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04/24/2024 | Press release | Distributed by Public on 04/24/2024 11:59

Examen de l’Azerbaïdjan au Comité contre la torture : les allégations associées au conflit du Haut-Karabakh et les questions relatives aux conditions de détention et aux[...]

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par l'Azerbaïdjan au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et une délégation azerbaïdjanaise conduite par M. Samir Sharifov, Ministre adjoint aux affaires étrangères de la République d'Azerbaïdjan, un expert membre du Comité a fait état d'allégations s'agissant de l'existence, en Azerbaïdjan, d'un climat qui tolère la torture et les mauvais traitements. Ainsi, a précisé l'expert, selon certaines organisations non gouvernementales (ONG), si le Gouvernement s'est effectivement engagé à enquêter sur les allégations, la torture et les mauvais traitements resteraient répandus et les autorités rejetteraient régulièrement les plaintes, assurant ainsi l'impunité aux responsables.

S'agissant du conflit avec l'Arménie, le même expert a fait état de nombreuses allégations de mauvais traitements à l'encontre de prisonniers de guerre arméniens, y compris la décapitation en public de certains prisonniers. Il a demandé ce que le Gouvernement azerbaïdjanais avait fait pour enquêter sur ces cas, pour poursuivre les personnes responsables et pour s'attaquer au climat général d'intolérance ethnique qui peut servir de terreau à ce type de violence. Il a aussi voulu savoir si les prisonniers de guerre ou les détenus maltraités pouvaient demander des réparations au Gouvernement de l'Azerbaïdjan.

Le Comité est informé que la torture serait couramment utilisée pour contraindre les gens à signer des « dossiers de police » qui équivalent à des aveux, a poursuivi l'expert. Rappelant que, dans ses précédentes observations finales concernant l'Azerbaïdjan, le Comité avait exprimé sa vive inquiétude quant à l'incapacité [du pays], dans la pratique, d'accorder à toutes les personnes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur privation de liberté, l'expert a voulu savoir dans quelle mesure les justiciables ont [désormais] accès à un avocat en temps utile. Il a en outre fait état de lacunes dans l'accès des personnes privées de liberté à un examen médical indépendant. Il a par ailleurs indiqué que le Comité était également informé que les détenus ne sont pas en mesure, dans la pratique, d'informer les membres de leur famille ou d'autres personnes de leur choix dès le début de leur privation de liberté. De plus, des personnes seraient détenues au secret en Azerbaïdjan, s'est inquiété l'expert.

Une experte membre du Comité a pour sa part souligné que de nombreux rapports font état de mauvais traitements et de tortures infligés à des prisonniers de guerre pendant le conflit du Haut-Karabakh. Tout en saluant les travaux de reconstruction et de réparation effectués dans plusieurs lieux de détention, elle a en outre souligné le caractère problématique des conditions de détention dans plusieurs prisons, qui présentent des conditions matérielles déplorables. De plus, le surpeuplement carcéral entraîne la propagation de maladies infectieuses, a-t-elle ajouté. Elle a fait état de l'augmentation signalée du nombre de décès en détention depuis quatre ans.

L'expert a d'autre part fait observer que, selon les ONG, la grande majorité des plaintes pénales déposées contre des policiers, des personnels pénitentiaires et d'autres agents de l'État n'atteignent jamais la phase d'inculpation et ne sont donc jamais examinées par le tribunal compétent, ce qui crée un niveau élevé d'impunité.

La délégation azerbaïdjanaise a par ailleurs été priée de dire combien de prisonniers de guerre arméniens étaient encore détenus en Azerbaïdjan et si ces personnes bénéficiaient des protections associées aux conventions de Genève.

Présentant le rapport de son pays, M. Sharifov a notamment déclaré qu'après la deuxième guerre du Karabakh en 2020 et grâce aux mesures antiterroristes prises, qui ont permis de restaurer l'intégrité territoriale et la pleine souveraineté du pays, l'Azerbaïdjan était désormais en mesure de mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'ensemble du territoire national.

M. Sharifov a ensuite rendu compte des réformes législatives menées dans le système judiciaire et juridique pour l'humanisation de la justice pénale. Il a évoqué les modifications apportées en 2023 à la Loi sur le Conseil judiciaire et juridique, afin de garantir plus efficacement l'indépendance du pouvoir judiciaire, ainsi que les amendements apportés la même année la loi constitutionnelle sur le Commissaire aux droits de l'homme (Médiateur) afin de renforcer l'indépendance de cette institution.

En ce qui concerne les réformes du système pénitentiaire, M. Sharifov a indiqué que la législation était constamment améliorée afin de l'aligner sur les normes internationales et les meilleures pratiques. Outre les mesures législatives, a ajouté le Ministre adjoint, les réformes du système pénitentiaire comprennent la rénovation des anciens établissements pénitentiaires construits à l'époque soviétique, la construction de nouvelles prisons réservées aux femmes et la mise en place d'installations médicales pour améliorer les soins de santé mentale, la gestion des urgences et le traitement de la tuberculose en prison.

Le Gouvernement, a précisé M. Sharifov, garantit l'accès sans restriction de tous les observateurs ­pour surveiller les locaux de détention temporaire de la police ; pour la période allant de 2020 à 2023, les lieux de détention ont été contrôlés plus de 350 fois par divers observateurs, a-t-il indiqué. D'autre part, le Gouvernement accorde une attention particulière aux activités de formation et de sensibilisation aux droits de l'homme, considérées comme un pilier important de la prévention de la torture, a souligné M. Sharifov.

S'agissant du traitement des plaintes pour torture, le Ministre adjoint a notamment indiqué qu'en 2022-2023, dans 34 affaires pénales, les tribunaux ont annulé les décisions des organes d'enquête préliminaire qui demandaient de refuser l'ouverture d'une affaire pénale pour torture ou traitement inhumain ; les tribunaux ont renvoyé ces affaires pour réexamen par lesdits organes d'enquête.

Le Ministre adjoint a enfin rendu compte des mesures prises par les autorités pour lutter contre la violence domestique et contre la traite des êtres humains. Il a également fait état de l'adoption d'une Stratégie pour les enfants en Azerbaïdjan pour 2020-2030 et du Plan d'action y associé pour la période 2020-2025 - Plan qui a lancé le processus d'élaboration de la loi sur les droits de l'enfant, laquelle envisage des normes concernant les châtiments corporels infligés aux enfants.

La délégation azerbaïdjanaise était également composée, entre autres, de M. Galib Israfilov, Représentant permanent de l'Azerbaïdjan auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères des affaires étrangères, de la défense, de la justice, de l'intérieur, de la santé, et du travail et de la protection sociale de la population. La Cour suprême, les services de l'État chargés de la sécurité et des migrations, ainsi que le Comité d'État pour les statistiques et le Comité d'État pour les affaires de la famille, des femmes et des enfants étaient aussi représentés.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l'Azerbaïdjan et les rendra publiques à l'issue de sa session, le 10 mai prochain.

Le Comité tiendra demain matin une réunion avec la Présidente du Sous-Comité de prévention de la torture.

Examen du rapport

Le Comité est saisi du cinquième rapport périodique de l'Azerbaïdjan (CAT/C/AZE/5), établi sur la base d'une liste de points à traiter qui avait été soumise au pays par le Comité.

Présentation

Présentant le rapport de son pays, M. SAMIR SHARIFOV, Ministre adjoint des affaires étrangères de la République d'Azerbaïdjan, a notamment déclaré qu'après la deuxième guerre du Karabakh en 2020 et grâce aux mesures antiterroristes prises, qui ont permis de restaurer l'intégrité territoriale et la pleine souveraineté du pays, l'Azerbaïdjan était désormais en mesure de mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'ensemble du territoire national.

M. Sharifov a ensuite indiqué que, dans le cadre de réformes législatives menées dans le système judiciaire et juridique pour l'humanisation de la justice pénale, la Loi sur le Conseil judiciaire et juridique avait été modifiée en 2023. Dans ce contexte, a-t-il précisé, afin de garantir plus efficacement l'indépendance du pouvoir judiciaire, le nombre de juges au sein du Conseil a été augmenté et les représentants des autorités exécutives ont été exclus. De plus, en 2023, des amendements ont été apportés à la loi constitutionnelle sur le Commissaire aux droits de l'homme (Médiateur) afin de renforcer l'indépendance de cette institution : ces amendements permettent en particulier au Médiateur et à son Groupe national de prévention d'utiliser des moyens techniques pour réaliser des enregistrements photographiques, audio et vidéo pendant les visites de contrôle, et érigent en infraction pénale toute restriction ou interférence dans les activités du Médiateur.

En ce qui concerne les réformes du système pénitentiaire, M. Sharifov a indiqué que la législation était constamment améliorée afin de l'aligner sur les normes internationales et les meilleures pratiques. De plus, une politique de justice pénale est appliquée avec une approche plus humaine ; et la pratique des grâces, amnisties, libérations conditionnelles et mises à l'épreuve est largement utilisée dans le pays. Outre les mesures législatives, a ajouté le Ministre adjoint, les réformes du système pénitentiaire comprennent la rénovation des anciens établissements pénitentiaires construits à l'époque soviétique, la construction de nouvelles prisons réservées aux femmes et la mise en place d'installations médicales pour améliorer les soins de santé mentale, la gestion des urgences et le traitement de la tuberculose en prison.

Le Gouvernement, a précisé M. Sharifov, garantit l'accès sans restriction de tous les observateurs ­- organisations non gouvernementales, Comité international de la Croix-Rouge, Médiateur et membres du Groupe national de prévention, Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ­- pour surveiller les locaux de détention temporaire de la police ; pour la période allant de 2020 à 2023, les lieux de détention ont été contrôlés plus de 350 fois par divers observateurs, a-t-il indiqué. De même, les membres du Conseil public, mécanisme de contrôle public sous la houlette du Ministère de la justice, ont effectué environ 850 visites dans les établissements pénitentiaires, ce qui a permis à plus de 4300 prisonniers de bénéficier d'une aide juridique. Enfin, le Médiateur et le Groupe national de prévention ont également effectué de nombreuses visites de contrôle dans les établissements de détention au cours de la période 2020-2023, a insisté le chef de la délégation azerbaïdjanaise.

D'autre part, le Gouvernement accorde une attention particulière aux activités de formation et de sensibilisation aux droits de l'homme, considérées comme un pilier important de la prévention de la torture, a souligné M. Sharifov. À l'initiative du Médiateur, des sujets liés à la prévention de la torture sont inclus dans le programme annuel de l'Académie de police du Ministère de l'intérieur et de l'Académie de justice. Sont traités en particulier le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que les recommandations du [présent] Comité contre la torture.

S'agissant du traitement des plaintes pour torture, le Ministre adjoint a notamment indiqué qu'en 2022-2023, dans 34 affaires pénales, les tribunaux ont annulé les décisions des organes d'enquête préliminaire qui demandaient de refuser l'ouverture d'une affaire pénale pour torture ou traitement inhumain ; les tribunaux ont renvoyé ces affaires pour réexamen par lesdits organes d'enquête. En 2023, a ajouté M. Sharifov, un employé de l'établissement pénitentiaire n°5 a été condamné par un jugement du tribunal et deux employés du même établissement ont été traduits en responsabilité disciplinaire.

En 2020-2023, 571 faits de violation des droits de l'homme et des libertés ont été enregistrés, a indiqué le Ministre adjoint des affaires étrangères. Après enquête, 705 policiers ont été soumis à la responsabilité disciplinaire pour avoir amené des citoyens dans des locaux de police sans raison valable et pour leur détention illégale, ainsi que pour traitement brutal et autre traitement dégradant : 111 d'entre eux ont été licenciés, 77 ont été rétrogradés de leur poste, 13 ont vu leur grade spécial abaissé et 504 ont fait l'objet d'autres sanctions disciplinaires, a précisé M. Sharifov.

Le Ministre adjoint a enfin rendu compte des mesures prises par les autorités pour lutter contre la violence domestique et contre la traite des êtres humains. Il a également fait état de l'adoption d'une Stratégie pour les enfants en Azerbaïdjan pour 2020-2030 et du Plan d'action y associé pour la période 2020-2025 - Plan qui a lancé le processus d'élaboration de la loi sur les droits de l'enfant, laquelle envisage des normes concernant les châtiments corporels infligés aux enfants.

Questions et observations des membres du Comité

M. TODD BUCHWALD, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Azerbaïdjan, a fait état d'allégations parvenues au Comité s'agissant de l'existence, en Azerbaïdjan, d'un climat qui tolère la torture et les mauvais traitements. Ainsi, de l'avis de certaines organisations non gouvernementales (ONG), si le Gouvernement s'est effectivement engagé à enquêter sur les allégations, la torture et les mauvais traitements resteraient répandus et les autorités rejetteraient régulièrement les plaintes, assurant ainsi l'impunité aux responsables, a précisé l'expert.

D'autres préoccupations sont parvenues au Comité concernant le traitement des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme, y compris des allégations selon lesquelles les autorités n'enquêtent pas et ne poursuivent pas les abus commis à leur encontre, a ajouté M. Buchwald. Il a ainsi fait état, entre autres, de mauvais traitements infligés à M. Tofig Yagublu, journaliste ; et de tortures et menaces sur la personne de M. Bakhtiyar Hajiyev, défenseur des droits de l'homme. Le Comité des droits de l'homme s'est dit préoccupé par ce qu'il a appelé « des rapports constants de torture, y compris de journalistes, de défenseurs des droits de l'homme » et d'autres personnes, a en outre relevé M. Buchwald.

L'expert a ensuite fait état de préoccupations relatives à l'utilisation d'une force excessive contre des manifestants. Il a demandé ce qui était fait par le Gouvernement azerbaïdjanais pour prévenir les arrestations arbitraires et les mauvais traitements à l'encontre de manifestants et pour garantir des enquêtes rapides, impartiales et approfondies en cas d'allégations.

S'agissant du conflit avec l'Arménie, M. Buchwald a fait état de nombreuses allégations de mauvais traitements à l'encontre de prisonniers de guerre arméniens, y compris la décapitation en public de certains prisonniers. L'expert a demandé ce que le Gouvernement azerbaïdjanais avait fait pour enquêter sur ces cas, pour poursuivre les personnes responsables et pour s'attaquer au climat général d'intolérance ethnique qui peut servir de terreau à ce type de violence. Il a aussi voulu savoir si les prisonniers de guerre ou les détenus maltraités pouvaient demander des réparations au Gouvernement de l'Azerbaïdjan.

M. Buchwald a par ailleurs constaté que si le Code de procédure pénale semble dire que les preuves obtenues sous la torture sont irrecevables, son article 125.8 indique que la charge de la preuve [en la matière] incombe de fait à la victime. Le Comité est informé que la torture serait couramment utilisée pour contraindre les gens à signer des « dossiers de police » qui équivalent à des aveux, a indiqué l'expert. Il a voulu savoir si le Gouvernement entendait veiller à ce que tous les interrogatoires soient enregistrés électroniquement.

M. Buchwald ensuite rappelé que, dans ses précédentes observations finales concernant l'Azerbaïdjan, le Comité avait exprimé sa vive inquiétude quant à l'incapacité [du pays], dans la pratique, d'accorder à toutes les personnes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur privation de liberté. L'expert a donc voulu savoir dans quelle mesure les justiciables ont [désormais] accès à un avocat en temps utile.

M. Buchwald a en outre fait état de lacunes dans l'accès des personnes privées de liberté à un examen médical indépendant. L'expert a par ailleurs indiqué que le Comité était également informé que les détenus ne sont pas en mesure, dans la pratique, d'informer les membres de leur famille ou d'autres personnes de leur choix dès le début de leur privation de liberté. De plus, des personnes seraient détenues au secret en Azerbaïdjan, s'est inquiété M. Buchwald.

M. Buchwald a d'autre part relayé des préoccupations exprimées par l'Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l'homme (GANHRI, selon l'acronyme anglais) quant à l'inefficacité de l'institution du Médiateur en matière de lutte contre la torture et les mauvais traitements. Il a en outre fait état d'informations relatives à des restrictions imposées aux ONG indépendantes qui les empêcheraient de fonctionner efficacement.

M. Buchwald a par la suite insisté pour connaître le nombre d'ONG inscrites dans le pays depuis le dernier rapport.

MME ANA RACU, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Azerbaïdjan, a demandé si l'État partie avait prévu une formation sur la prévention de la torture et l'utilisation de la force et des moyens spéciaux par les militaires, les agents des services de renseignement et les agents de sécurité. De nombreux rapports font état de mauvais traitements et de tortures infligés à des prisonniers de guerre pendant le conflit du Haut-Karabakh, a rappelé Mme Racu.

Mme Racu a ensuite salué les travaux de reconstruction et de réparation effectués dans plusieurs lieux de détention, ainsi que d'autres initiatives relatives à l'amélioration du secteur pénitentiaire. L'experte a cependant souligné le caractère problématique des conditions de détention dans plusieurs prisons, qui présentent des conditions matérielles déplorables, avec des murs en ruine, de l'humidité, une mauvaise ventilation, aucun accès à la lumière naturelle et une hygiène médiocre.

De plus, le surpeuplement carcéral entraîne la propagation de maladies infectieuses, en particulier la tuberculose, l'hépatite virale et le VIH, et ce dans un contexte où il manque de personnels médicaux dans les prisons, a poursuivi l'experte. D'autres questions de Mme Racu ont porté sur les conditions de détention des femmes et des mineurs en conflit avec la loi. Elle a fait état de l'augmentation signalée du nombre de décès en détention depuis quatre ans.

Mme Racu a ensuite dit avoir conscience des mesures qui ont été prises pour améliorer la situation des personnes placées dans des institutions résidentielles en Azerbaïdjan. Cependant, a-t-elle ajouté, le Comité est préoccupé par des informations faisant état de l'utilisation de mesures coercitives, ainsi que par des cas d'institutionnalisation forcée.

Mme Racu a par ailleurs fait observer que, selon les ONG, la grande majorité des plaintes pénales déposées contre des policiers, des personnels pénitentiaires et d'autres agents de l'État n'atteignent jamais la phase d'inculpation et ne sont donc jamais examinées par le tribunal compétent, ce qui crée un niveau élevé d'impunité. Le Comité, a ajouté Mme Racu, s'inquiète à cet égard du manque d'indépendance des organes de contrôle, ainsi que de la proportion anormalement basse du nombre de condamnations par rapport aux acquittements et classements sans suite.

L'experte a par la suite insisté pour obtenir des informations concernant tous les décès en détention, y compris ceux liés aux suicides et aux violences entre détenus. Elle a en outre souhaité connaître les conditions de détention pour les femmes condamnées qui auraient des enfants avec elles. Mme Racu s'est également enquise des sanctions disciplinaires pouvant être appliquées aux détenus.

Un autre expert membre du Comité a demandé si les auteurs présumés d'actes de torture faisaient systématiquement l'objet d'une enquête et si les victimes se voyaient accorder des réparations.

La délégation azerbaïdjanaise a par ailleurs été priée de dire combien de prisonniers de guerre arméniens étaient encore détenus en Azerbaïdjan et si ces personnes bénéficiaient des protections associées aux conventions de Genève. Certains prisonniers de guerre auraient été accusés d'actes de terrorisme pour des faits normalement couverts par le droit de la guerre, a relevé un expert.

Réponses de la délégation

La délégation a d'abord estimé que certaines informations données au Comité par des ONG ne reflétaient pas toujours la réalité. S'agissant ainsi d'allégations de déplacements massifs de population hors du Karabakh en 2023, la délégation a affirmé qu'il s'agissait là d'informations erronées. En effet, les personnes d'origine arménienne n'ont pas été forcées à quitter le territoire du Karabakh, ce que les témoignages de résidents arméniens confirment, a-t-elle déclaré. Le Président de l'Azerbaïdjan a donné des garanties publiques relatives au respect de tous les droits des citoyens d'origine arménienne vivant dans la région, y compris pour que ces personnes puissent y revenir en toute sécurité, a insisté la délégation.

Les prisonniers de guerre arméniens n'ont fait l'objet d'aucun mauvais traitement ni acte de torture, a poursuivi la délégation. Les personnes ainsi détenues ont bénéficié d'examens et de traitements médicaux, ont reçu les visites de la Croix-Rouge et ont pu parler avec leurs familles, a-t-elle assuré. Depuis 2020, les lieux de détention de ces personnes ont fait l'objet de plusieurs visites par les organes de surveillance nationaux et internationaux, sans qu'aucune plainte n'ait été reçue émanant des détenus, a-t-elle indiqué. En revanche, a ajouté la délégation, la grande majorité des prisonniers de guerre azerbaïdjanais ont subi des actes de torture et des mauvais traitements, et plus de 6800 soldats azerbaïdjanais sont toujours portés disparus.

Tous les prisonniers de guerre - au sens de « personnes capturées pendant des opérations militaires » - ont été renvoyés en Arménie depuis la fin du conflit, a déclaré la délégation. Restent détenues plusieurs personnes arméniennes soit capturées après l'accord ayant mis fin au conflit de 2020 et qui avaient franchi la frontière de manière illégale, soit accusées d'avoir mené des attaques terroristes contre le territoire azerbaïdjanais après l'opération antiterroriste de 2023.

La délégation a insisté sur la bonne volonté de son Gouvernement de mener des enquêtes sur toutes les allégations de disparition, de torture ou de mauvais traitements. Tous les cas mentionnés dans le rapport des ONG soumis au Comité portent sur les mêmes questions dont est saisie la Cour européenne des droits de l'homme et l'Azerbaïdjan a présenté à la Cour toutes les informations relatives aux enquêtes qui ont eu lieu, a souligné la délégation.

La délégation a insisté sur le fait que, pour son pays, le respect du droit international par ses forces armées était primordial, ce principe étant concrétisé par les instructions données aux cadres de l'armée pour empêcher tout abus pendant les opérations, protéger les prisonniers et les civils contre tout traitement dégradant et respecter le droit humanitaire.

Le parquet, a précisé la délégation, a lancé, sur la base de témoignages et de vidéos, seize poursuites contre des personnes soupçonnées d'actes de torture et de mauvais traitements sur des Arméniens ou de profanation de cadavres, en 2022. Plusieurs cas ont été jugés et des soldats condamnés à la prison au titre du Code pénal. D'autres poursuites ont été abandonnées faute de preuves, a indiqué la délégation. Le parquet a, d'autre part, ouvert plusieurs enquêtes pour faits de torture, traitements inhumains et profanation de cadavres de soldats azerbaïdjanais par des soldats arméniens, a fait savoir la délégation azerbaïdjanaise.

En ce qui concerne les garanties de procédures, la délégation a notamment souligné que les autorités de police et des centres de détention doivent garantir que les personnes détenues aient la possibilité de signaler leur détention à leurs proches. En outre, tous les centres de détention de la police disposent de systèmes de vidéosurveillance et les détenus peuvent organiser des rencontres avec leurs représentants légaux ; ces règles sont systématiquement respectées, a ajouté la délégation.

Pour chaque personne détenue en état d'arrestation, est dressée une fiche médicale détaillée, a poursuivi la délégation, avant de souligner que si nécessaire, le détenu reçoit une aide médicale obligatoire. En cas d'informations faisant état d'actes de torture, une vérification est faite en interne et, en cas de plainte de torture ou de toute autre infraction ou même de soupçon à cet égard, les informations à ce sujet sont directement envoyées au bureau du Procureur.

L'interrogatoire d'un mineur se fait obligatoirement en présence d'un représentant du mineur, a par ailleurs souligné la délégation, avant de préciser que les mineurs ne peuvent refuser l'assistance d'un avocat. La législation en vigueur interdit la détention d'un enfant aux cotés d'un adulte, sauf dans le cas où cela est dans l'intérêt du mineur, a ajouté la délégation.

Entre 2020 et 2023, le pays a enregistré sept cas de suicide dans les locaux de garde à vue , a ensuite indiqué la délégation, avant de préciser que 27 collaborateurs de la police ont fait l'objet de mesures disciplinaire pour n'avoir pas suffisamment contrôlé l'état de personnes détenues, 7 personnes ont été licenciées, une personne a été démise de ses fonctions et 19 personnes ont fait l'objet d'autres mesures disciplinaires.

En 2020, a été approuvé le quatrième Plan d'action national sur la lutte contre la traite des êtres humains pour la période 2020-2024, a poursuivi la délégation. Ces quatre dernières années, quelque 627 infractions de traite ont été identifiées, ainsi que 14 cas de travail forcé, a précisé la délégation, avant d'ajouter que 374 victimes ont été identifiées. Pour la traite des êtres humains, 69 personnes ont été poursuivies pénalement dont 50 ont été condamnées à différentes peines de prison, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne les assurances diplomatiques dans le cadre des expulsions d'étrangers du territoire national, la délégation a notamment souligné que pour importantes qu'elles puissent être, ces assurances ne sont toutefois pas décisives et il peut arriver qu'elles ne soient pas prises en considération. En outre, a ajouté la délégation, même lorsque l'Azerbaïdjan a recours aux assurances diplomatiques, il lui arrive parfois de demander un suivi, par le biais de ses services consulaires, après l'expulsion de la personne.

L'Azerbaïdjan a créé un système efficace d'asile et les droits de tous les apatrides et de tous les étrangers sont respectés, a par la suite déclaré la délégation. Les demandes de statut de réfugié sont examinées sans discrimination, a-t-elle ajouté. Depuis le 1 er juillet 2020, a-t-elle rappelé, la procédure de détermination du statut de réfugié du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) a été pleinement suspendue et, depuis cette date, les personnes qui demandent l'asile voient leur dossier uniquement examinés par le service des migrations et par les juridictions nationales.

Les personnes qui sont des réfugiés sous protection et qui ont obtenu une forme supplémentaire de protection internationale par le HCR en Azerbaïdjan avant le 1 er juillet 2020 n'ont en aucun cas été refoulés ou renvoyées de force vers un pays où leur vie ou leur liberté serait menacée, a ajouté la délégation.

Les personnes qui n'ont pas obtenu le statut de réfugié ont le droit de contester cette décision, a d'autre part souligné la délégation. Du 1 er janvier 2022 au 1 er février 2024, aucune décision n'a été adoptée pour renvoyer, déporter ou extrader une personne ayant demandé à obtenir le statut de réfugié ou l'ayant obtenu, a-t-elle ajouté.

Pour ce qui est des recours internes pour les personnes victimes de mauvais traitement, la délégation a indiqué que toute personne victime de mauvais traitement et dont le statut est reconnu en tant que tel a droit de faire valoir ses droits bafoués et d'obtenir réparation. Cela est également valable pour les personnes ayant fait l'objet d'une détention illégale ou ayant été arrêtées au cours de la phase préliminaire avant d'obtenir un non-lieu au tribunal. Le Code pénal établit en outre la responsabilité des auteurs de ces mauvais traitements, a ajouté la délégation.

En ce qui concerne les questions posées par des membres du Comité concernant l'arrestation de certaines personnes, notamment des membres de la société civile et des journalistes, la délégation a assuré que l'arrestation de ces personnes n'était aucunement liée à leurs activités professionnelles : ces personnes ont été poursuivies pénalement pour des infractions financières, a indiqué la délégation.

La question de l'enregistrement des ONG ne relève pas du mandat du Comité contre la torture, a par ailleurs déclaré la délégation, avant d'ajouter que le pays avait déjà transmis des informations à ce sujet à d'autres organes conventionnels ou à d'autres mécanismes.

S'agissant des soins psychiatriques, la délégation a notamment fait savoir que des travaux de rénovation sont en cours dans deux parties de l'hôpital psychiatrique n°1 ; ces travaux seront achevés dans le cours de l'année. Lorsqu'il existe un danger émanant d'un patient, pour lui-même ou pour un autre patient, ce patient peut être isolé pour une période très courte ; mais aucun mesure de contrainte ou de violence n'est utilisée, a indiqué la délégation.

Grâce aux mesures prises, la situation dans le pays s'agissant de la tuberculose est devenue plus stable, a d'autre part souligné la délégation, tout en reconnaissant que d'autres mesures doivent encore être prises. En 2023, a d'autre part fait valoir la délégation, l'Azerbaïdjan a été certifié par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme pays sans paludisme. Pour ce qui est du VIH/sida , a poursuivi la délégation, le pays suit les recommandations de l'OMS concernant le fait qu'il faut soigner tout le monde, et des mesures de prévention sont dûment prises, notamment en ce qui concerne la transmission de la mère à l'enfant. Des mesures sérieuses sont prises pour appliquer ce que l'OMS et ONUSIDA ont demandé, a insisté la délégation.

La délégation a ensuite indiqué que les autorités azerbaïdjanaises sont conscientes du fait que les problèmes liés aux conditions de détention doivent être dûment réglés. La délégation a assuré de la volonté politique du Gouvernement azerbaïdjanais de réformer le système pénitentiaire. L'Azerbaïdjan a été l'un des premiers pays de l'ex-URSS à transférer les prisons du Ministère de l'intérieur au Ministère de la justice, a en outre souligné la délégation.

Dans le cadre de la réforme pénitentiaire, il a été décidé de construire de nouvelles prisons, non seulement dans la capitale mais aussi dans les régions afin de permettre aux détenus de pouvoir purger leur peine en étant plus proches de leurs familles, a poursuivi la délégation. Elle a notamment fait état de la construction, ces dernières années, de nouvelles prisons pour les femmes et pour les mineurs, entre autres.

Il n'y a actuellement dans le pays que trois mères détenues ayant un enfant de moins de trois ans avec elles : elles bénéficient d'une cellule distincte et de conditions spécifiques, avec notamment la mise à disposition d'une aire de jeu pour enfants, a précisé la délégation.

Tout établissement garantit 4 mètres carrés par personne (en dehors des installations sanitaires), a d'autre part assuré la délégation.

Depuis 2020, a par ailleurs fait valoir la délégation, le nombre de personnels pénitentiaires a augmenté de 12%.

En ce qui concerne la lutte contre la tuberculose dans les prisons, la situation a largement évolué, a ajouté la délégation, avant de souligner que lorsqu'une personne arrive en prison, elle est dépistée (en moins de deux heures) pour savoir si elle est atteinte de tuberculose ; en outre, le suivi des patients est également assuré après leur remise en liberté. L'an dernier, seuls huit décès liés à la tuberculose ont été enregistrés dans les prisons - et dans chaque cas, la maladie était aggravée par d'autres facteurs tels que le VIH/sida ou l'hépatite.

« Nous n'utilisons plus le placement à l'isolement dans les établissements pour mineurs », a d'autre part déclaré la délégation, avant de préciser qu'un amendement législatif a été préparé pour abolir dans la loi cette possibilité.

Afin de réduire la surpopulation dans les centres de détention provisoire, dont s'est inquiétée une experte, le pays dispose désormais de deux nouveaux centres de détention provisoire, dont l'un près de Bakou, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a souligné que conformément à la Constitution du pays, tous les traités internationaux ratifiés par l'Azerbaïdjan s'appliquent directement sur le territoire national.

Remarques de conclusion

M. CLAUDE HELLER, Président du Comité, s'est dit frappé par l'esprit constructif qui a prévalu lors de cette échange. « Nous avons parlé de questions essentielles : tout d'abord de la situation en Azerbaïdjan, mais aussi d'une guerre », a-t-il rappelé. « Nous avons reçu des informations indirectes selon lesquelles vous recherchez un accord avec l'Arménie », a fait savoir le Président du Comité. « Nous espérons que ce sera un objectif qu'il sera possible d'atteindre », a-t-il conclu.

M. SHARIFOV a assuré que son Gouvernement considère comme cruciales la défense et de la promotion des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux niveaux international et national. Il a assuré que l'Azerbaïdjan considère tous les mécanismes des Nations Unies, y compris le présent Comité, comme des mécanismes très importants, y compris pour faire part des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des obligations du pays. Ayant cela à l'esprit, l'Azerbaïdjan fait partie des pays qui présentent leurs rapports périodiques en temps opportun aux organes conventionnels, a fait valoir le Ministre adjoint. Depuis le précédent examen, a-t-il poursuivi, l'Azerbaïdjan a pris les mesures qui s'imposent, aux fins de la prévention de la torture, pour assurer dans la pratique le respect de ses obligations au titre de la Convention.

« Malgré un esprit de coopération qui a toujours existé ici », le chef de la délégation a tenu à préciser que toute recommandation qui n'est pas basée sur des faits prouvés et sur des rapports reçus de sources crédibles, ou qui concerne des questions qui ne relèvent pas du mandat du Comité, ne contribue pas au présent processus d'examen. M. Sharifov n'en a pas moins jugé productif et propre à une coopération future le dialogue qui s'est noué ici.

M. HELLER a tenu à souligner que le Comité travaille en respectant le professionnalisme et l'indépendance les plus grands possible et sur la base des informations disponibles concernant un pays donné. « Je suis convaincu que c'est là l'esprit qui va prévaloir lorsque nous allons examiner les observations finales [qui seront transmises au pays à l'issue de la présente session] », a-t-il déclaré.

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