Prime Minister of the French Republic

05/07/2024 | Press release | Distributed by Public on 05/07/2024 08:57

Antisémitisme : lutter contre l'impunité

Gabriel ATTAL

[Applaudissements]

Monsieur le président du Sénat,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Madame la Première ministre,

Messieurs les Premiers ministres,

Monsieur le président du Conseil économique, social et environnemental,

Mesdames et Messieurs les préfets,

Mesdames et Messieurs les députés, sénateurs, députés européens,

Mesdames et Messieurs les présidents de région,

Madame la maire de Paris,

Mesdames et Messieurs les maires et les élus,

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,

Monsieur le président du Consistoire central,

Mesdames et Messieurs les représentants des cultes,

Monsieur le Président du Crif, cher Yonathan ARFI,

Mesdames et Messieurs.

C'est un document qui ne me quitte jamais. Il est encadré dans mon bureau. C'est un document un peu jauni par le temps, à l'encre légèrement effacée, mais dont le sens et l'horreur intacts ont traversé les années. Sur ce document, je lis un nom, celui de ma grand-mère, Jeanine WEIL. Je lis cette phrase : « Le commissaire de police donne acte qu'il a ce jour satisfait à la loi du 2 juin 1941 portant recensement des Juifs ». Car ce document, c'est le récépissé qui lui a été donné après avoir retiré son étoile jaune au commissariat en juillet 1941. Cette étoile, c'était une condamnation à mort. Et ce récépissé en était le visage froid, technique, administratif. Ce récépissé, je le garde toujours dans mon bureau, comme un rappel. Le rappel de l'infamie qu'a commis notre pays en se rendant complice et coupable d'antisémitisme. Car dans ces heures, notre pays a tourné le dos à son histoire. Et s'en est pris aux siens, aux Français juifs, ostracisés, humiliés, spoliés, déportés. Le rappel que la haine est sans limites, qu'elle est une machine infernale, qui emporte et broie avec elle toute trace d'humanité. Le rappel de ce qu'est l'antisémitisme, de ce qui a été accompli au grand jour en son nom, de ce qui se passe quand on ne le condamne pas, quand on ne le combat pas.

Alors pour moi, pour moi qui suis né en 1989, pour moi qui n'ai pas connu la guerre, dont les parents n'ont pas connu la guerre, pour moi, pour ma génération qui a peut-être cru trop vite que le progrès était éternel, que la paix était durable par principe, que la liberté et l'égalité étaient acquises, pour moi, comme pour ma génération, ce document est un rappel nécessaire, salutaire. C'est aussi un vertige. Vertige de se dire qu'il y a 80 ans seulement, on forçait en France des femmes, des hommes, des enfants à porter l'étoile jaune dans la rue. Vertige de comprendre que la mémoire est mortelle à mesure que les voix des derniers survivants s'éteignent. Isabelle CHOKO, Magda HOLLANDER-LAFON, Claude BLOCH, ces derniers mois ont encore été cruels, et chacun d'eux portait une part de la vérité qu'il nous appartient de perpétuer. Mais le plus grand des vertiges, c'est celui qui me saisit en regardant l'actualité. C'était il y a 8 décennies, mais soyons lucides, cela pourrait être demain.

Souvent, l'histoire trébuche. Elle n'en serait pas à son premier bégaiement. Car oui, je le dis sans ambages, nous faisons face à une vague d'antisémitisme, une vague d'une ampleur rare, plus forte, plus violente, plus relayée, plus établie qu'elle ne l'a été au cours de ces dernières années. Cette vague puissante, chacun connaît l'onde qui l'a réveillée. C'est le 7 octobre. Il faisait beau en Israël ce jour-là. Dans des villages, des kibboutz, des fêtes, des familles ne demandaient qu'à vivre ensemble, des enfants à grandir, des jeunes à profiter de l'insouciance de leur âge, des personnes âgées à vieillir en paix. Ils ne demandaient rien que de vivre, mais la barbarie en a décidé autrement. Mais la monstruosité du Hamas s'est interposée. L'horreur du terrorisme, de l'islamisme, les a emportés. Ce jour-là, plus de 1 200 personnes ont perdu la vie. Ils avaient tous les âges, toutes les opinions, tous les avenirs. Parmi eux, 42 Français, 42 de nos compatriotes emportés dans ce qui est l'attentat le plus meurtrier pour la France depuis le Bataclan. Ce jour-là, 240 personnes ont été prises en otage. Eux aussi, ils ont tous les destins et pour certains, ils ne sont que de nouveau-nés. Toute leur vie est à écrire. Mais la barbarie islamiste ne s'arrête pas à cela. Elle ne recule jamais devant rien. Aujourd'hui, plus de 130 otages sont encore retenus à Gaza, parmi eux 3 Français, Orión HERNANDEZ-RADOUX, Ohad YAHALOMI, Ofer KALDERON, 3 Français dont je tiens comme vous, monsieur le Président, à redire les noms, car nous ne les rappelons pas assez. 3 Français dont je veux dire les noms, car nous ne les oublions pas.

Depuis le premier jour, autour du président de la République et en lien avec certains États de la région, la France est à l'initiative pour obtenir la libération des otages. Devant vous, j'en prends à nouveau l'engagement et je vous donne ma parole, nous n'abandonnerons pas. Nous n'abandonnerons jamais [Applaudissements]. Ce jour-là, ce 7 octobre, toutes les ignominies ont été commises : les viols, les égorgements, les bébés sur lesquels on s'acharne, les femmes éventrées, les vieillards humiliés avant d'être massacrés. Et le tout, le tout au son des cris de joie des terroristes du Hamas, le tout au son des exclamations des terroristes qui, ivres de bonheur, criaient « mort aux Juifs ! » et appelaient leurs proches pour annoncer fièrement leurs crimes. Alors aujourd'hui, avec vous, je veux rendre hommage aux victimes. Avec vous, aujourd'hui, je veux dire ma fierté de la décision du président de la République de rendre hommage à ceux du 7 octobre. Nous sommes le seul pays au monde à avoir rendu un tel hommage national aux victimes. C'était justice et c'est l'honneur de la France [Applaudissements].

Mesdames et Messieurs, au cours de cet hommage, j'ai eu l'honneur de rencontrer des familles des victimes. Nos échanges, je ne les oublierai jamais. Ils sont gravés dans ma mémoire et ils ne me quitteront pas. Je me rappelle de cette famille, de ses parents. Leur fille aimait la fête, mais elle s'était cassé la jambe. Elle avait la jambe dans le plâtre. Elle a dit qu'elle voulait quand même aller au festival. Ses parents m'ont raconté comment ils avaient ri ensemble et comment elle lui avait demandé : « Mais comment tu vas danser alors que tu as la jambe dans le plâtre ? » Elle a dit « Je danserai assise sur une chaise avec mes amis ». Et effectivement, la dernière vidéo de leur fille qu'ils ont reçue, et qu'ils m'ont montrée sur leur téléphone, c'était leur fille, assise sur une chaise, la jambe dans le plâtre, qui dansait avec le sourire avec ses amis autour d'elle. Et puis les terroristes sont arrivés. Ses amis ont pu partir en courant. Elle avait la jambe dans le plâtre, elle n'a pas pu partir. Elle s'est réfugiée derrière un véhicule que les terroristes du Hamas ont fait exploser. Et ses parents m'ont dit que pour les obsèques de leur fille, ils n'avaient pu enterrer en tout et pour tout que deux dents, c'est tout ce qu'ils avaient retrouvé de leur fille.

Mesdames et Messieurs, quand on entend de tels témoignages, je le dis, on a du mal à entendre les leçons de morale de certains qu'on entend, bien au chaud, expliquer à la société israélienne qu'ils sur-réagissent. On a du mal à entendre les leçons de morale à un peuple qui a souffert une telle atrocité jusque dans sa chair. Et je le dis, devant la dignité de cette famille, devant la dignité des victimes, j'ai souvent eu honte ces derniers temps. Honte en entendant certains, toujours les mêmes, jusqu'à l'Assemblée nationale, trouver des excuses et relativiser le drame. Honte en écoutant certains élus de La France insoumise parler de mouvement de résistance. Honte en voyant le leader de La France insoumise agiter les haines, commettre les sous-entendus les plus indignes. Oui, oui, il devrait avoir honte de n'avoir jamais un mot pour les victimes du 7 octobre. Honte de toujours éluder ce drame. Honte de souffler sur des braises dont le passé nous a montré où elles menaient.

Sous l'autorité du président de la République, avec mon Gouvernement, nous nous battons pour la paix dans la région, nous nous battons sans relâche pour éviter l'escalade. Mais je le dis aux représentants de La France insoumise jamais la paix n'est passée par la haine. Bien sûr, les propos de La France insoumise, nous y sommes habitués. Et je le dis aussi, j'aimerais que les condamnations que l'on entend aujourd'hui dans ces propos soient permanentes et perpétuelles. Parce que nous le savons, ces propos avaient déjà été tenus il y a quelques années et seront malheureusement probablement encore tenus dans les années à venir, quand l'émotion peut-être sera retombée.

Mesdames et Messieurs, dans cette période, ne nous laissons pas non plus berner par le cynisme absolu de ceux qui disent soutenir les Français juifs par réflexe anti-musulmans, de ceux qui pensent que les Français juifs sont mus par la haine et qu'il y aurait donc un intérêt électoral à attiser une forme de haine anti-musulmans. C'est profondément méprisant pour les juifs. Ne nous laissons pas avoir par leurs postures, leur cynisme, car il ne faut pas gratter beaucoup pour voir poindre la réalité. Je pourrais rappeler le poids de l'histoire. Je ne le ferai pas parce que le présent se suffit encore à lui-même. Parce que le présent, c'est un député du Rassemblement national qui tenait jadis une librairie négationniste, baptisée en hommage à un livre de Charles MAURRAS. Ce député siège aujourd'hui dans le groupe du Rassemblement national à l'Assemblée nationale. Parce que le présent, c'est aussi l'état-major de ce parti qui a besoin de plusieurs jours pour trancher la question de savoir si Jean-Marie LE PEN était ou non antisémite. La ficelle est un peu grosse, personne ne se laissera tromper.

[Applaudissements]

Le combat contre la haine est trop grave, trop important, trop puissant. Car, Mesdames et Messieurs, depuis le 7 octobre, c'est bien une explosion de haine à laquelle nous assistons. Monsieur le Président, cher Yonathan ARFI, vous avez rappelé quelques faits édifiants. Cette vague d'antisémitisme n'a pas attendue, pas quelques jours, pas quelques heures. La haine antisémite a commencé à se déchaîner immédiatement le jour même du 7 octobre. Et entre l'attaque du 7 octobre et la fin de l'année 2023, plus de 1 200 actes antisémites ont été signalés. En seulement 3 mois, c'est 3 fois plus que sur toute l'année 2022. Aujourd'hui, cette vague ne s'arrête pas, elle continue à déferler. Sur les 3 premiers mois de l'année 2024, en janvier, février, mars, on a déjà relevé 366 faits antisémites. 366, c'est plus de quatre actes antisémites par jour, c'est une hausse de 300 % par rapport aux 3 premiers mois de l'année 2023. Personne ne peut nier cette déferlante antisémite. Personne ne peut nier le fait qu'on estime que les Français juifs représentent 1 % de la population française, mais que plus de 60 % des actes antireligieux sont des actes antisémites. Ces actes, c'est la parole antisémite qui se libère, qui se débride, ce sont des violences, ce sont des intimidations, ce sont des lettres d'injures, d'insultes, de menaces. Je sais le nombre de Français qui en sont victimes. Je sais combien des élus en sont aussi victimes et je veux leur dire leur soutien. Je le sais personnellement, car mon nom de famille, lui aussi, aiguise bien des haines. Derrière ces faits, il y a des traumatismes. Il y a des familles qui ont peur, des familles qui doutent de leur place dans la République. Chaque acte antisémite est une tâche sur le drapeau français. Alors, nous ne les tolérerons pas. Nous ne les tolérerons jamais. Charles PÉGUY écrivait qu'il n'y avait qu'une chose pire que les âmes perverses, c'était les âmes habituées. Nous ne nous habituerons jamais à la haine, nous ne cesserons jamais de la combattre.

Avec mon Gouvernement, nous sommes en première ligne, nous sommes mobilisés, nous ne laisserons rien faire sans réagir. Ma ligne, elle se résume en quatre mots : réaction immédiate, fermeté absolue. Derrière l'horreur des chiffres de l'antisémitisme, il y a peut-être pire encore, c'est ce qu'il signifie. Un antisémitisme qui se répand et qui se banalise. Un poison de la haine qui se déverse dans notre société. Un poison surtout qui intervient de plus en plus jeune. Ministre de l'Éducation nationale, on m'a parfois parlé d'élèves de CE1 qui proféraient des insultes antisémites. Alors, nous mènerons la bataille de l'éducation et j'en suis convaincu, nous la gagnerons. On nous avait dit qu'il était impossible d'attaquer le mal à la racine, que les risques étaient trop grands, qu'il valait mieux que certains chapitres de l'histoire ne soient plus enseignés dans les salles de classe, qu'il fallait se taire et attendre. Il n'en est pas question ! On nous avait dit qu'on ne pourrait rien faire pour combattre l'antisémitisme chez les plus jeunes. Je crois profondément le contraire. Comme ministre de l'Éducation nationale, j'ai affirmé que dès l'école primaire, on doit apprendre la tolérance, la bienveillance, le respect de la différence. Je le crois fermement, c'est un des apprentissages fondamentaux de l'école ; un apprentissage fondamental pour tout futur citoyen. Certains ont appelé ça les cours d'empathie. Cela me convient, je l'assume. Je les ai instaurés comme ministre. 1 500 écoles primaires les mènent déjà et dès la rentrée prochaine, ces cours d'apprentissage du respect de l'autre et de la tolérance seront au programme dans toutes les écoles primaires de France.

[Applaudissements]

On nous avait dit que le « pas de vague » était trop ancré et qu'il valait mieux chercher un autre cheval de bataille. Il n'en était pas question. Dès 2017, nous avons affirmé des principes clairs et nous les faisons respecter. Nous avons mis en place des équipes dédiées à la défense des valeurs de la République dans chaque académie pour pouvoir intervenir et aider les enseignants et les équipes des établissements au moindre fait. J'ai annoncé, il y a quelques semaines, ma décision de les renforcer encore. Nous sommes intransigeants face à toutes les tentatives d'entrisme de l'islamisme à l'école. Ces tentatives et ces coups de boutoir qui, en réalité, cherchent à faire une démonstration que la République recule, pour d'ailleurs pouvoir justifier toutes les insultes, toutes les injures et toutes les atrocités. Comme ministre de l'Éducation nationale, ma main n'a pas tremblé pour faire respecter la loi de 2004 et interdire le port de l'abaya et du qamis à l'école de la République

[Applaudissements]

J'avais alors annoncé la tolérance zéro pour tous ceux qui perturberaient les hommages à Dominique BERNARD et à Samuel PATY. Nous avons été au rendez-vous. Il y a eu autant de saisine de la justice que de perturbation de ces temps d'hommage et de commémoration et, je le dis, ce sera désormais la règle : à chaque perturbation d'un temps d'hommage et de commémoration, il y aura saisine de la justice par l'école de la République.

[Applaudissements]

Que les choses soient claires : en classe, seules les lois de la République comptent. En classe, toutes les pages de l'histoire doivent pouvoir être enseignées. Je veux le dire à tous les professeurs qui se démènent, qui veulent faire leur métier, qui incarnent notre République au quotidien. Je veux leur dire, je sais que c'est difficile. Nous sommes avec vous. Nous ne vous lâcherons jamais et nous irons toujours plus loin pour lutter contre l'antisémitisme et la haine à l'école.

Mesdames et Messieurs, on nous avait dit aussi que la mémoire était condamnée à s'éteindre. Ça non plus, nous ne l'acceptons pas. Alors, nous continuons à perpétuer, dès la jeunesse, avec force, le devoir de mémoire parce que l'ignorance est la cause de beaucoup de nos maux. Continuer à faire connaître, à faire savoir, à prolonger l'œuvre essentielle de ceux qui sont revenus, c'est notre combat commun. Et c'est pourquoi nous avons décidé que chaque élève français devra visiter un lieu de mémoire au moins une fois dans sa scolarité. C'était une décision de ma prédécesseure, Élisabeth BORNE, et je veux lui rendre hommage. On nous avait dit également qu'il ne servait à rien de lutter contre certains mouvements dans la jeunesse, qu'il fallait mieux laisser faire à l'université. Ça non plus, je n'en crois pas un mot. Depuis quelques semaines, aux États-Unis notamment, des débordements graves ont lieu sur des campus universitaires, parfois à coups de slogans ouvertement antisémites. Ces mouvements, certains, en France, revendiquent de s'en inspirer, manipulés là aussi par La France insoumise qui tire les ficelles de ces manifestations. Ces mouvements se sont multipliés dans nos universités, dans nos écoles et avec eux les blocages qui empêchent les étudiants qui le souhaitent de travailler. Depuis le début, j'ai demandé une fermeté exemplaire et j'ai joint la parole aux actes. Je suis allé à Sciences Po pour dénoncer les actes d'une minorité agissante. J'ai rappelé une phrase que chacun connaît : « Le poisson pourri toujours par la tête ». Et je le redis ici, une école comme Sciences Po a un devoir d'exemplarité s'agissant du respect des valeurs de la République et de la tolérance. Avec le ministre de l'Intérieur, j'ai systématiquement demandé l'intervention des forces de l'ordre pour libérer les abords de nos universités. Je l'ai fait sans hésiter, partout, dès que les mouvements prenaient place. Et je le dis ici, je suis fier que, en France, contrairement à l'étranger, aucune de ces manifestations de haine ne soient devenues des points de fixation pendant de longs jours, de longues semaines et même de longs mois. Ils sont évacués à chaque fois qu'ils sont installés. C'est le cas en France et cela continuera à l'être. Il n'y aura jamais de droit au blocage.Nous n'accepterons jamais qu'une minorité manipulée prétende faire la loi. Personne ne doit empêcher les autres de travailler, d'étudier, de réviser. Et nous serons extrêmement attentifs à ce que toutes les sanctions soient prises dans le long terme.

[Applaudissements]

Mesdames et Messieurs, il y a bien sûr la bataille de l'éducation, c'est la mère des batailles. Et vous le savez, elle me tient à cœur, mais elle n'est pas la seule et nous agissons sur tous les fronts. Nous sommes mobilisés à tous les instants. Les Assises de l'antisémitisme menées par la ministre Aurore BERGÉ en sont encore la preuve. Nous agissons, nous agissons sans compter pour montrer que l'antisémitisme n'est pas une fatalité et que la peur n'est pas une fatalité. Ma première volonté, c'est de protéger, protéger les Français juifs, les juifs en France, et permettre à chacun d'exercer sa religion en toute liberté. Alors, avec le ministre de l'Intérieur, nous mobilisons des patrouilles de forces de l'ordre devant 850 synagogues, lieux de culte et écoles. Nous donnons les moyens de renforcer la protection des synagogues avec 6 millions d'euros de financement l'année dernière, des financements en augmentation. Et je m'étais personnellement investi dès le lendemain du 7 octobre comme ministre de l'Éducation nationale pour renforcer la protection des écoles juives. Ensuite, pour répondre au mal, il faut être capable de le nommer. On nous avait dit que les antisémites avaient toujours un temps d'avance, qu'ils jouaient avec le langage pour rester du bon côté de la loi. Cela ne pouvait pas durer. Certains, et ils sont de plus en plus nombreux, prennent l'antisionisme comme prétexte à toute leur dérive. C'est vrai, les antisémites ont toujours eu l'imagination fertile pour tenter de justifier leur haine. Mais ils ne trompent personne. Et on n'est plus dans la critique d'un Gouvernement et de sa politique quand on nie l'existence d'un État tout entier. Ce n'est plus un appel au cessez-le-feu quand on nie l'existence d'Israël en tant qu'État, quand on prétend que tous les Israéliens penseraient la même chose et qu'aucun débat n'existe en Israël. Ce n'est plus un appel à la paix quand on tient nos concitoyens juifs pour responsables de la situation à Gaza.

[Applaudissements]

Alors, pour contrer tous ceux qui tentent de jouer sur les mots, nous avons agi. Et je suis fier qu'à la demande du président de la République, nous ayons adopté en 2019 la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de la Shoah.

[Applaudissements]

On nous avait dit que le problème, c'était l'impunité, il n'en était pas question. Agir contre l'antisémitisme, c'est également faire preuve d'une fermeté exemplaire à chaque acte. C'est le sens de l'engagement de nos policiers et gendarmes, c'est le sens de la circulaire très claire prise par le ministre de la Justice, Éric DUPOND-MORETTI, 3 jours seulement après le 7 octobre, pour demander une réponse pénale ferme et rapide face à l'antisémitisme et à l'apologie du terrorisme. Pas un acte ne doit rester impuni, pas un antisémite ne doit avoir l'âme tranquille en République. Alors les enquêtes sont menées et les condamnations arrivent. Je prends un exemple. En mars, un homme d'une soixantaine d'années avait été agressé à la sortie d'une synagogue dans le 20ème arrondissement de Paris. Son agresseur a été interpellé et jugé dès le mois dernier. Il a été condamné à une peine ferme, 3 ans d'emprisonnement, et aujourd'hui, il dort en prison.

[Applaudissements]

Lutter contre l'impunité, c'est aussi donner des sanctions immédiates. C'est une de vos revendications, vous l'avez rappelée dans votre discours, et je la partage. L'idée d'une amende civile a été évoquée pour une réaction immédiate aux actes antisémites. Un groupe de travail a été lancé sur le sujet et je suivrai ses conclusions avec la plus grande attention. Je sais également que vous demandez la transparence ; la transparence sur les actes et sur les plaintes, bien sûr, mais aussi la transparence pour les sanctions. Et je vous rejoins dans cette aspiration. Parce qu'il n'y a qu'en démontrant et qu'en rappelant qu'il y a des sanctions claires et des sanctions fermes que nous ferons reculer les auteurs de ces actes antisémites. Aujourd'hui, il n'est pas possible de connaître précisément, en termes statistiques, le nombre et les condamnations pour des actes commis en raison de la religion. Vous le savez, j'ai toujours été un partisan de la transparence. C'est elle qui nous permet d'avancer. Alors, comme vous, je veux faire la vérité sur les chiffres. Aussi, je vous annonce que j'ai demandé au ministre de la Justice, Éric DUPOND-MORETTI, de trouver les moyens de mettre en œuvre un recensement de ces cas et de ces condamnations partout en France. C'était une de vos demandes, nous la mettrons en œuvre.

[Applaudissements]

On nous avait dit aussi qu'on trouverait toujours des prétextes, que notre droit n'était pas adapté. Alors, nous le renforçons et nous le modifions. Au procès de l'assassin de Sarah HALIMI, j'avais moi-même affirmé que la drogue ne devait jamais être un permis de tuer. Depuis, nous avons revu notre droit pour que jamais de tels drames ne puissent rester impunis. On nous avait dit que les antisémites arriveraient toujours à se démultiplier en ligne, leur contenu à pulluler, et qu'il était impossible de les arrêter derrière leurs écrans. Ça non plus, depuis 2017, nous ne l'acceptons pas. Alors, nous agissons contre la haine et l'antisémitisme en ligne. Nous le savons tous, les réseaux sociaux sont le refuge commode des antisémites anonymes. Nous ne les laisserons jamais se planquer derrière leurs écrans. Les signalements sont faits, les contenus retirés et les enquêtes menées, notamment grâce à la plateforme Pharos, dont nous avons augmenté de 50 % le nombre d'enquêteurs en 5 ans. Cette plateforme est essentielle. Je sais que vous demandez son renforcement, et je vous le dis, je vous l'annonce. Ce renforcement, je le soutiens. Je souhaite que Pharos permette notamment de faire disparaître beaucoup plus rapidement et facilement les contenus haineux. C'est un travail que nous mènerons, notamment au niveau européen. Nous avons déjà réussi à faire plier les géants du numérique pour le retrait des contenus terroristes, nous mettrons toutes nos forces dans la bataille pour obtenir la même chose pour les contenus antisémites et racistes. Comme vous avez dit enfin que l'entrisme islamiste était trop grand, trop difficile à vaincre, là encore nous ne l'accepterons jamais. Agir contre l'antisémitisme, c'est s'attaquer frontalement à l'islamisme et au séparatisme. Je ne suis pas du genre à détourner le regard, pas du genre à renoncer à employer les mots justes. Alors je le dis, oui, l'islamisme est un péril grave pour notre république et c'est un des visages les plus dangereux, les plus destructeurs de l'antisémitisme. Alors partout, partout, nous luttons contre son entrisme avec une stratégie de lutte contre le séparatisme islamiste qui nous a déjà permis de fermer des mosquées radicales, de dissoudre des associations, d'expulser des imams qui prêchent la haine. Notre main n'a jamais tremblé. Et l'expulsion de l'imam MAHJOUBI dans le Gard, il y a quelques semaines, notamment pour ses propos antisémites, en a été une preuve supplémentaire.

Mesdames et Messieurs, oui, la situation est grave. Oui, le monde tremble. Mais en m'adressant à vous, je le dis, j'ai toujours espoir. J'ai espoir parce que je le sais, nous serons intraitables. J'ai espoir parce que notre détermination et notre action finira par payer. J'ai espoir parce que la République l'emporte toujours. Oui, citoyens de plein droit de notre pays, les Français juifs ont pleinement embrassé la République qui les a toujours défendus et protégés. On dit souvent que la République protège les juifs, et c'est vrai. Mais je veux rappeler autre chose et le réaffirmer ici, les juifs protègent la République. La République, c'est Jean ZAY, Léon BLUM, Pierre MENDÈS-FRANCE, Robert BADINTER, des noms qui résonnent encore et sont synonymes de conquêtes, de droits, d'éducation, de libertés nouvelles. La République, c'est Georges MANDEL, René CASSIN, Georges LOINGER, autant de visages de la liberté et de la Résistance, et avec eux tant de femmes et d'hommes qui ont risqué leur vie pour notre pays et nos valeurs. Le CRIF, fondé il y a 80 ans à partir du Comité général de défense juive, en est lui-même l'héritier, Monsieur le président, de cet esprit de résistance. La République, c'est Simone VEIL, tout à la fois figure de la liberté, du courage et de notre destin européen. La République, c'est aussi celle pour laquelle les Français juifs prient chaque semaine aux offices religieux. Je le crois fermement, l'âme de la République, l'âme de la France est incomplète sans les Français juifs. La liberté ne peut se penser sans Raymond ARON. Chacun retrouve un peu de ce qu'est l'amour maternelle dans les pages de Romain GARY. Les portraits du quotidien, la joie simple des retrouvailles comme la rudesse des mouvements sociaux ont été immortalisés par les clichés de Willy RONIS. Chacun se souvient d'un air ou de quelques vers de Barbara et du plafond de l'opéra Garnier duquel Marc CHAGALL veille sur nos arts. Chaque jour, dans tous les domaines, les Français juifs travaillent pour notre pays, le font rayonner, ils font vivre notre république et ils la protègent sous toutes ses facettes. Et pour les défendre, pour faire entendre leur voix, vous êtes des lanceurs d'alerte et des vigies. Je sais, cher Jonathan ARFI, je sais que nous pouvons compter sur le CRIF. Et au moment de dire ces mots, je veux avoir à mon tour une pensée pour Gilles TAYEB, figure du courage, de l'engagement, du dialogue interreligieux. C'était un ami, il nous a quittés il y a quelques semaines, et je ne l'oublierai jamais.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, la République, c'est ce que nous avons de plus précieux. C'est la liberté, celle de croire ou de ne pas croire, celle de penser, d'agir, de créer, celle de dire, celle de faire. La République, c'est l'égalité, l'égalité qui nous rassemble, qui nous protège, l'égalité qui fait de nous des citoyens à part entière, face à la loi, devant la loi. La République, c'est la fraternité, celle qui nous rassemble, celle qui fait que la France, ce pays où il fait bon vivre ensemble, ce pays où chacun peut trouver et prendre sa place. Oui, nous croyons dans cette fraternité et dans cette concorde. Défendre les Français juifs, c'est défendre la République toute entière et continuer à la bâtir, la consolider. C'est aussi défendre notre unité, permettre à notre pays de continuer à grandir, à innover, à inventer parce que chacun y trouve sa place, parce que pas une Française, pas un Français ne doit se sentir menacé en raison de ce qu'il croit, en raison de ce qu'il est. Cette unité, nous allons continuer à la fortifier ensemble.

Cette République, nous allons continuer à la faire croître ensemble. C'est notre engagement, c'est notre serment commun, et nous ne renoncerons jamais. Vive la République et vive la France !