Artefact SA

01/30/2023 | News release | Distributed by Public on 01/31/2023 04:11

ChatGPT va-t-il remplacer Google ?

Auteur

Olivier Perbet

Head of SEO, Artefact France

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Début décembre 2022, le grand public a découvert ChatGPT. Une idée s'est répandue : peut-il remplacer Google comme moteur de recherche ?

Début décembre 2022, le grand public a découvert ChatGPT - une interface simplifiée pour interroger OpenAI. Les semaines suivantes ont été un défrèlement d'exemples amusants, d'applications professionnelles astucieuses mais aussi de sentences expéditives sans nuances ni débat. Une de ces annonces est le remplacement de Google par ChatGPT.

Chacun voit midi à sa porte pour son usage personnel et professionnel, mais comme l'expérience nous l'a montré, quand on annonce un basculement radical d'un usage quotidien par le grand public, on est plus souvent dans l'emballement que dans l'analyse.

ChatGPT peut-il assurer les fonctions d'un moteur de recherche comme Google, et ainsi le remplacer dans les usages quotidiens du grand public ? Doit-on s'attendre à intégrer ChatGPT dans sa stratégie média pour pouvoir s'adresser à nos audiences ?

Revenons sur ce qu'est un moteur de recherche

C'est avant tout un outil du quotidien pour l'essentiel du grand public. L'usage d'internet est mature depuis bien 15 ans. Les nouveautés structurantes sont principalement apparues du côté des réseaux sociaux, apportant des usages vraiment inédits. Un moteur de recherche répond au même usage qu'à son origine : apporter des résultats à une requête d'un internaute.

Pour l'occasion, nous pouvons citer la réponse claire et précise de ChatGPT, à quelques paraphrases près : Un moteur de recherche est un logiciel qui parcourt l'Internet à la recherche de pages Web, de documents et d'autres contenus en ligne en réponse à des requêtes de recherche entrées par les utilisateurs. Si on le résume en trois phases principales :

  • Exploration et Indexation : il parcourt le web et indexe le contenu des pages, ce qui lui permet de les trouver rapidement lorsqu'une recherche est effectuée.

  • Algorithme de classement : le moteur de recherche utilise un algorithme pour déterminer l'ordre dans lequel les résultats de recherche sont affichés. Cet algorithme prend en compte plusieurs facteurs, tels que la pertinence, la qualité et la popularité des pages Web.

  • Résultats de recherche : sous forme de liste de liens vers des pages Web, ainsi que de courts extraits de ces pages.

Si l'on confronte les caractéristiques d'un moteur à ChatGPT

Pour commencer, son index a été construit à partir de sources noumbreuses et variées (articles, romans, scripts de films, conversations en ligne et pages web). Il a le défaut de s'arrêter en 2021, et a requis un travail conséquent de validation humaine par des modérateurs de contenu. La mission de Google est d'indexer le web, en s'efforçant d'être le plus à jour possible pour traiter les 15% de requêtes inédites chaque jour.

On ignore sur quels critères ChatGPT il classe ses résultats lorsqu'on lui demande une liste ("Quels sont les meilleurs services de streaming musicaux ?"). La pertinence des résultats est donc obscure pour l'internaute, et les classements impossibles à travailler pour une marque, comme elle le ferait en SEO sur les moteurs de recherche.

Ensuite, le point le plus bloquant est l'interface. Un moteur de recherche est au service de ses utilisateurs. Son ergonomie est le résultat de décennies de recherches et d'ajustements constants. ChatGPT propose une interface équivalente à un chatbot - l'outil est avant tout une démonstration d'une technologie de traitement du langage, capable de comprendre des requêtes complexes et précises et de répondre d'une manière conversationnelle.

Enfin, Les résultats en soi sont un problème : l'outil génère sa propre réponse. Il ne cite pas ses sources, comment des erreurs, transmet des imprécisions. C'est un point de vue unique. Google se risque à devenir un moteur de réponses, mais sous contrôle de son algorithme de classement. Les Positions 0 de Google sont des extraits de la page web jugée la plus pertinente, et l'internaute a ensuite le choix entre les différentes pages web des résultats naturels.

L'internaute est-il prêt à échanger Google contre ChatGPT ?

La concurrence ne peut se faire que sur une portion du service que rend un moteur de recherche. Seules les requêtes informationnelles sont adressées correctement par ChatGPT, des requêtes transactionnelles sont par nature hors de propos. On est donc sur un pourcentage de requêtes très limité par rapport à l'usage courant de Google.

Malgré la qualité perçue de la réponse de ChatGPT, le public est habitué à consulter des pages web pour trouver une information. Des environnements familiers à l'UX travaillée.

Il y a eu pléthore de moteurs de recherche alternatifs depuis 10 ans, chacun avec leurs spécificités (confidentialité, recherche universelle, démagogie, métamoteurs…) mais aucun n'a résisté au jugement du grand public. Hormis Bing, moteur par défaut sur de nombreux postes de travail, aucun moteur ne dépasse les 1% de part de marché. Malgré les ambitions pompeuses de briser le monopole des géants du web en réinventant le modèle des moteurs de recherche, c'est bien les internautes qui décident si la légitimité d'un acteur dominant doit être remise en question à travers leurs usages.

Des synergies plutôt qu'un remplacement ?

On a vu fleurir des projections sur ce que pourrait être "le futur de Google", avec une intégration de ChatGPT. En effet, ajouter une extension Chrome permet d'accéder à l'outil au sein de ses résutats de recherche pour les compléter. Plus officiellement, Bing a annoncé vouloir intégrer ChatGPT à son moteur, afin de fournir des réponses plus conversationnelles aux internautes. Au-delà de l'effet d'annonce pour se rappeler au bon souvenir du marché, Microsoft est un des investisseurs principaux d'OpenAI à hauteur d'1 milliard de dollars. Les avancées des technologies GPT-3, 3.5 et bientôt 4 lui sont en partie réservées, et progressivement intégrées dans la variété de ses produits. Un Bing amélioré par ChatGPT est donc crédible.

Pour des usages professionnels, la technologie d'OpenAI n'est pas nouvelle. Ses avancées et son interface exploitant des algorithmes d'IA en constante progression (GPT-2, GPT-3, Vinci) sont connus, exploités et enrichis par des secteurs comme la rédaction web et le développement, avec des succès variables.

Mais pour le grand public et ses habitudes sur les moteurs de recherche, le changement n'est pas pour maintenant. ChatGPT reste un outil, limité en bande passante et sans doute payant à terme. Annoncer une révolution fait partie du jeu pour le PDG d'OpenAI, fier d'avoir atteint le million d'utilisateurs en 5 jours, mais est un réel manque de discernement de la part des médias.

Toutes les révolutions ne sont pas nécessairement un progrès, détruire l'existant patiemment construit par une nouveauté amusante sur le moment ne rendrait pas service à l'internaute. Comme pour les cryptomonnaies, le web3 et ses variantes, ceux qui appellent de leur vœux une alternative à tout modèle dominant y ont quelque chose à y gagner. Préférons l'évolution à la révolution, et adaptons les stratégies Search à la première plutôt que de souhaiter la seconde.