Ministry of Culture of the French Republic

06/30/2022 | News release | Distributed by Public on 06/30/2022 01:00

Quand Angelin Preljocaj fait danser les Européens

Retrouver l'unité de l'Europe à travers ses différences, tel était le défi que le chorégraphe Angelin Preljocaj a relevé avec son projet : Danse l'Europe ! Une réussite exemplaire.

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Le chorégraphe Angelin Preljocaj © Julien Bengel

« Une belle envie de partage et d'échange ». C'est ainsi que le chorégraphe Angelin Preljocaj évoquait, le 4 février dernier, l'un des projets les plus emblématiques de la présidence française du Conseil de l'Union européenne : Danse l'Europe !. Il ne s'agissait rien de moins que de réunir, par le biais des nouvelles technologies, les 445 millions d'Européens issus de 27 pays autour d'un projet chorégraphique inédit sur une musique signée Jeanne Added.

Aujourd'hui, alors que la présidence française du Conseil de l'Union européenne s'achève le 30 juin, le défi a été relevé. Et avec quel brio ! « Le résultat, assure Angelin Preljocaj, c'est une danse étrange mais une danse à partager, qui peut revêtir différents visages et, en même temps, qui est basée sur les mêmes impulsions, le même imaginaire de départ qui se déploie différemment chez chacun ». Un film, réalisé par Tommy Pascal à Aix-en-Provence avec 27 danseurs européens et 200 amateurs en garde la trace sur la plateforme Numéridanse. Angelin Preljocaj, directeur du Pavillon noir, le centre chorégraphique national d'Aix-en-Provence, revient pour nous sur Danse l'Europe !

Danse l'Europe ! le film
Ministère de la Culture

Quelle est la genèse du projet « Danse l'Europe !» ?

Pour tout dire, ce projet est venu me chercher en la personne de Dominique Hervieu, directrice de la Maison de la Danse de Lyon, maître d'œuvre de cette demande à l'occasion de la Présidence française de l'Union européenne. On le sait peu mais, chaque pays qui prend la présidence de l'Union européenne est censé offrir une œuvre d'art à l'Europe. La plupart du temps, c'est une sculpture ou un tableau. L'idée, ici, était de choisir une œuvre vivante, une chorégraphie que tout le monde pourrait partager. C'était passionnant ! J'ai accepté, car cela correspondait à des préoccupations à la fois artistiques, politiques et sociétales. L'idée d'unir par la danse 27 pays et 445 millions d'habitants grâce aux nouvelles technologies me touchait particulièrement en tant qu'artiste et citoyen européen. Dans cette démarche, il y avait une belle envie de partage et d'échange. Un cadeau à la fois éphémère et durable qui symbolise tout ce que représentent les valeurs de la danse.

Ce projet est un défi - artistique, technique, participatif, linguistique - à tous points de vue. Or le résultat est époustouflant de fluidité. Comment êtes-vous parvenu à cette prouesse ?

J'ai imaginé un espace d'expression où la chorégraphie, conçue comme un voyage immersif, se déploierait dans sa diversité par le biais de la libre interprétation de chacun guidé dans des mouvements simples et évocateurs, et amené ainsi à vivre une expérience corporelle à travers une imagerie, un univers. C'est un peu comme quand vous voyez un arbre avec ses feuilles : c'est le même vent qui souffle mais chaque feuille bouge différemment. Je crois que c'est une belle métaphore de l'Union européenne : plusieurs pays avec des cultures et des traditions différentes qui gardent leurs spécificités mais qui sont mus par le même idéal de civilisation.

Et puis cette chorégraphie est une manière de se réapproprier son corps, quel que soit son niveau de danse ou son niveau sportif, tous âges confondus. Il n'y pas de visuel, mais uniquement l'audio-guidance, ce qui laisse toute sa place à l'imagination. Chacun peut l'entendre à l'aune de son propre corps, avec ses possibilités, son énergie, son histoire, sa culture. Le résultat, c'est une danse étrange mais une danse à partager, qui peut revêtir différents visages et, en même temps, qui est basée sur les mêmes impulsions, le même imaginaire de départ qui se déploie différemment chez chacun, ce qui apporte de la grâce et de l'émotion au projet.

Comment ce projet s'inscrit-il dans votre parcours ? Votre pratique ?

La force de la danse, que je revendique depuis 35 ans que je suis chorégraphe, est de dire que le corps est un langage universel. Je pense souvent à cette phrase de Spinoza : « l'âme est une pensée du corps ». C'est fabuleux de penser que le corps produit l'essence de notre âme, qu'il en est le miroir, et qu'à travers la danse, quelque chose, d'un autre niveau que le seul aspect identitaire, se révèle pour chaque personne. C'est aussi pour cette raison que j'ai tout de suite accepté ce projet.