Amnesty International France

05/16/2024 | Press release | Distributed by Public on 05/16/2024 02:43

Thaïlande. Avec le soutien de l’État, la violence numérique réduit au silence les femmes et les personnes LGBTI militantes

Amnesty International a constaté que la violence numérique avait eu un effet dissuasif sur de nombreuses femmes et personnes LGBTI militantes, qui ont commencé à s'autocensurer et, dans certains cas, ont mis totalement fin à leur travail de défense des droits humains. Cette violence a également eu de graves répercussions sur la santé mentale de certain·e·s militant·e·s, qui ont subi des épisodes paranoïaques et dépressifs et des syndromes de stress post-traumatique.

« Nous utilisons des outils numériques […] pour communiquer entre nous. Cependant, nous ne publions aucune information sur nos activités sur les réseaux sociaux. C'est trop dangereux », a expliqué une personne militante et étudiante musulmane d'ethnie malaise venant de la province de Pattani et ne se conformant pas aux normes de genre.

À l'échelle mondiale, plus de la moitié des femmes et des filles auraient été agressées et harcelées en ligne. Celles qui sont encore plus marginalisées du fait de leur orientation sexuelle et identité et expression de genre et de leurs caractéristiques sexuelles sont touchées de manière disproportionnée par ce phénomène.

« Les outils numériques sont essentiels aux femmes, aux filles et aux personnes LGBTI de Thaïlande et du monde entier, dans la mesure où ils leur permettent de s'exprimer, de militer et de défendre la justice de genre plus facilement. Mais la violence fondée sur le genre facilitée par la technologie rend les espaces numériques dangereux pour ces personnes, les empêchant de s'exprimer pleinement en faveur des droits humains », a expliqué Shreshtha Das, conseillère et chercheuse d'Amnesty International chargée des questions de genre.

Le gouvernement thaïlandais a nié toute implication dans la surveillance numérique ciblée et le harcèlement en ligne des femmes et des personnes LGBTI militantes, mais il n'a manifesté aucune volonté d'enquêter sur les affaires mises en évidence par les recherches.

En ne prenant pas de mesures significatives pour protéger les militant·e·s, le gouvernement ne s'est pas acquitté de ses obligations aux termes des traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels la Thaïlande est partie, notamment celles de garantir les droits de ne pas subir de violences liées au genre, ainsi que les droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association, à la vie privée et à un recours effectif.

« Le gouvernement thaïlandais doit s'engager publiquement à ne pas avoir recours à la surveillance numérique ciblée et au harcèlement en ligne, et à en protéger les militant·e·s. Il doit aussi enquêter sur tous les cas de violence fondée sur le genre facilitée par la technologie à l'égard des femmes et des personnes LGBTI militantes et fournir des voies de recours utiles aux personnes qui ont été ciblées », a affirmé Chanatip Tatiyakaroonwong.

Amnesty International demande également à la Thaïlande d'interdire les logiciels espions hautement intrusifs et de mettre en place des systèmes réglementaires respectueux des droits humains pour les autres types de logiciels espions. En attendant, le pays doit adopter un moratoire mondial sur la vente, l'utilisation, l'exportation, le transfert et le support d'autres formes de logiciels espions.

NSO Group a également manqué à ses devoirs en matière des droits humains au titre des normes juridiques internationales.

Amnesty International a écrit à NSO Group et à ses entités affiliées pour leur demander des renseignements sur la vente du logiciel Pegasus, utilisé pour cibler neuf des 40 personnes interrogées. Aucune des entreprises contactées n'a répondu.

NSO Group doit cesser toute production, vente, transfert, utilisation et support de Pegasus ou autres logiciels espions hautement invasifs. L'entreprise doit également accorder des réparations appropriées aux victimes de surveillance ciblée illégale au moyen de Pegasus en Thaïlande.

« La Thaïlande ne sera jamais le sanctuaire de l'égalité des genres qu'elle prétend souvent être tant que le gouvernement et les entreprises privées concernées n'agiront pas pour mettre immédiatement fin à la violence fondée sur le genre facilitée par la technologie », a affirmé Chanatip Tatiyakaroonwong.

Complément d'information :

Ce rapport fait partie de la campagne phare mondiale d'Amnesty International Protégeons les manifs, s'appuyant sur le travail existant de l'organisation sur le droit de manifester en Thaïlande, ainsi que sur son travail sur les liens entre le genre et la technologie.

Il avait déjà été établi dans un rapport de l'ONG thaïlandaise iLaw, de Digital Reach et The Citizen Lab que les téléphones de 35 personnes avaient été infectés par Pegasus entre 2020 et 2021. Le Security Lab d'Amnesty International a mené une analyse indépendante pour cinq d'entre elles.

D'autres recherches sur la violence fondée sur le genre facilitée par la technologie sont également menées en Ouganda et au Canada dans le cadre de la campagne Make It Safe Online et seront rendues publiques dans les prochains mois.



Manun Wongmasoh est une militante transgenre travaillant pour la protection des personnes LGBTI musulmanes en Thaïlande.

Ils ont dit que je devais mourir si je ne pouvais pas arrêter d'être trans.