United Nations Security Council

04/24/2023 | Press release | Distributed by Public on 04/24/2023 11:58

Conseil de sécurité

Conseil de sécurité

(Le résumé complet de la réunion sera disponible plus tard dans la journée.)

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Un multilatéralisme efficace reposant sur la défense des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies (S/2023/244)

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l'ONU, s'est d'abord exprimé sur la situation au Soudan, qui ne cesse de s'aggraver depuis le début des combats le 15 avril. Condamnant fermement le bombardement aveugle de zones civiles, y compris de centres de soins de santé, il a appelé les parties à cesser les combats dans les zones densément peuplées et à permettre des opérations d'aide humanitaire sans entrave. En contact permanent avec les parties au conflit, le Secrétaire général a dit ses efforts pour obtenir un arrêt définitif des combats dès que possible. Annonçant une reconfiguration de la présence onusienne sur place et la relocalisation temporaire, « à l'intérieur et à l'extérieur du Soudan », de certains membres du personnel des Nations Unies, il a dit vouloir être clair: « les Nations Unies ne quittent pas le Soudan » et restent engagées auprès du peuple soudanais. Le Secrétaire général a également demandé à tous les membres du Conseil d'exercer un maximum d'influences sur les parties pour qu'elles mettent fin à la violence, rétablissent l'ordre et reprennent le chemin de la transition démocratique.

Revenant au débat du jour, le Secrétaire général a ensuite déclaré que la coopération multilatérale était « le cœur battant des Nations Unies, sa raison d'être et sa vision directrice », avant d'ajouter qu'au cours des 78 ans d'existence des Nations Unies, le système multilatéral s'était maintenu et avait enregistré quelques succès notables. Les solutions multilatérales apportées aux problèmes mondiaux sont « éprouvées, testées et ont fait leurs preuves », a affirmé le Secrétaire général, pour qui aucun de ces progrès n'aurait été possible si les pays ne s'étaient pas unis en tant que famille humaine multilatérale.

C'est pourquoi la situation actuelle est d'autant plus dangereuse, a fait observer M. Guterres, qui a mis en garde contre le « niveau historique » qu'atteignent les tensions entre grandes puissances et les risques de conflit. Il a cité en premier lieu « l'invasion de l'Ukraine par la Russie, en violation de la Charte des Nations Unies et du droit international ». S'il a reconnu « quelques développements prometteurs » au Yémen et en Libye, il a aussi rappelé que plus de 100 millions de personnes à travers le monde avaient fui leur foyer pour échapper aux conflits et aux persécutions « du Myanmar au Sahel, de la Somalie à la République démocratique du Congo et au-delà ».

Le Secrétaire général a également cité l'aggravation de la crise climatique, la montée des inégalités, la menace croissante du terrorisme, un recul mondial des droits de l'homme et de l'égalité des sexes, ainsi que le « développement non réglementé de technologies dangereuses ». Ces défis mondiaux ne peuvent être résolus que par le respect du droit international, l'adhésion aux engagements mondiaux et l'adoption de cadres appropriés de gouvernance multilatérale, a-t-il affirmé.

M. Guterres a cité quelques-uns des progrès enregistrés l'an dernier dans plusieurs domaines cruciaux, comme le parachèvement du traité sur la diversité biologique marine ou la percée obtenue lors de la COP27 de Charm el-Cheikh sur les changements climatiques. Il a aussi vu « des exemples convaincants » de l'importance de la coopération multilatérale facilitée par les Nations Unies dans l'Initiative sur l'exportation de céréales par la mer Noire et le protocole d'accord pour faciliter l'exportation de produits alimentaires et d'engrais russes, dont il a vivement encouragé la poursuite de la mise en œuvre.

Il faut toutefois « faire mieux, aller plus loin et travailler plus vite », a poursuivi M. Guterres, qui a souhaité que les États renouvèlent leur engagement à respecter leurs obligations en vertu de la Charte. Il a présenté les principes de respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique de tous les États, de non-ingérence dans les affaires des autres États, d'élimination de toutes les formes de discrimination et de règlement pacifique des différends comme des « remparts contre l'incertitude et la fragmentation » et le fondement de toute coopération internationale.

Le Secrétaire général a ensuite exhorté les États Membres à utiliser toute la gamme des outils diplomatiques offerte par la Charte pour le règlement pacifique des conflits, y compris l'utilisation de ses bons offices.

Pour le Secrétaire général, un multilatéralisme efficace doit inclure un engagement à relever les défis nouveaux et émergents et à combler les lacunes de la gouvernance mondiale. C'est là, a-t-il rappelé, « la force motrice de mon rapport sur Notre Programme commun ». M. Guterres y a inclus son projet de « Nouvel Agenda pour la paix » qui, a-t-il ajouté, « offrira une vision unificatrice ancrée dans la confiance, l'universalité et la solidarité » en traitant de toutes les formes et tous les domaines de menace, en adoptant une vision holistique de la paix allant de la prévention au développement durable en passant par le rétablissement, le maintien et la consolidation de la paix, et en faisant de l'action préventive une priorité à tous les niveaux.

Notre Programme commun envisage un multilatéralisme plus inclusif et plus en réseau, qui offre un espace pour les contributions de tous les pays et communautés ainsi que des liens solides entre la famille des Nations Unies, les institutions financières internationales, les organisations régionales ou encore les blocs commerciaux, a plaidé M. Guterres.

Le Secrétaire général a aussi mis en avant la nécessité d'adapter les organes intergouvernementaux à l'évolution des besoins, ajoutant que le Conseil de sécurité « bénéficierait de réformes reflétant la réalité géopolitique d'aujourd'hui », tout comme les institutions de Bretton Woods, qui « ne reflètent pas la réalité de l'économie mondiale d'aujourd'hui ». Il a souhaité que le rapport que remettra le Conseil consultatif de haut niveau sur le multilatéralisme efficace puisse contribuer à une réflexion collective dans la perspective du Sommet de l'avenir prévu en septembre 2024.

Rappelant que les Nations Unies avaient été « créées pour les crises » et qu'elles avaient surmonté « des conflits apparemment insolubles et des divisions profondes », le Secrétaire général a notamment rappelé que les membres du Conseil de sécurité, « en particulier ceux qui ont le privilège de siéger en permanence, ont la responsabilité particulière de faire fonctionner le multilatéralisme, plutôt que de contribuer à son démembrement ».

S'il a jugé « inévitable » la concurrence entre les États, celle-ci ne doit pas exclure la coopération lorsque des intérêts et le bien communs sont en jeu, a insisté M. Guterres, qui a conclu en affirmant que, lorsque la concurrence dégénère en affrontement, le système multilatéral, fondé sur la Charte et le droit international, est « le moyen le plus efficace de gérer les différends de manière pacifique ».

M. SERGEY LAVROV, Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a rappelé que la Charte des Nations Unies avait constitué le fondement juridique de l'ordre international d'après-guerre et que l'organisation, « incarnant un véritable multilatéralisme », avait assumé un rôle central de coordination dans la politique mondiale. Il a ajouté que, pendant près de 80 ans, l'ONU avait rempli la mission vitale que lui avaient confiée ses pères fondateurs grâce notamment à « l'accord fondamental des cinq membres permanents du Conseil de sécurité sur la primauté des objectifs et des principes de la Charte » qui a garanti la sécurité mondiale et créé les conditions d'une véritable coopération multilatérale, régie par les normes universellement reconnues du droit international.

Mais aujourd'hui, ce système unipolaire est en crise profonde, a constaté le Ministre, pour qui la cause première en est « le désir de certains membres de notre organisation de remplacer le droit international et la Charte par une sorte d'"ordre fondé sur des règles" », qu'il a longuement dénoncé. Il a ainsi accusé les États-Unis d'avoir entrepris la destruction de la mondialisation, ajoutant que les Occidentaux sont depuis longtemps mal à l'aise pour négocier dans des formats universels, tels que les Nations Unies. Pour lui, le thème de l'unité des « démocraties » par opposition aux « autocraties » n'a été créé que pour fournir une justification idéologique au processus de sape du multilatéralisme. « Ils se mettent d'abord d'accord en privé, dans un cercle restreint, et présentent ensuite ces accords comme " la position de la communauté internationale" », a dénoncé M. Lavrov, pour qui « personne n'a permis à la minorité occidentale de parler au nom de toute l'humanité ».

M. Lavrov a accusé les auteurs de « l'ordre fondé sur des règles » de rejeter avec arrogance le principe clef de la Charte qu'est l'égalité souveraine des États. Il a aussi accusé « l'Occident collectif » de chercher à remodeler le multilatéralisme au niveau régional, en prenant en exemple la région Asie-Pacifique, s'en prenant en particulier à l'alliance militaire AUKUS.

Le Ministre a rappelé l'espoir d'un véritable multilatéralisme sans clivages dans l'espace euro-atlantique né après la dissolution du Pacte de Varsovie et la disparition de l'Union soviétique et a insisté sur les efforts patients de son pays pour parvenir à des accords multilatéraux mutuellement bénéfiques basés sur le principe de l'indivisibilité de la sécurité. Mais, a-t-il accusé, les pays occidentaux ont conservé l'OTAN et, « contrairement à leurs promesses », se sont lancés dans une prise de contrôle « impudente » de l'espace adjacent, « y compris des régions où des intérêts russes vitaux ont toujours existé et continueront d'exister ». Il a ainsi accusé les États-Unis de s'être ingérés dans les affaires des États post-soviétiques à l'occasion des « révolutions de couleur » en Géorgie et au Kirghizstan, et du « coup d'État sanglant à Kiev en février 2014 ».

À propos de l'Ukraine, le Ministre a rappelé les efforts multilatéraux qui ont été déployés en vue d'un règlement pacifique à la guerre dans l'est de l'Ukraine, « déclenchée par le coup d'État », qui ont abouti à l'adoption par le Conseil de sécurité approuvant à l'unanimité les accords de Minsk. Or, a-t-il dénoncé, ces accords ont été foulés aux pieds par Kiev et « ses maîtres occidentaux », qui ont récemment admis avec cynisme et même fierté qu'ils n'avaient jamais eu l'intention de les mettre en œuvre.

Mais, pour M. Lavrov, la question n'est pas l'Ukraine mais « la manière dont les relations internationales seront développées ». Le Ministre a répété les objectifs de « l'opération militaire spéciale » de son pays: « éliminer les menaces pour notre sécurité que l'OTAN fait peser depuis des années directement sur nos frontières et protéger les personnes qui ont été privées de leurs droits ». Nous avons honnêtement dit pour quoi et pour qui nous nous battons, a-t-il insisté.

M. Lavrov a également dénoncé les « tentatives éhontées des États occidentaux de soumettre le Secrétariat de l'ONU ». Il a demandé au Secrétaire général de veiller à ce que l'ensemble de son personnel respecte les exigences d'impartialité, y compris à l'occasion de la préparation de documents proactifs sur le « programme commun » du Secrétaire général et sur le « Nouvel Agenda pour la paix ». Sinon, a-t-il averti, au lieu d'un agenda multilatéral, le fossé entre le « milliard d'or » et la majorité mondiale s'approfondira.

Le Ministre a estimé que, « comme pendant la guerre froide », nous sommes arrivés à une ligne dangereuse, « peut-être même encore plus dangereuse » qu'alors, car aggravée par la perte de confiance dans le multilatéralisme.

Il a donc appelé à en « revenir aux origines », soit à l'adhésion aux objectifs et aux principes de la Charte « dans toute leur diversité et leur interconnexion ».

Un véritable multilatéralisme exige l'adaptation de l'ONU aux tendances objectives vers une architecture multipolaire des relations internationales, a encore estimé M. Lavrov, pour qui la réforme du Conseil de sécurité doit être accélérée par une représentation accrue des pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. La surreprésentation actuelle de l'Occident au sein de ce principal organe des Nations Unies sape le principe du multilatéralisme, a-t-il assuré.

Il est de notre responsabilité commune de préserver les Nations Unies en tant que modèle forgé du multilatéralisme et de la coordination de la politique mondiale, a affirmé le Ministre, qui a rappelé qu'en 2021, le Président Putin avait proposé de convoquer un sommet des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, et que la Chine et la France avaient soutenu cette initiative. Ce sujet est directement lié au multilatéralisme, a affirmé M. Lavrov et ce, en raison de la responsabilité particulière qui leur incombe, en vertu de la Charte, en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Pour M. Lavrov, ce genre de préoccupations est de plus en plus exprimé en dehors du monde occidental. Le Ministre a conclu en disant apprécier le désir sincère des autres régions du monde d'apporter des solutions à tous les problèmes contemporains par un travail collectif honnête visant à concilier les intérêts sur la base de l'égalité souveraine des États et de l'indivisibilité de la sécurité.

M. KHALIFA SHAHEEN ALMARAR, Ministre d'État des Émirats arabes unis, a rappelé que la défense des principes de la Charte des Nations Unies est vitale pour préserver un multilatéralisme efficace. Parmi ces principes, il a mentionné le respect de la souveraineté de tous les pays ou bien encore le règlement pacifique des différends. Après avoir énuméré les défis mondiaux actuels, comme les changements climatiques et le terrorisme, il a demandé de promouvoir le dialogue entre nations et de renforcer les efforts communs afin de régler pacifiquement les conflits, du Soudan à l'Ukraine. Il a plaidé pour un multilatéralisme qui soit au service de l'ensemble des membres de l'ONU, en ajoutant que la « polarisation » et les intérêts concurrents entravent son efficacité. Il a dénoncé à cette occasion « l'influence disproportionnée » dans le système multilatéral de certains membres, « les mêmes qui veulent empêcher ou mettre en œuvre des réformes pour rendre le multilatéralisme plus efficace ».

Les institutions, telles que le Conseil de sécurité, le FMI ou bien encore la Banque mondiale, doivent être réformées, a poursuivi le Ministre, en appelant à un dépassement du statu quo et en plaidant pour la participation des pays vulnérables. Il a également appelé à protéger les biens publics mondiaux, en investissant pour la planète et les peuples, avant d'insister sur l'importance de l'Accord de Paris et de l'accord sur un instrument international juridiquement contraignant sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, « des accords qui ont permis d'avancer ». Le Ministre a enfin déclaré que le multilatéralisme ne peut être seulement un processus intergouvernemental. Les perspectives de toutes les parties prenantes, y compris les femmes et les enfants, doivent être prises en compte, a-t-il déclaré. « Il est grand temps de réformer le système multilatéral », a-t-il conclu après avoir rappelé que les Émirats seront l'hôte de la COP28.

M. HERMANN IMMONGAULT, Ministre délégué aux affaires étrangères du Gabon, a rappelé que ce débat intervient une semaine après la publication du rapport du comité consultatif pour une réforme efficace du multilatéralisme, dont les recommandations visent à raffermir les fondements du « vivre-ensemble » de la communauté internationale par le biais d'une grande solidarité. Cette quête de solidarité internationale est la matrice de la Charte des Nations Unies et, en y souscrivant, chacun des membres de I'ONU a fait le choix d'une sécurité indivisible, a-t-il souligné, souhaitant que cet esprit reste au centre de notre système de sécurité collective mais aussi de notre projection du développement durable et de la prospérité partagée. Pour relever les défis à venir, a poursuivi le Ministre, notre architecture de sécurité devrait être le reflet des réalités actuelles. Il importe donc selon lui d'effectuer une mise à jour des institutions internationales, mais aussi des mentalités et des perceptions d'une paix durable. Constatant à cet égard que l'Afrique n'a pas de siège permanent au sein du Conseil de sécurité, il a appelé à réformer cet organe sans plus tarder afin qu'il soit représentatif de la réalité d'aujourd'hui et à même de répondre efficacement aux défis actuels et futurs, sur la base de la Position commune africaine, telle que reflétée dans le consensus d'Ezulwini et la Déclaration de Syrte.

Le Ministre a ensuite plaidé pour une redéfinition de nos règles et de nos mécanismes pour faire face de manière adéquate à l'évolution de I'insécurité et du terrorisme. En ce qui concerne les règles, il faut garantir I'inclusivité et la solidarité, et ne laisser aucune place ni à la politique du « deux poids, deux mesures » ni à la solidarité à géométrie variable, a-t-il soutenu, avant d'en appeler à la construction d'un « nouveau contrat social », entre les générations, entre les gouvernants et les gouvernés, entre I'échelle mondiale et régionale, qui mette un accent particulier sur les conditions des jeunes et des femmes. Dans ce cadre, a-t-il insisté, le multilatéralisme doit prévaloir sur les postures unilatéralistes et la logique du dialogue doit prévaloir sur celle de I'antagonisme. Jugeant illusoire de penser que I'humanité survivra avec des « bulles de sécurité et de prospérité entourées d'un océan d'insécurité et de misère », il a appelé à dresser un « bouclier d'actions et d'initiatives » pour se prémunir contre toute prédation de ressources et de dignité. Il a enfin averti que la multiplicité des relations bilatérales n'aura jamais les vertus de la concertation multilatérale. Le « multi-bilatéralisme » mène à la fragmentation et à la division du monde en blocs, alors que la vocation du multilatéralisme est de mener à I'unité et à la construction de passerelles entre « nous, les peuples du monde », a-t-il conclu.

M. THOMAS MBOMBA, Vice-Ministre des affaires étrangères et de l'intégration régionale du Ghana, a relevé qu'il est dans l'intérêt de tous les États, qu'ils soient petits ou puissants, de sauvegarder le système multilatéral. Il a appelé au respect des principes de la Charte, sans politisation ni toute forme de sélectivité dans l'application. Il a cité l'ancien Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui relevait que « notre avenir, notre prospérité et notre sécurité, sont plus liés que jamais ». Et cette réalité devrait nous conduire à construire des ponts, pas à les brûler, et à consolider les fondements du dialogue et du consensus. Il a encouragé les initiatives de réforme en cours dans le système des Nations Unies, y compris la revitalisation de l'Assemblée générale et la réforme du Conseil de sécurité.

Le Ministre a appelé à renforcer la mise en œuvre du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, en particulier autour de la question de la « prévention régionale ». Par exemple, a-t-il expliqué, nous ne pouvons tenter aucune résolution légitime de la crise du terrorisme sur le continent africain sans la collaboration d'institutions comme l'Union africaine (UA) et les communautés économiques régionales comme la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ainsi que l'Initiative d'Accra sur le Sahel.

Le Ministre a ensuite souligné que les défis mondiaux actuels sont tellement interconnectés et multidimensionnels que nous devons renforcer la collaboration et la consultation conjointe entre les différentes institutions. Cela nécessite un renforcement des consultations avec les institutions et les processus en dehors de l'ONU, notamment les institutions de Bretton Woods, mais aussi, le cas échéant, avec les organisations de la société civile concernées et les acteurs responsables du secteur privé. À ce propos, le Ministre a souligné que le rapport du Secrétaire général sur Notre Programme commun, y compris le Nouvel Agenda pour la paix, offre une vision prospective d'un multilatéralisme revigoré, inclusif et efficace pour relever les défis mondiaux contemporains.

Pour le Ministre, les outils disponibles dans la Charte des Nations Unies restent indispensables pour aborder les problèmes existants et les défis émergents de notre temps. Ce qu'il faut donc, a-t-il argué, c'est exploiter stratégiquement et déployer efficacement ces outils, y compris le Chapitre VI sur le règlement pacifique des différends.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a rappelé que tous les États Membres ont souscrit aux principes et valeurs de la Charte des Nations Unies, un engagement qu'ils ont réitéré à l'occasion des 75 ans de l'Organisation. Pourtant, a-t-elle constaté, la souveraineté étatique, l'intégrité territoriale et l'interdiction du recours à la force continuent à être bafouées, depuis plus d'une année, par l'agression militaire d'un membre permanent du Conseil de sécurité contre son voisin. « La recette la plus efficace pour préserver le multilatéralisme et l'intégrité de la Charte est donc de la respecter », a fait valoir la représentante, avant de réitérer l'appel ferme de la Suisse à la Fédération de Russie pour qu'elle retire sans délai ces troupes de l'ensemble du territoire ukrainien. À ses yeux, démontrer son attachement à la Charte et discuter du renforcement du multilatéralisme est un « devoir » dès lors qu'il s'agit d'appeler à la protection des civils, de condamner les violations du droit international et d'exhorter les parties au conflit à faire taire les armes et à rejoindre la table des négociations. C'est aussi un devoir que nous avons en vertu des Conventions de Genève, « réussite du multilatéralisme » car elles sont parmi les rares traités internationaux à avoir été ratifiées universellement, a-t-elle souligné.

La représentante s'est déclarée convaincue qu'un multilatéralisme efficace demeure la seule façon de réaliser la vision d'un monde « où règne la force de la loi et non la loi du plus fort et où la dignité humaine est toujours respectée ». Selon elle, le respect de la Charte reste « existentiel », pour un État petit ou de taille moyenne comme le sien et comme la majeure partie des États Membres de l'ONU, « indépendamment du fait de savoir si ce monde est unipolaire, bipolaire ou multipolaire ». Cette conviction, a-t-elle expliqué, tient aussi au fait que la Charte et le multilatéralisme ont permis à l'humanité de faire des progrès remarquables, comme d'éviter, à ce jour, une confrontation nucléaire, de décoloniser nombreuses régions du monde, de réduire la pauvreté, d'améliorer l'accès aux systèmes de santé et d'éducation, de progresser économiquement et de négocier les buts du développement durable. Mais « l'efficacité de la Charte fonctionne selon la volonté des États de la mettre en œuvre », a-t-elle affirmé, appelant au respect inconditionnel du droit international mais aussi au courage pour enfin sérieusement engager des réformes du système multilatéral, y compris du Conseil de sécurité, afin de « rétablir la confiance dans et au sein de ce système ».

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a observé que le conflit en Ukraine a ajouté une pression énorme sur le système multilatéral qui a déjà prouvé qu'il était capable de s'adapter et d'évoluer dans plusieurs domaines, sauf dans la paix et la sécurité. Pour le représentant, le G20 est l'exemple de l'organe le plus représentatif de la communauté internationale. S'agissant de la réforme du Conseil de sécurité, le délégué a déclaré que sa composition actuelle n'est pas compatible avec les réalités géopolitiques, faisant remarquer que le continent africain et la région de l'Amérique latine et les Caraïbes ne sont pas représentés dans la catégorie des membres permanents. Cela se traduit par un manque croissant de légitimité de cet organe pour prendre des décisions en matière de paix et de sécurité, a-t-il regretté en constatant que cette situation alimente la frustration face aux lacunes du système des Nations Unies dans son ensemble. Le représentant a par ailleurs constaté actuellement une moindre disposition au dialogue et à la diplomatie, en contradiction avec l'esprit de la Conférence de San Francisco. Il a dénoncé les nombreuses occasions où la demande de sanctions a été la réaction instinctive à des situations de crise, précédée par des mesures coercitives unilatérales, qui sont illégales au regard du droit international et inefficaces selon le représentant.

Il a déclaré rejeter les hégémonies, anciennes ou nouvelles, et condamner la menace ou l'usage de la force comme moyen de règlement des différends comme dans le cas de l'Ukraine. Il faut revenir aux principes de la Charte des Nations Unies, avec un accent accru sur les moyens pacifiques de mettre fin aux conflits, a-t-il souhaité en disant que le Brésil ne peut pas tolérer et n'acceptera jamais les violations de l'intégrité territoriale des États Membres. Il a demandé à la communauté internationale de ne pas renoncer à la diplomatie et à la recherche collective de solutions pour relever les défis de notre temps. La diplomatie et la paix sont les moyens et le but du Conseil de sécurité, lequel ne doit pas se dérober face à cette responsabilité, a interpellé le représentant estimant que le monde s'achemine vers un ordre multipolaire. Se disant conscient des déficiences du système des Nations Unies, il a toutefois exhorté à lui faire confiance pour préserver la paix et la recherche de solutions aux défis communs. Il a réclamé un « débat sérieux » sur la nécessité d'un multilatéralisme renouvelé, en particulier dans le domaine de la paix et de la sécurité, en mettant de côté les pratiques qui ne feront qu'aggraver les divisions, au lieu de contribuer à un monde plus pacifique.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) s'est dit convaincu que la vocation primordiale du multilatéralisme est de réaliser les objectifs de la Charte des Nations Unies, dont le principal est le maintien de la paix et de la sécurité internationales. En précisant au quatrième paragraphe de son article 2 que « tous les membres s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique » de tout autre État, la Charte a proclamé l'importance de la sécurité collective, a souligné le représentant. La sécurité collective signifie que la sécurité de l'un est la sécurité de tous et que la sécurité, dans notre monde globalisé, est aussi un « bien global » qui ne peut être ni divisé ni fragmenté, a-t-il ajouté, estimant à ce propos que l'Article 51 de la Charte, relatif à la légitime défense individuelle ou collective, constitue un rappel que tous les États méritent de vivre en paix et en sécurité.

De l'avis du représentant, les défis mondiaux actuels en matière de sécurité, tels que les guerres interétatiques, les conflits internes, le terrorisme, la criminalité transnationale organisée, la prolifération des armes, le financement limité du maintien de la paix, les systèmes de sécurité collective divisés et concurrents et le désarmement nucléaire, imposent de renforcer le multilatéralisme. Avec la coopération positive des États, nous pouvons trouver des moyens concertés et harmonisés pour résoudre la plupart des conflits en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, dans la péninsule coréenne et même en Europe, a-t-il fait valoir, jugeant que répéter l'erreur des conflits mondiaux reviendrait à commettre « le plus grand crime contre l'humanité ».

Pour le représentant, ce contexte témoigne du fait que l'ONU doit être réformée pour être « plus inclusive, efficace, juste, équitable et démocratique ». Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons relever collectivement les défis géopolitiques et sécuritaires auxquels l'humanité est confrontée, a-t-il soutenu, avant de réitérer son appel à réformer le Conseil de sécurité en tenant compte de la Position commune africaine, fondée sur le consensus d'Ezulwini et la Déclaration de Syrte. En outre, le Conseil de sécurité doit améliorer ses méthodes de travail pour renforcer sa capacité à agir dans l'intérêt de l'humanité tout entière, a-t-il ajouté.

« Nous avons vu ce que la conception du multilatéralisme de la Russie signifie pour le monde », a déclaré Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni), avant de dénoncer les « souffrances inimaginables » infligées par la Russie depuis son invasion de l'Ukraine, au mépris des principes de la Charte des Nations Unies. Elle a observé qu'il s'agit également d'un « désastre total » pour la Russie, celle-ci et les pays voisins n'étant pas davantage en sécurité. La confiance envers les promesses de la Russie, de la part des autres États et de son propre peuple, est à un point bas catastrophique, a-t-elle constaté, en ajoutant que la réputation de la Russie sur la scène internationale est désormais « en lambeaux ». La représentante a rappelé la fuite de millions de Russes qui cherchent à échapper à la conscription militaire, tandis que l'armée russe, « autrefois fière », est en ruines et doit faire appel aux mercenaires de Wagner. « Les revendications territoriales de la Russie sur l'Ukraine ne seront jamais reconnues », a ensuite martelé la déléguée. Enfin, elle a déclaré que les institutions multilatérales doivent évoluer, à commencer par ce Conseil, avant d'exhorter la Russie à se retirer immédiatement du territoire de l'Ukraine.

M. ZHANG JUN (Chine) a estimé que le monde se trouve à la croisée des chemins, l'humanité étant confrontée à défis mondiaux sans précédent. Or, a-t-il déploré, des politiques de harcèlement menées sciemment par quelques pays entraînent des divisions. C'est pourquoi il convient de résister à ces pressions et de défendre ardemment la Charte des Nations Unies et un multilatéralisme appliqué sincèrement par tous les pays. Pour le représentant, l'autorité de la Charte doit être préservée à tout prix car ses buts et principes forment la pierre angulaire de l'ordre international fondé après la guerre. Elle a instauré les normes présidant au droit international et n'est en rien obsolète, même si ses principes et buts ne sont pas appliqués comme ils le devraient. Parce que l'esprit de la Charte est le garant d'un avenir harmonieux pour tous, le représentant a affirmé que les États Membres doivent agir pour la défendre de manière cohérente et en dehors de « petits clubs exclusifs qui reposent sur une dichotomie construite de toutes pièces entre prétendues démocraties et autocraties ».

Le représentant a insisté sur le fait que défendre la Charte, c'est défendre l'ordre international sous-tendu par le droit international: il n'en existe pas d'autre, a-t-il martelé. Selon lui, face au risque de chaos, la communauté internationale doit s'appuyer sur les principes et buts de la Charte pour préserver l'équité et répondre aux défis mondiaux afin d'assurer la sécurité et le développement de tous les pays. C'est pourquoi la Chine s'oppose aux tentatives d'imposer un droit international à la signification déformée par une poignée de pays pour imposer leur volonté et leur idéologie à tous. « Sous couvert de défendre un ordre international basé sur les règles, on bafoue les droits légitimes d'autres pays, portant ainsi atteinte à l'état de droit au niveau international », a accusé le représentant.

L'ONU doit être au service de tous les peuples, a insisté le représentant. Elle ne peut pas œuvrer aux intérêts de quelques-uns qui, parfois, accueillent des instances de l'Organisation pour les prendre progressivement « en otage ». Le représentant a ensuite plaidé pour un multilatéralisme efficace et équitable, ce qui exige qu'un rôle accru soit dévolu aux pays africains dans la prise de décisions onusiennes. Nous appuyons la proposition du Secrétaire général de l'ONU de réformer les institutions financières internationales et d'améliorer le système de gouvernance mondiale, a-t-il dit par ailleurs.

Enfin, la Chine appelle à la suppression des sanctions unilatérales, « véritables violations du droit international », imposées par les États-Unis pour renforcer partout leur idéologie. Ces sanctions sont un monstre rampant venant aggraver les crises humanitaires, empêcher le développement de pays entiers et elles entraînent de surcroît des dégâts immenses dans les relations internationales, a affirmé le représentant. Avant qu'elles n'affaiblissent encore davantage le multilatéralisme guidé par l'ONU, la Chine demande qu'il y soit mis fin, ces sanctions étant autant d'actes illégitimes.

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a relevé qu'il peut y avoir différentes opinions sur le multilatéralisme, espérant que ce débat ouvert ne soit pas destiné à diviser plutôt que d'unir. Le multilatéralisme ne fonctionne que lorsque les États Membres travaillent ensemble sur la base de la confiance mutuelle et de la coopération, conformément aux buts et principes de l'ONU, a-t-il relevé. Selon le délégué, c'est une ironie, voire une tragédie, que la Fédération de Russie, un membre permanent du Conseil de sécurité, poursuive son agression unilatérale contre l'Ukraine, tout en organisant un débat sur le multilatéralisme, et ce à l'occasion de la Journée internationale consacrée à la question. Toute tentative de modifier unilatéralement le statut établi des territoires par la force ou la coercition ne devrait pas être tolérée dans le monde, a-t-il martelé. De même, il a estimé que toute déclaration visant à nier la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'Ukraine, des pays voisins ou de tout autre État Membre ne devrait pas être tolérée, en particulier quand cela vient d'un membre permanent de ce Conseil.

Le délégué a regretté que la note conceptuelle de ce débat public, diffusée par la Russie, ne contienne pas un seul mot concernant l'Ukraine mais évoque d'autres « crises et invasions ». Pour le représentant, une telle approche s'apparente à un détournement et une politisation du « multilatéralisme ». Il a appelé l'ONU à continuer d'être le rempart du multilatéralisme. Il a reconnu que l'ONU n'a jamais été parfaite mais que « nous avons tous besoin de l'ONU comme noyau du multilatéralisme ». Il a conclu en appelant à renforcer les fonctions de l'ONU par la réforme, espérant voir aboutir la réforme du Conseil de sécurité lancée en 2005.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que le multilatéralisme, c'est accepter de se soumettre aux règles afin de préserver la paix et la sécurité internationales. Le recours à la force, sauf en cas de légitime défense, est interdit, a souligné le représentant ajoutant que pour la Russie, les règles de droit et les principes qui sous-tendent le multilatéralisme ne semblent pas s'appliquer. La Russie a eu recours illégalement à la force en Géorgie en 2008, en Crimée et dans le Donbass en 2014 et depuis plus d'un an dans toute l'Ukraine, a-t-il énuméré, se désolant que ce pays viole la souveraineté et l'intégrité territoriale des États, de l'Ukraine, le droit international humanitaire, de façon systématique et délibérée, en ciblant des civils. « La Russie viole le droit international des droits de l'homme, en déportant des enfants ukrainiens et en employant de manière systématique le viol comme une arme de guerre et la torture. » La Russie, a poursuivi le représentant, viole les embargos sur les armes décidés par ce Conseil, en se fournissant en drones auprès de l'Iran pour bombarder de manière indiscriminée des infrastructures civiles, la Russie violant ainsi la résolution 2231 (2015). Il a rappelé que l'Assemblée générale a condamné sans équivoque et à une écrasante majorité ces atteintes à notre Charte et qu'elle a notamment demandé que la Russie mette fin sans délai à son agression et retire ses troupes.

M. de Rivière a suggéré que si la Russie veut vraiment défendre le multilatéralisme, elle doit en respecter les règles, le droit international et cesser de violer la Charte; mettre un terme à sa guerre d'agression contre l'Ukraine; retirer immédiatement ses troupes du territoire ukrainien; et s'engager de bonne foi dans la recherche de la paix. Elle doit respecter les décisions rendues par les juridictions internationales, dont la Cour internationale de Justice, a-t-il ajouté en lui demandant encore de prendre sa part dans la lutte contre les changements climatiques. Il a demandé d'agir pour rétablir la stabilité et surmonter les crises en défendant un multilatéralisme ambitieux et efficace qui protège les intérêts de nos pays et de nos peuples, ainsi que les biens communs. « La loi du plus fort ne protège personne. » Le délégué a ensuite rappelé que son pays soutient la réforme du Conseil y compris son élargissement et l'encadrement du veto dans le cadre d'une initiative commune avec le Mexique. Il a aussi souligné la mobilisation de la France envers les objectifs de développement durable, faisant valoir que le pays accueillera, avec le Costa Rica, la Conférence des Nations Unies sur les océans en 2025, ainsi qu'un sommet en juin à Paris pour sceller un nouveau pacte financier global, dans un contexte où l'agression russe en Ukraine a très gravement détérioré la situation des pays les plus vulnérables à la crise alimentaire. La France soutient le programme « femmes, paix et sécurité » du Conseil. La France soutient pleinement les recommandations du Notre Programme commun qui appelle à un multilatéralisme inclusif et efficace afin de mieux répondre aux défis les plus urgents de l'humanité.

Mme FRANCESCA GATT (Malte) a notamment souligné que depuis la création de l'ONU, la marche du monde a été largement guidée par la Charte des Nations Unies et ses principes fondamentaux, parmi lesquels le principe de l'égalité souveraine des États. Selon elle, il convient à cette aune de souligner également que, selon la Déclaration des Nations Unies de 1970, il n'y a pas de conflit entre les principes du droit international car ils sont interdépendants, et chaque principe doit être construit dans le contexte des autres principes. Dès lors, a ajouté la représentante, nous ne pouvons pas accepter les résultats des référendums illégaux organisés l'année dernière par la Russie « comme prétexte pour de nouvelles violations de l'indépendance, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine ». Nous ne pouvons pas non plus reconnaître les prétendues républiques issues des actes illégitimes de la Russie envers l'Ukraine, a encore déclaré la déléguée.

Pour Malte, les agissements russes contribuent précisément au démantèlement de l'ordre fondé sur des règles. Dans ce contexte, la représentante a jugé profondément préoccupant que la Fédération de Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, ait ignoré de manière flagrante la fonction première de ce Conseil, à savoir le maintien de la paix et de la sécurité internationales, lorsqu'elle a lancé son agression contre l'Ukraine. La déléguée a exhorté à son tour la Russie à mettre fin à cette guerre, à retirer ses forces militaires de l'ensemble du territoire ukrainien à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues et à se tourner vers le dialogue et la diplomatie en tant que seuls outils susceptibles de ramener la paix et la stabilité dans la région.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a rappelé le principe de l'inviolabilité de l'intégrité territoriale. Il a estimé que la meilleure issue de ce débat serait que la Russie cesse son agression contre l'Ukraine. Il n'y aurait pas de plus « beau cadeau », a estimé le représentant, qui a ensuite balayé toutes les justifications avancées de cette agression, avant de rappeler l'unicité de la Charte. Il n'y a pas de Charte pour l'Occident, pour les juifs ou pour les musulmans, il n'y a qu'une seule Charte, a tranché le représentant, qui a ensuite plaidé pour un contrôle des armements et rappelé que le monde ne peut être vu comme un jeu de conquête. Il s'est dit favorable à une réforme du Conseil de sécurité, en rappelant l'obligation de ses membres de respecter les principes du multilatéralisme, puisque seuls ceux-ci peuvent imposer l'ordre au chaos. Défendons la Charte et œuvrons pour la paix, a-t-il conclu.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a parlé « d'hypocrisie » en constatant qu'un membre permanent du Conseil de sécurité qui a ouvertement ignoré la Charte des Nations Unies, sciemment et volontairement transgressé toutes les règles communément établies en matière de relations entre États et ignoré les résolutions du Conseil et ses propres engagements internationaux avait choisi aujourd'hui de faire la leçon au monde sur le multilatéralisme. Parlant de « parodie », il a toutefois fait observer qu'au vu des milliers de victimes innocentes et des millions de personnes déplacées, on ne pouvait en rire. Pour lui, ce qui s'est passé en Ukraine est le contraire de tout ce que nous représentons. Se refusant à « acheter une réalité parallèle artificielle conçue pour transformer l'agresseur en défenseur de la Charte des Nations Unies », le représentant a estimé que la guerre en Ukraine pose la question fondamentale du multilatéralisme et de son avenir, au moment où nous en avons le plus besoin pour affronter des défis mondiaux qui appellent des solutions mondiales qu'aucun pays ne pourra résoudre seul. Pour l'Albanie, il faut une véritable coopération internationale et la reconnaissance ferme qu'aucun pays ne peut atteindre ses objectifs aux dépens des autres.

Le représentant a rappelé que l'Assemblée générale avait confirmé à plusieurs reprises qu'elle n'accepterait pas un avenir où la force dicte le droit, ni « une sémantique cynique où une agression est qualifiée d'"opération spéciale" ». Il a dit avoir entendu aujourd'hui « des tonnes » d'hypocrisie en provenance de Russie. Il a en particulier dit n'avoir « rien entendu sur la question clef: en vertu de quelle règle de la Charte des Nations Unies la Russie a-t-elle attaqué son voisin et annexé par la force des parties de son territoire? » Appelant au respect mutuel plutôt qu'au mépris, à la solidarité plutôt qu'aux menaces et à la diplomatie plutôt qu'à la guerre, le représentant a exhorté la Fédération de Russie à mettre fin à sa guerre, à retirer toutes ses troupes d'Ukraine et à respecter sa souveraineté et son intégrité territoriale à l'intérieur des frontières internationalement reconnues. « Le multilatéralisme, c'est s'unir en toute bonne foi, et non jouer à la roulette russe », a-t-il conclu.

M. GERARDO PAÑALVER PORTAL, Premier Vice-Ministre des affaires étrangères de Cuba, a constaté un affaiblissement progressif du multilatéralisme face à la multiplication des tensions, des formes de domination et d'hégémonie, et des menaces à la paix et à la sécurité internationales. Il a relevé que la crise mondiale multidimensionnelle, exacerbée par la pandémie de COVID-19, a un impact plus important sur les pays du Sud, « en raison de l'ordre international injuste et insoutenable qui prévaut ». Alors que les inégalités, l'exclusion sociale et la pauvreté s'aggravent, que les conflits armés prolifèrent et que la course aux armements s'intensifie, des tentatives sont faites pour « réimposer un ordre unipolaire », en ignorant les traités internationaux et en multipliant les mesures coercitives unilatérales, ainsi que d'autres violations de la Charte des Nations Unies et du droit international, a-t-il dénoncé. Face à cette « grave réalité », le Vice-Ministre a réaffirmé la nécessité de renforcer le multilatéralisme, la coopération internationale et la solidarité pour faire face aux défis communs.

Pour ce faire, le Premier Vice-Ministre a jugé urgent d'entreprendre des transformations profondes de l'ONU, afin d'aller vers un ordre international démocratique, juste, équitable et respectueux de l'égalité souveraine des États, au bénéfice des générations présentes et futures. Selon lui, une culture de la paix garantissant la sécurité et le bien-être des nations doit être promue et le rôle de l'Assemblée générale doit être revitalisé et renforcé, « sans ingérence du Conseil de sécurité dans ses travaux ». Le Vice-Ministre a également souhaité que cet organe soit réformé pour devenir plus transparent, inclusif, démocratique et représentatif. De surcroît, il importe, à ses yeux, de faire cesser immédiatement l'application de mesures coercitives unilatérales et l'élaboration de listes « fallacieuses et arbitraires », comme celle d'États « prétendument commanditaires du terrorisme ». Le monde a besoin de solidarité, de coopération et de respect mutuel, et non de blocages ou de sanctions, a-t-il fait valoir, assurant que Cuba continuera de défendre avec fermeté et constance la Charte des Nations Unies et le droit international, tout comme elle restera attachée à la proclamation de l'Amérique latine et des Caraïbes comme zone de paix.

M. AMIR SAEID IRAVANI (République islamique d'Iran) a déclaré que le multilatéralisme est capable de résoudre les conflits mondiaux. Les États Membres doivent promouvoir un ordre juridique mondial stable et efficace. Le représentant a dénoncé l'abus du système de l'ONU, l'application sélective du droit international et le recours aux mesures coercitives unilatérales et à l'unilatéralisme, y voyant des menaces à la paix et une violation de la Charte des Nations Unies. Les mesures coercitives unilatérales et leur application extraterritoriale sont un exemple préoccupant de démarche unilatérale nocive, a-t-il ajouté. Ces mesures peuvent saper les efforts diplomatiques visant à résoudre les différends et à promouvoir la coopération.

Le retrait unilatéral des États-Unis du Plan d'action global commun et la réimposition unilatérale de sanctions illégales contre l'Iran et les tentatives de contraindre d'autres pays de s'engager dans ces actions sont illégaux, de même que la remise en cause de l'arbitrage de la Cour internationale de Justice, a accusé le représentant, pour qui toutes ces mesures sapent le système multilatéral. Il a demandé aux États-Unis d'appliquer la décision de la CIJ du 30 mars 2023 concernant certains avoirs iraniens, rappelant que cette décision, finale et contraignante, exige des États-Unis son application intégrale.

M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a appelé à se baser sur la Charte pour renforcer le multilatéralisme qu'incarnent les Nations Unies depuis 75 ans. L'Égypte fut un État fondateur de l'Organisation, a rappelé le représentant, et elle a ensuite joué rôle clef dans la création de l'Union africaine, de la Ligue des États arabes et de l'Organisation de la coopération islamique. Préoccupé par le recul de certains des principes fondamentaux du droit international et les tentatives d'ingérence sous divers prétextes fallacieux, le représentant a par ailleurs averti des risques que font encourir à la paix, à la sécurité et au développement la monopolisation par des grandes puissances de prises de décisions sans concertation véritable des pays, notamment africains. Au cours des sept dernières décennies, le monde a changé, et il convient de prendre en compte les opinions de ces pays, en premier lieu au sein d'un Conseil de sécurité réformé, a-t-il dit.

Le représentant a souligné que le « deux poids, deux mesures » affecte les liens entre pays, de même que la politisation accrue des instances internationales les empêche d'agir de manière multilatérale dans les domaines vitaux que sont le commerce, le développement durable et la lutte contre les changements climatiques. En outre, il s'est inquiété des tentatives de minimiser le rôle des États par des acteurs non étatiques qui entendent rivaliser avec eux sur des enjeux mondiaux. « La réforme globale du système international multilatéral doit se baser sur la conviction que les États peuvent et doivent coexister de manière pacifique en se fondant sur les principes intangibles de justice et égalité », a-t-il d'autre part déclaré. C'est en ce sens qu'il a plaidé pour un retour aux principes fondamentaux de la Charte pour répondre aux défis mondiaux actuels. À cet effet, l'Égypte appuie les propositions de réforme du système de gouvernance économique mondiale du Secrétaire général de l'ONU, y voyant le moyen le plus sûr de relever collectivement les défis climatiques et de sécurité alimentaire.

M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a rappelé que la sécurité internationale était confrontée à de multiples menaces, qui ne pourront être surmontées que par la coopération multilatérale. Le représentant a rejeté tout monde unipolaire, bipolaire « ou même multipolaire s'il doit être dominé par quelques États ultrapuissants » et a préconisé un multilatéralisme équitable, dans lequel chaque État Membre aurait une voix. Il s'est dit préoccupé par certaines notions émergentes comme le « multilatéralisme en réseau », qu'il a jugé lui aussi contraires à l'ordre international constitué d'États souverains et égaux.

Le représentant a appelé le Secrétaire général à préparer un rapport annuel sur les situations dans lesquelles les résolutions du Conseil ne sont pas appliquées ou sont violées. Le Conseil doit faire appliquer ses propres décisions, a-t-il insisté, avant de rappeler qu'il avait des moyens à sa disposition pour cela. Le représentant a ensuite rappelé que, si la décolonisation avait été comme l'a dit le Secrétaire général, un succès de l'ONU, les droits des populations du Jammu-et-Cachemire restaient foulés au pied par l'Inde. Il a également dénoncé la situation des Palestiniens.

Si on veut éviter une catastrophe mondiale, il faut apaiser les tensions internationales actuelles résultant de la guerre en Ukraine, a déclaré le représentant, qui s'est dit préoccupé par l'escalade des tensions ainsi que des dépenses militaires. Pour lui, le Sommet de l'avenir de 2024 devra permettre de réaffirmer l'engagement des États de s'abstenir de recourir à la force ou à des comportements provocateurs ainsi qu'à des blocs ou alliances militaires, ainsi que d'appliquer les résolutions du Conseil de sécurité. Il a appelé les Nations Unies à jouer un rôle de chef de file dans la relance du processus de désarmement et de contrôle des armements. Estimant qu'un multilatéralisme efficace doit s'appuyer sur des institutions internationales robustes, il a appelé à réformer le Conseil de sécurité, tout en précisant qu'un Conseil de sécurité réformé n'était pas en soi une panacée. Il a également demandé une réforme et une démocratisation des institutions de Bretton Woods.

M. ANTONIO LAGDAMEO (Philippines) a redit le profond attachement de son pays à la Charte des Nations Unies et rejeté toute tentative visant à la bafouer. Il a appelé au dialogue sur la base du droit international afin de surmonter les divergences, en prenant l'exemple de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Le représentant a mis en avant l'importance de la Déclaration de Manille qui rappelle notamment l'obligation pour les États de régler leurs différends par des moyens pacifiques. Fruit de l'initiative du Groupe des pays non alignés, la Déclaration de Manille est plus pertinente que jamais, a-t-il ajouté.

Le représentant a appelé à une réforme du Conseil de sécurité afin de le rendre plus transparent, inclusif et représentatif, avant de demander une interaction accrue entre ce dernier et les groupes régionaux. Le multilatéralisme ne peut être efficace que si nous adhérons aux principes que nous chérissons tant, tels que la coexistence pacifique et le respect de la souveraineté, a-t-il conclu.

À suivre...