va dans votre sens ?

C'est une idée que j'approuve. Mais au-delà d'une meilleure organisation judiciaire, il faut surtout installer une réponse pénale beaucoup plus ferme. Nous voulons le retour des peines planchers dès le premier délit à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique pour rendre inviolable l'uniforme. Aujourd'hui, trop de policiers mais aussi de pompiers, de policiers municipaux et de professeurs sont agressés. Nous devons mieux les protéger. Je souhaite également la mise en place de courtes peines, à partir d'une semaine de prison. C'est la logique inverse qui est conduite dans notre pays depuis des années, où l'on se décide seulement à incarcérer après plusieurs délits successifs. La sanction doit être rapide en recourant quasi systématiquement aux comparutions immédiates. Une sorte de choc d'autorité et de sévérité.

Dans cet ordre d'idée, le gouvernement prévoit de créer 15 000 places de prison supplémentaires d'ici 2027. Insuffisant ?

Naturellement. Nous proposons l'augmentation de la capacité carcérale, mais aussi l'augmentation du nombre de centres éducatifs fermés pour les mineurs délinquants ou l'augmentation du nombre de places dans les centres de rétention administrative (CRA) pour les étrangers, souvent délinquants, en situation irrégulière. Je propose la création d'un secrétariat d'État dédié à la construction immobilière, qui serait placé auprès d'un super-ministère de l'Intérieur et de la Sécurité, qui devrait regrouper, outre la police et la gendarmerie, l'administration pénitentiaire, les douanes et l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). Cela va dans le sens d'une diminution du nombre d'agences et d'opérateurs de l'État que nous souhaitons par ailleurs pour être plus efficients. Tous les moyens doivent être concentrés dans les mêmes mains. Pour en revenir aux places de prison, aujourd'hui, il y a 77 000 détenus pour 61 000 places. Monsieur Macron avait promis 15 000 places en 2017. Aujourd'hui, nous en avons à peine quelques centaines de plus, ce qui est ridicule par rapport au défi auquel nous sommes confrontés. Notre pays a besoin d'au moins 100 000 places de prison.

Tout cela coûterait énormément d'argent. Est-ce que vous avez débuté un chiffrage de ces mesures ?

La sécurité n'est plus une option mais une obligation. Aujourd'hui, pour 1 000 euros d'argent public dépensés par l'État, à peine 15 sont consacrés à la sécurité. C'est ridicule. Il faut faire des économies là où l'argent public ne sert à rien pour le recentrer sur ce qu'attendent les Français.

Êtes-vous favorable à la création d'un véritable statut de « repenti » pour ceux qui collaboreraient avec la justice pour aider au démantèlement de leur réseau criminel ?

Pourquoi pas, mais elle doit s'insérer dans une priorité globale donnée à l'action judiciaire. Notre police souffre aujourd'hui d'une crise inédite des vocations dans sa filière d'investigation et n'arrive plus à recruter d'enquêteurs. Or, sans investigation, les taux d'élucidation s'effondrent et il n'y a plus de réponse pénale systématique. C'est le cœur du métier de policier. Je souhaite qu'on revalorise fortement la rémunération des policiers enquêteurs par la mise en place d'une « prime de sujétion ». Ils sont indispensables à l'efficacité de l'action judiciaire.

À l'issue des élections européennes, le RN menace de déposer une motion de censure et vous met au défi de la voter. Est-ce que c'est une possibilité que vous envisagez ?

En la matière, nous avons toujours dit que nous prendrions nos responsabilités si l'avenir des Français est menacé par le franchissement des lignes rouges que nous avons fixées.

Encore une fois, si à l'issue de ce courrier que vous adressez au président de la République, il est prêt à travailler avec vous sur la question de l'insécurité, jouerez-vous le jeu ?

Nos propositions concrètes, étayées et responsables sont sur la table. La balle est dans la main d'Emmanuel Macron. Jusqu'à maintenant, sa main a toujours tremblé. Son bilan est le pire de la Ve République en matière d'insécurité. Avec ce plan, nous lui offrons le chemin du courage. Les Français attendent ces mesures dans leur immense majorité. L'immobilisme actuel met la France en danger de mort. Je le dis très clairement, si nous ne faisons rien, la France est foutue. Je redoute des confrontations extrêmes, un face-à-face mortifère. S'il n'agit pas, Emmanuel Macron sera condamné par l'Histoire pour non-assistance à pays en danger. Il faut agir aussi sur l'une des sources principales de l'insécurité : l'immigration. Le refus de consulter les Français par référendum sur ce sujet est totalement incompréhensible. Un quart des détenus dans nos prisons sont étrangers, sans compter ceux qui sont issus de l'immigration. Je ne lâcherai pas : à la suite des décisions du Conseil constitutionnel, nous exigeons une réforme de la Constitution pour rétablir notre souveraineté et retrouver la maîtrise de notre politique migratoire. Osons l'audace du Danemark et de la Grande-Bretagne qui ont décidé de délocaliser à l'étranger le traitement des demandeurs d'asile.

La liste LR aux européennes a été dévoilée et suscite des critiques, de la part de membres de la commission nationale d'investiture (CNI). Que leur répondez-vous ?

Il n'y a eu, lors de la CNI, aucune opposition à cette liste, et 80 % de ses membres l'ont approuvée. Elle allie renouvellement, expérience et représente un indispensable équilibre territorial. Sur les cinq premiers de la liste, nous comptons quatre nouveaux visages issus de la société civile. C'est inédit !

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