University of Bern

05/08/2024 | Press release | Distributed by Public on 05/08/2024 09:11

Indices d'une possible atmosphère autour d'une exoplanète rocheuse

55 Cancri e est l'une des cinq planètes connues orbitant autour d'une étoile semblable au Soleil dans la constellation du Cancer. D'un diamètre presque deux fois supérieur à celui de la Terre et une densité légèrement supérieure, la planète est une super-Terre : plus grande que la Terre, plus petite que Neptune, avec une composition semblable aux planètes rocheuses de notre système solaire.

Brice-Olivier Demory, du Center for Space and Habitability (CSH - Centre pour l'Espace et l'Habitabilité) de l'Université de Berne et membre du PRN PlanetS est coauteur de l'étude publiée aujourd'hui dans Nature. Il déclare : « 55 Cancri e est l'une des exoplanètes les plus énigmatiques. Malgré dix ans d'observations avec une douzaine d'installations terrestres et spatiales, sa nature est restée énigmatique jusqu'à aujourd'hui, où les pièces du puzzle s'assemblent grâce au télescope spatial James Webb (JWST) ». De manière inattendue, ces observations montrent qu'une planète rocheuse chaude et fortement irradiée pourrait avoir une atmosphère gazeuse. Ce résultat laisse présager que JWST serait capable de caractériser des planètes rocheuses plus froides - potentiellement habitables - en orbite autour d'étoiles semblables au Soleil. Renyu Hu, du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la NASA, dirige l'équipe qui publie ses résultats dans la revue Nature. « JWST repousse vraiment les frontières de la caractérisation des exoplanètes vers les exoplanètes rocheuses », déclare Hu. « Il permet véritablement un nouveau type de science. »

Le télescope spatial bernois CHEOPS à l'origine d'importantes découvertes

Demory a été invité à participer au programme de recherche par Hu, l'un de ses collègues lorsqu'il travaillait au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Demory étudie 55 Cancri e depuis le début de sa carrière : « En tant que postdoc au MIT, j'ai dirigé la découverte du premier transit de 55 Cancri e et, en 2016, mon équipe a publié la première carte d'une exoplanète rocheuse : 55 Cancri e ». Les résultats de 2016 laissaient déjà entrevoir la présence possible d'une atmosphère autour de 55 Cancri e. Pour l'étude actuelle, Demory a effectué une analyse indépendante de l'ensemble des données. Il explique : « Au cours des deux dernières années, le télescope spatial CHEOPS, développé et construit à l'université de Berne, a permis de résoudre plusieurs questions que les astrophysiciennes et astrophysiciens se posaient au sujet de 55 Cancri e. Le JWST a complété ces résultats en analysant les longueurs d'onde infrarouges pouvant ainsi montrer que la super-Terre 55 Cancri e est entouré d'une atmosphère composée de monoxyde de carbone ou de dioxyde de carbone. »

Une super-Terre super chaude pourtant plus froide que prévu

Bien que la composition de 55 Cancri e soit similaire à celle des planètes rocheuses de notre système solaire, la qualifier de « rocheuse » peut induire en erreur. La planète orbite si près de son étoile (une orbite complète dure 18 heures, contre 365 jours pour la Terre) que sa surface devrait être fondue et former un océan de magma profond et bouillonnant. Avec une orbite aussi courte, la planète est probablement en rotation et révolution synchrone, c'est-à-dire avec toujours le même côté éclairé par l'étoile et le même côté dans l'obscurité. « La planète est si chaude qu'une partie de la roche en fusion devrait s'évaporer », explique Hu.

Bien que JWST ne puisse pas capturer d'image directe de 55 Cancri e, il peut mesurer les subtiles variations de la lumière émise par le système lorsque la planète est en orbite autour de l'étoile. L'équipe a utilisé les caméras NIRCam (Near-Infrared Camera) et MIRI (Mid-Infrared Instrument) de JWST pour mesurer la lumière infrarouge provenant de la planète. En soustrayant la luminosité pendant l'éclipse secondaire (uniquement la lumière de l'étoile lorsque la planète est derrière elle), de la luminosité lorsque la planète est juste à côté de l'étoile (lumière de l'étoile et de la planète combinées), l'équipe a pu calculer la quantité de lumière infrarouge provenant du côté jour de la planète à différentes longueurs d'onde infrarouge.

La première indication que 55 Cancri e puisse être entourée d'une atmosphère significative vient des mesures de température basées sur son émission thermique, c'est-à-dire la chaleur dégagée sous forme de lumière infrarouge. Si la planète était recouverte de roches fondues sombres et d'un mince voile de roches vaporisées ou si elle n'avait aucune atmosphère, la température du côté jour devrait avoisiner les 2 200 degrés Celsius. « Au lieu de cela, les données MIRI ont montré une température relativement basse d'environ 1 500 degrés Celsius », déclare Hu. Cela indique clairement que l'énergie est distribuée du côté jour vers le côté nuit, très probablement par une atmosphère riche en matières volatiles. Si les courants de lave peuvent transporter une partie de la chaleur vers le côté nuit, ils ne peuvent pas le faire de manière suffisamment efficace pour expliquer l'effet de refroidissement. En fait, le côté jour semble plus froid de plusieurs centaines de degrés qu'il ne devrait l'être, même si la chaleur est répartie uniformément sur la planète. Cela est logique si une partie de la lumière infrarouge émise par la surface est absorbée par l'atmosphère et n'atteint jamais le télescope.

Océan de magma bouillonnant

L'équipe pense que les gaz qui recouvrent 55 Cancri e bouillonnent depuis l'intérieur. L'atmosphère primaire aurait disparu depuis longtemps en raison de la température élevée et du rayonnement intense de l'étoile. Il s'agirait donc d'une atmosphère secondaire continuellement renouvelée par l'océan de magma. Le magma n'est pas seulement constitué de cristaux et de roches liquides, il contient également beaucoup de gaz dissous.

Bien qu'elle soit beaucoup trop chaude pour être habitable, 55 Cancri e pourrait représenter une opportunité unique pour étudier les interactions entre les atmosphères, les surfaces et les intérieurs des planètes rocheuses, et peut-être fournir des informations sur les origines de la Terre, de Venus et de Mars, qui pourraient également avoir été recouvertes d'océans de magma. « In fine, nous voulons comprendre quelles sont les conditions qui permettent à une planète rocheuse de maintenir une atmosphère riche en gaz, l'ingrédient clé d'une planète habitable », conclu Hu.

Publication:

A Secondary Atmosphere on the Rocky Exoplanet 55 Cnc e by Renyu Hu and al. est publié dans Naturehttps://www.nature.com/articles/s41586-024-07432-x
DOI: 10.1038/s41586-024-07432-x

Le télescope spatial James Webb (JWST)

Le JWST est le plus important télescope d'observation spatiale jamais construit. JWST résout des énigmes de notre système solaire, observe des mondes lointains autour d'étoiles autres que le Soleil. Il explore les mystérieuses structures et l'origine de notre univers ainsi que la place que nous y occupons. JWST est un programme international dirigé par la NASA avec ses partenaires, l'ESA (Agence Spatiale Européenne) et l'Agence spatiale canadienne CSA. Des équipes de recherche de l'Université de Berne participent à différents programmes d'observation avec le JWST.

Recherche spatiale bernoise : parmi l'élite mondiale depuis le premier alunissage

Lorsque, le 21 juillet 1969, Buzz Aldrin était le deuxième homme à descendre du module lunaire, il a déroulé la voile du vent solaire de Berne et l'a plantée dans le sol lunaire avant même le drapeau américain. Cette expérience de composition du vent solaire (SWC - Solar Wind Composition Experiment), planifiée, construite et dont les résultats ont été évalués par le professeur Johannes Geiss et son équipe de l'Institut de physique de l'Université de Berne, a été le premier grand moment de l'histoire de la recherche spatiale bernoise.

Depuis, la recherche spatiale bernoise fait partie de l'élite mondiale : l'Université de Berne participe régulièrement à des missions spatiales des grandes agences spatiales comme l'ESA, la NASA ou la JAXA. Avec CHEOPS, l'Université de Berne partage la responsabilité d'une mission entière avec l'ESA. De plus, les équipes bernoises sont à la pointe de la recherche mondiale lorsqu'il s'agit par exemple de modèles et de simulations de formation et d'évolution des planètes.

Les travaux fructueux du Département de recherche en astrophysique et planétologie (RAP) de l'Institut de physique de l'Université de Berne ont été consolidés par la fondation d'un centre de compétence universitaire : le Center for Space and Habitability (CSH). Le Fonds national suisse a en outre accordé à l'Université de Berne le financement du pôle de recherche national (PRN) PlanetS, qu'elle dirige avec l'Université de Genève.