04/16/2024 | Press release | Distributed by Public on 04/17/2024 03:44
Le droit à l'information en Haïti doit occuper une place centrale dans les discussions de sortie de crise du pays, qui s'est intensifiée depuis plusieurs mois. Avec plus de 90 journalistes haïtiens, Reporters sans frontières (RSF) lance un appel à la communauté internationale et au nouveau conseil présidentiel de transition pour la protection des journalistes et des médias, afin que le pays ne devienne pas un désert de l'information.
Le 16 avril 2024, RSF et plus de 90 professionnels de l'information haïtiens, lancent un appel international pour la protection du journalisme en Haïti, pris en étau entre une vague de violence d'ampleur et une crise sociale, économique et politique qui s'est intensifiée depuis décembre 2023.
Cette crise impacte directement les journalistes : six professionnels de l'information ont été tués depuis 2022en raison de leur activité professionnelle. Les reporters sont également régulièrement victimes de menaces, d'attaques et d'enlèvements. Ces violences accrues sont commises en toute impunité, en l'absence d'un état de droit dans le pays. Et à mesure que le contrôle des gangs s'étend sur la capitale, Port-au-Prince, les journalistes se retrouvent confinés à quelques quartiers où ils peuvent encore exercer leur activité, non sans risque. Nombre d'entre eux ont dû se résigner à l'exil.
L'appel lancé à la communauté internationale et au conseil présidentiel de transition lancé le 12 avril dernier, est signé par plus de 90 journalistes haïtiens. La majorité des signataires sont basés à Port-au-Prince ou dans les villes alentour. Ils sont rattachés à certaines rédactions nationales, comme Le Nouvelliste, Haïti24et AlterPresse, d'autres sont indépendants. Ils travaillent pour la presse écrite, en ligne, la télévision, la radio. Nombre d'entre eux sont membres de l'Association des journalistes haïtiens (AJH). Ensemble, et avec RSF, ils tirent la sonnette d'alarme.
"Il est difficile d'imaginer un contexte plus complexe pour l'exercice du journalisme que celui que nous connaissons aujourd'hui en Haïti. Aux défis historiques auxquels la presse est confrontée dans le pays, s'ajoute l'impact d'une insécurité qui a atteint un niveau sans précédent ces derniers mois, avec des journalistes attaqués, kidnappés, empêchés de se déplacer en raison des actions des gangs, et se trouvant dans une situation de précarité économique généralisée. L'écosystème de l'information en Haïti est en danger dans son ensemble, alors même que l'information est une ressource plus essentielle que jamais pour rendre compte au monde de ce qui se passe dans le pays. Le journalisme doit occuper une place centrale dans les discussions sur la sortie de crise et figurer dans l'agenda de la coopération internationale.
Haïti fait face à une crise sans précédent. Depuis l'assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, le pays traverse une période d'instabilité politique extrême, d'insécurité généralisée. Le 12 avril dernier, un conseil de transition a officiellement été créé, un mois après l'annonce de la démission du Premier ministre Ariel Henry, avec pour mission de rétablir la sécurité dans le pays d'ici le 7 février 2026. Un nouveau Premier ministre devrait être nommé par ce conseil, dont les membres ne sont pas encore désignés, à qui reviendra la charge de constituer un gouvernement.
Lire l'intégralité de la lettre signée par RSF et lesjournalistes haïtiens :
Le monde doit savoir ce qui se passe en Haïti. Pour cela, Haïti a besoin d'un journalisme indépendant, fiable, pluriel, où les professionnels de l'information peuvent travailler en toute sécurité.
Or, le journalisme en Haïti est dans un état critique. Si les défis ne datent pas d'aujourd'hui, rarement dans l'histoire récente de notre pays, nous avons pu témoigner d'une telle dégradation des conditions de travail et de vie.
Nous, journalistes haïtiens, vivons dans une peur quotidienne d'être agressés, d'être kidnappés, d'être assassinés. Depuis 2022, au moins six de nos collègues ont été tués en raison de leur activité professionnelle. D'autres sont attaqués et blessés, pris en otage, lorsqu'ils couvrent des manifestations dans un contexte de conflits armés réguliers entre les différents gangs et les forces de l'ordre. Des exactions que nous journalistes subissons dans une impunité absolue, en l'absence d'un Etat de droit.
Nous, journalistes haïtiens, alertons sur le fait que des quartiers entiers de la capitale, Port-au-Prince, sont devenus inaccessibles. Ces territoires interdits en raison de leur contrôle par les groupes armés, deviennent de plus en plus nombreux.
Nous, journalistes, alertons aussi sur les conséquences structurelles de ce contexte d'insécurité généralisée : la dégradation des infrastructures, l'inaccessibilité à la formation, l'instabilité financière des rédactions, la précarisation des conditions matérielles nécessaires au travail des journalistes.
Les conditions de sécurité de notre travail se sont tellement détériorées que poursuivre notre mission devient un acte d'héroïsme quotidien. Face à ces risques d'ampleur, l'autocensure, l'abandon de la profession et l'exil sont des alternatives qui se présentent de plus en plus comme nos seules stratégies de survie.
Dans cette crise multidimensionnelle qui traverse notre pays, le journalisme et le droit à l'information sont pourtant essentiels. C'est pourquoi, nous lançons un appel à la communauté internationale, les agences de coopération, les organisations internationales et au Conseil présidentiel de transition, pour que le soutien aux journalistes et à l'écosystème médiatique occupe une place centrale dans les discussions de sortie de crise. Le monde doit savoir ce qui se passe en Haïti et Haïti a d'autant plus besoin de journalisme.
Signataires: